Avec 90 000 visiteurs attendus et 111 exposants, la Biennale des Antiquaires, que l’on a dit un temps menacée par la Foire de Maastricht, reste un rendez-vous incontournable du marché de l’art international. Près de 10 000 pièces sont présentées aux amateurs et collectionneurs, dont un grand nombre de chefs-d’œuvre qui vont enrichir collections particulières et musées du monde entier. A travers vingt siècles d’art, tous les goûts et tous les styles trouvent leur place dans cette prestigieuse vitrine. La biennale suit une longue tradition qu’il n’est pas question de trop bousculer. La formule a fait ses preuves. Pour Christian Deydier, organisateur de cette édition et récemment promu à la tête du Syndicat national des Antiquaires, la biennale est « à la fois un moteur et un tremplin pour les antiquaires. C’est pourquoi, malgré notre volonté d’innover, nous ne changerons pas la formule de la Biennale des Antiquaires, qui remplit parfaitement son objectif de notoriété et de visibilité
commerciale ». Quoi de neuf alors pour cette XXIe édition ? D’abord l’espace. Scénographie et jeux de lumières ont été entièrement repensés par Jacques Châtelet, avec pour ambitieux projet de rappeler le faste de l’Exposition Universelle de 1900 qui faisait alors de Paris une « Ville Lumière ». Autre nouveauté, la durée réduite de la manifestation. Que certains regrettent déjà, comme Guillaume Savin de la galerie Dutko qui souligne l’importance d’être présent trois week-ends. Les gens se promènent, repèrent et reviennent. Du côté de l’offre, des changements et des surprises aussi. Représentés lors de précédentes éditions par un seul galeriste, Alain de Monbrison, les arts premiers font cette année l’objet d’une section particulière qui confirme la montée de ce secteur. Monbrison est rejoint par les galeries Guimiot (Bruxelles), Mermoz, Ratton-Hourdé (Paris), et Entwistle de Londres, qui expose une Divinité de Micronésie (XIXe) d’une grande pureté. On trouvera aussi des objets d’art primitif chez Jean-Luc Mechiche ou chez Jean-Jacques Dutko. Une concurrence qui va, selon Daniel Hourdé,
« encourager chacun à trouver les meilleurs objets, peu vus, choisis pour leurs qualités ethnographiques et esthétiques ». Le marchand a sélectionné, entre autres, une élégante gazelle Tywara du Mali et un masque Fang. L’art asiatique – un Masque funéraire en or chinois de la dynastie des Liao chez Christian Deydier – et précolombien sont également bien représentés.
Le mobilier et les objets d’art, du IXe au XXe siècle, demeurent une tendance très forte avec 34 exposants et la présence de tous les grands noms. Chez Didier Aaron, on trouvera notamment un Fauteuil de bureau à manchettes ouvrantes (1745) d’Etienne-Martin Maure, tandis qu’on pourra se laisser séduire, chez Ariane Dandois, par une table à jeu en marqueterie d’ivoire et d’ébène. Une très belle pièce du XIXe siècle. Côté objets, on notera de rares candélabres aux vestales en bronze platine et doré du XIXe. Le détour s’impose par le stand d’Yves Gastou, qui propose une paire de fauteuils en ébène noirci recouverts de tapisseries d’Aubusson et chez Perrin pour un lustre Louis XVI en bronze doré et cristal de roche à cinq bras de lumière. A découvrir aussi, le mobilier Louis XIII et Renaissance du New-Yorkais Blumka et du Munichois Boehler. Pour l’Art Déco – revenu en force il y a deux ans –, passage obligé par Philippe Denys de Bruxelles et les galeries parisiennes Arc en Seine, Yves Gastou, Pierre Passebon, Vallois. Jean-Jacques Dutko, quant à lui, crée l’événement en présentant une importante décoration réalisée vers 1928 par Armand-Albert Rateau pour la salle de bains de la famille Dubonnet. L’ensemble est complet, de la baignoire en pierre de Hauteville et marbre blanc à la vasque lavabo et sa robinetterie en bronze, en passant par le miroir, les appliques, les portes à fond de miroir, la mosaïque du sol et les huit colonnes en stuc peint à décor gravé de flammes rehaussé à la feuille d’or. Le tout surmonté d’un dôme doré à la feuille.
