Vous étiez exposant à Bruneaf (Brussels Non European Art Fair) du 3 au 7 juin. Comment avez-vous trouvé cette édition ?
Il y avait un peu moins de monde que d’habitude. Et aussi moins de beaux objets. Ce n’était pas le grand Bruneaf que je connais. Dans l’ambiance économique actuelle, certains confrères sont attentistes. Ils ne veulent pas sortir leurs belles pièces pour ne pas les « griller », comme ils disent. Ceux qui avaient fait l’effort de présenter des objets rares à des prix normaux les ont pourtant vite vus partir.
Pourquoi avoir choisi ce moment pour présenter à Paris une importante exposition d’objets africains du royaume du Kongo qui a démarré le 12 juin ?
Le mois de juin est généralement une bonne époque pour les expositions. Dans le climat ambiant de morosité que nous connaissons à présent, beaucoup de collectionneurs ont envie de découvrir de beaux objets. Or, il y a une pénurie d’œuvres importantes, aussi parce que certains collègues marchands souhaitent les réserver pour des jours meilleurs. Il y a six mois, lorsque j’ai projeté de lancer cette exposition « Kongo, art magique », une majorité d’entre d’eux m’a dit : « Tu es fou. Tu risques de te planter. Il ne faut pas bouger dans des périodes comme celle-ci. » Aujourd’hui, les mêmes me disent que c’est le succès assuré. Le 15 mai dernier à New York, chez Sotheby’s, tous ont pu constater l’engouement des collectionneurs pour la formidable collection Gross d’arts premiers, avec des beaux objets proposés à des estimations attractives.
Tous les objets que vous exposez vous appartiennent-il vraiment ?
Oui, je les ai achetés durant ces quinze dernières années, en me disant qu’un jour je ferai une exposition thématique sur l’art fascinant de cette vaste région d’Afrique sub-saharienne. Aucune pièce ne m’a été prêtée. Je n’ai jamais été enclin à prendre des objets en dépôt. On est beaucoup plus flexible avec les œuvres que l’on possède. Et on les défend mieux.
Qu’est-ce qui caractérise l’art du royaume du Kongo que vous présentez ?
Tous ces objets sont empreints de magie, parce qu’ils ont des fonctions magico-religieuses. Ce sont des statues-reliquaires incarnant une maternité, un chasseur ou un guerrier, un chef ou un dignitaire de haut rang, un sorcier ou encore un animal. Ces rares sculptures, qui sont toutes très anciennes – remontant au XIXe siècle au minimum –, m’ont séduit par leurs caractères esthétiques et leurs qualités sculpturales : rondeurs, grande inventivité, force d’expression… C’est une sélection personnelle qui n’est ni exhaustive ni ethnographique. Avec l’aide précieuse du photographe Hugues Dubois, j’ai aussi voulu éditer un catalogue d’art qui mette en avant, parfois sous des angles singuliers, la variété créatrice de l’art du Kongo, qui doit tout à la force du culte voué aux objets.
Quelles sont les pièces phares de cette exposition ?
J’ai pu rassembler un certain nombre de chefs-d’œuvre, dont la rarissime poire à poudre médicinale bembé, en forme de chien, provenant de la collection Stanoff. Parmi les belles et rares maternités, j’expose une effigie Vili chargée de matières magiques et une autre mère allaitant son enfant d’art sundi, d’influences Bembé et Bwendé, maintes fois publiée. Il faut encore relever une singulière et unique pipe Yombé incroyablement sculptée ; un exceptionnel Téké Janus de la collection Hubert Goldet, et un rare couple ancestral Vili. Il se présente également de petits bijoux dans les miniatures, notamment deux statuettes à fonction magique Yombé et Manyanga.
Quels sont les rendez-vous internationaux qui comptent dans votre domaine ?
À Paris, Parcours des mondes est l’événement le plus important. J’y ai prévu, en septembre prochain, une exposition thématique d’œuvres d’Afrique, d’Océanie et d’Amérique, intitulée Des bêtes et des hommes. Bien sûr, il faut compter la bruxelloise Bruneaf et enfin, la Tribal & Textile Arts Show de San Francisco (en février) qui est passée depuis quelques années devant celle de New York.
Du 12 juin au 6 septembre, galerie Yann Ferrandin, 5, rue Visconti, 75006 Paris, tél. 01 43 26 08 37, www.yannferrandin.com, du mardi au samedi 11h-13h et 14h30-19h.
Fourchette des prix : 5 000 à plus de 300 000 euros. Nombre d’œuvres : 44.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Yann Ferrandin, antiquaire spécialiste des arts premiers à Paris
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°306 du 26 juin 2009, avec le titre suivant : Yann Ferrandin, antiquaire spécialiste des arts premiers à Paris