De quelle façon vous êtes-vous associé à la maison Camard pour organiser en tant qu’expert cette première vente aux enchères de céramiques contemporaines le 27 mai ?
Les Camard ont toujours organisé des ventes autour de ce médium avec de beaux catalogues bien documentés, participant ainsi à la redécouverte de la céramique française et européenne de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle. Aussi, lorsqu’ils m’ont contacté parce qu’ils souhaitaient prendre un virage plus contemporain, leur démarche m’a semblée logique, intéressante et complémentaire par rapport à mes propres activités. Ils ont souhaité des ventes régulières, au rythme d’une par an, objectif nécessaire à un vrai travail de fond. Cette première vente me permet de confronter les choix opérés lors de la Biennale [de Vallauris] à la réalité du marché et de démontrer une nouvelle fois l’excellence de ce médium, trop souvent perçu au travers du seul objet fonctionnel ou décoratif, véritable « complément naturel du meuble ». L’idée étant de faire le point sur l’actualité de la création dans ce domaine à contre-courant des idées reçues.
Quel est ce monde de la céramique que vous évoquez dans cette vente ?
Un monde qui bouge, qui se remet en question et qui a le souhait d’aller de l’avant. La filière céramique est vécue par nombre de créateurs comme un ghetto. Les faits parlent d’eux-mêmes, le confort d’un public d’emblée acquis ne suffit pas et nombre de galeries, inadaptées à ce besoin nouveau de liberté, disparaissent. Cette vente est l’occasion d’une ouverture au marché de l’art.
En intitulant la vente « Créations contemporaines céramiques », que souhaitez-vous signifier ?
Le terme « céramique contemporaine » est de plus en plus difficile à manier. Il a trop souvent été associé aux seules pratiques artisanales. Je préfère parler d’art contemporain ou de création artistique contemporaine. Aujourd’hui, nombre de créateurs, qu’ils soient artistes plasticiens, designers ou même « céramistes » font un usage libre et décomplexé de ce médium. Les frontières se dissolvent et c’est tant mieux. Les approches artistiques sont bousculées, comme l’atteste la présence de nombreuses techniques mixtes dans cette vente. On n’hésite plus, si nécessaire, à mélanger céramique, peinture acrylique et mousse polyuréthane.
D’où viennent les lots de la vente et comment les avez-vous choisis ?
Ils viennent de collections privées mais aussi des artistes eux-mêmes. J’ai sélectionné les œuvres pour leur qualité plastique mais aussi en tenant compte de la rigueur des démarches entreprises par les créateurs. Marc Alberghina, Jean Gabriel Cruz, Farida Le Suavé ou Françoise Vergier en sont de parfaits exemples. Beaucoup ont exposé aux deux dernières Biennales de Vallauris. Stephan Hasslinger et Clémence Van Lunen y ont reçu le Grand Prix en 2006 et 2008. Piet Stockmans, Gitte Jungersen, Philippe Barde et d’autres comme Wouter Dam ou Martin Bodilsen Kaldhal ont des cotes soutenues sur le marché. La jeune création sera illustrée par Fabien Clerc, Florence Doléac, Maude Schneider, Coline Rosoux, Maxim Velcovsky ou encore Arnaud Vérin.
Ne prenez-vous pas un risque en soumettant directement au feu des enchères l’œuvre d’artistes dont la cote n’est pas toujours établie ?
Au contraire, c’est l’occasion de la créer ou de la soutenir en se confrontant aux exigences du marché. De nombreux collectionneurs, souvent amateurs d’art contemporain, sont avides de découvrir de nouvelles propositions esthétiques. Je suis donc confiant. Trop souvent la mauvaise qualité a été mise sur le devant de la scène. Cette vente permet d’opérer un vrai changement, de montrer autre chose qu’une énième et trop limitée remise au goût du jour de pratiques millénaires. Quitte à provoquer une certaine forme de dialogue critique, la salle de vente offre aux artistes une visibilité très rapide sur le marché, et est un moyen efficace de montrer leurs œuvres à de nouveaux collectionneurs, avec ici des prix très accessibles, de 160 à 9 000 euros.
« Prospection, créations contemporaines céramiques », vente le 27 mai à Drouot, 9, Drouot, 75009 Paris, SVV Camard ; expositions publiques : le 26 mai 10h-18h et le 27 mai 11h-12h, tél. 01 42 46 35 74, www.camardetassocies.com ; 108 lots estimés au total 150 000 euros
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Yves Peltier, spécialiste de la céramique moderne et contemporaine, commissaire d’exposition, commissaire de la Biennale internationale de céramique contemporaine de Vallauris depuis 2006
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°303 du 16 mai 2009, avec le titre suivant : Yves Peltier, spécialiste de la céramique moderne et contemporaine, commissaire d’exposition, commissaire de la Biennale internationale de céramique contemporaine de Vallauris depuis 2006