Les trois grands spécialistes parisiens du dessin sont au rendez-vous, Brame & Laurenceau, Antoine Laurentin et Eric Coatalem, aux côtés de quelques autres marchands français et étrangers, dont la galerie suisse Jan Krugier et Ditesheim & Cie qui est de retour cette année avec une très belle feuille de Giacometti, Portrait de la mère de l’artiste (1923-24). En peinture ancienne, une œuvre tardive de Guardi, Vue de Dolo, mérite le détour par la galerie Canesso. Tout comme la Vierge entourée d’anges fin XIIIe-début XIVe proposée par le Florentin Moretti. Pour le XIXe et le début XXe, on verra entre autres chez Brame & Laurenceau un Portrait de jeune homme (1793) de David, un beau Vlaminck et un Caillebotte de 1884. Et chez Hopkins Custot, un van Dongen de 1910, Jeune Arabe. En moderne, un Picasso de 1936, Buste de femme et Magie noire de Magritte sont à voir chez Landau Fine Art (Montréal).
Présence discrète mais remarquable aussi de l’archéologie avec les deux spécialistes Vervoordt et Blondeel-Deroyan. Ce dernier présente un Petit visage sumérien en Pierre de Mésopotamie (2600-2340
av. J.-C.).
Faïence, céramique, tapis et tapisseries (chez Chevalier), livres rares, orfèvrerie, joaillerie, numismatique, armes..., l’offre classique est large. Aux valeurs sûres de la profession viennent s’ajouter de nouveaux marchands et de jeunes galeristes pour qui la manifestation est une chance sans équivalent. Priorité est donnée à l’international pour les 17 exposants qui y participent pour la première fois. Ils viennent d’Allemagne (Boehler), du Canada, des Etats-Unis (Harry Winston pour la joaillerie, The Chinese Pocelain Company), de Grande-Bretagne (mobilier et objets XVIIe et XVIIIe chez Partridge), d’Italie et des Pays-Bas (Vanderven & Vanderven). La participation étrangère représente un tiers des participants : 72 antiquaires français et 39 étrangers. Beaucoup d’acheteurs sont étrangers, et américains en particulier.
Hervé Aaron, vice-président du SNA, rappelle que la Biennale a été créée, en 1956, « pour apporter un témoignage vivant sur l’impact et la valeur du métier d’antiquaire. Il s’agissait alors de créer un événement artistique international, afin de montrer toutes les facettes d’un métier guidé par la passion, mais qui ne peut survivre que s’il est pratiqué avec un haut degré d’exigence ». Près de quarante ans plus tard, l’exigence reste le maître mot de cette manifestation où la pièce rare et le chef-d’œuvre sont recherchés. Un niveau de qualité toujours maintenu par les antiquaires qui, depuis des mois, cherchent, achètent et gardent, pour beaucoup d’entre eux, le secret sur ce qu’ils vont dévoiler à la biennale.
Véritable pavé dans la mare lancé par le syndicat national des antiquaires (SNA), un Salon n°2 devrait voir le jour l’an prochain légèrement en avance sur les dates de la biennale. Et c’est également sous les auspices de Christian Deydier, président du SNA que ce nouveau rendez-vous des amateurs d’antiquités, censé se tenir annuellement, prendra place au Carrousel du Louvre. Néanmoins, pas de doublon avec son aînée, puisque l’événement, en raison de la faible superficie des stands, laissera plutôt la part belle aux marchands détenteurs d’objets d’art : céramique, bijoux, tapisseries... De même, il serait question à terme que la foire devienne le pôle fédérateur d’autres initiatives telles la biennale d’art asiatique ou encore le salon Art Tribal. Pour l’heure, on ne peut que se réjouir de la mise en place d’un tel événement qui élargira encore un peu plus la visibilité à Paris des marchands d’antiquités. Salon n°2, du 12 au 23 septembre 2003.
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XXIe Biennale des Antiquaires : un rendez-vous de prestige
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°539 du 1 septembre 2002, avec le titre suivant : XXIe Biennale des Antiquaires : un rendez-vous de prestige