Vous venez de trouver un grand bâtiment industriel à Bruxelles. Que comptez-vous en faire ?
Depuis deux ans déjà, l’idée d’un plus grand espace me démangeait. L’espace dans lequel je suis actuellement a grandi de façon organique, en annexant au fil des ans des bâtiments mitoyens. Je voudrais aujourd’hui des locaux plus rationnels. En trouvant ce bâtiment de 5 500 m2, j’ai aussi voulu faire un projet commun. Je compte fractionner cet espace en locaux de 500 ou 600 m2 où d’autres personnes s’installeraient aussi. L’idée est d’avoir des gens de qualité, venant aussi bien de l’édition de livres, de l’art contemporain que du design. Je tiens à ce que dans le lot, il y ait une jeune galerie, pour que quelqu’un de prometteur puisse bénéficier de notre public. Il faut concevoir ce lieu comme un quartier, avec des gens d’intérêts divers.
Les galeries bruxelloises sont souvent respectées à l’étranger, mais Bruxelles n’est pas pour autant sur la carte des collectionneurs qui préfèrent Londres ou Berlin. Un nouveau lieu peut-il changer la donne ?
Nous ne sommes pas dans une ville de la taille de Londres ou Paris. Il faut une masse critique de galeries pour attirer une masse de collectionneurs. Un lieu avec six à huit acteurs à 500 mètres de la gare de Midi où arrivent l’Eurostar et le Thalys peut devenir une destination. Il ne faut toutefois pas se leurrer. Bruxelles ne sera jamais Londres ou New York, mais ce n’est pas nécessaire. Elle a sa propre identité, celle d’une ville multiculturelle, bilingue et dépaysante. J’ai souvent réfléchi à m’établir ailleurs. Il y a néanmoins en Belgique de très bons collectionneurs privés. Par ailleurs, prenez ma liste d’artistes. On y trouve aussi bien Louise Bourgeois, Robert Ryman, John Chamberlain, George Condo… À New York, pour trouver ces artistes, il faut faire un grand nombre de galeries. Dans une grande ville, il m’aurait été impossible d’avoir tous ces artistes dans ma liste.
Vous avez plusieurs artistes belges dans votre liste. Comptez-vous en intégrer d’autres ?
Je vais retravailler avec Thierry de Cordier, un artiste qui m’est cher depuis le début de ma galerie.
Hans Op de Beeck ou Erwin Wurm que vous présentez à partir du 13 septembre se trouvent aussi dans plusieurs autres galeries européennes. Cette multiplication des représentations est-elle vraiment nécessaire ?
La tradition américaine veut qu’un artiste soit dans une seule galerie, mais les États-Unis sont beaucoup plus uniformisés que l’Europe. On peut passer de la Côte Ouest à la Côte Est sans grand changement. Ils ont tous les mêmes icônes. En Europe, ce n’est pas le cas. Un marchand belge parle à un groupe de personnes, tandis qu’un Finlandais s’adresse à un autre. Il y a donc un vrai besoin de disposer de plusieurs représentations.
Hans Op de Beeck a été découvert en 2005 dans le secteur Art Unlimited de la Foire de Bâle. Cette présence avec un spectaculaire restauroute a-t-elle eu un impact sur sa carrière ?
Art Unlimited est une plate-forme extraordinaire, plus intéressante qu’une Biennale, car pendant cinq jours tous les collectionneurs et curateurs du monde entier y passent. Pour Hans Op de Beeck, cette présence lui a donné des ailes. On a pu vendre des pièces, commencer à travailler avec d’autres marchands à l’étranger, comme Continua en Italie et bénéficier d’expositions en Corée et au Japon.
En tant que membre du comité de sélection de la Foire de Bâle, que pensez-vous de la passation de pouvoir d’une personnalité charismatique comme Samuel Keller à un triumvirat ?
J’avoue que j’étais critique au départ. Entre-temps, en août, nous avons travaillé pendant deux jours avec Cay Sophie Rabinovitz et Marc Spiegler. J’ai senti que chacun arrivait à gérer son territoire, avait sa place. Tous deux ont leurs personnalités, leurs idées, une envie commune de faire des choses. Depuis cette réunion, je suis totalement confiant. Nous ne sommes plus dans l’Empire romain et il faut voir cela non pas comme un triumvirat mais comme une équipe sportive.
Le mois d’août a aussi été le théâtre d’une crise des marchés boursiers et immobiliers. Cela affectera-t-il aussi le marché de l’art ?
J’aimerais que le marché de l’art puisse être rappelé à l’ordre, qu’il y ait une baisse de régime plutôt qu’un arrêt du moteur. Il faut une correction qui amène une prise de conscience. Autrement, jusqu’où va-t-on ? On ne peut pas aligner tous les jours des records qui anesthésient tout esprit critique.
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Xavier Hufkens, galeriste à Bruxelles
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°264 du 7 septembre 2007, avec le titre suivant : Xavier Hufkens, galeriste à Bruxelles