La galerie Semiose fait découvrir l’étonnant travail plasticien d’un artiste généralement plus connu pour ses romans.
Paris. Le titre, « The Ripper Spirals » (« La spirale de l’éventreur ») de cette troisième exposition (depuis 2016) de William S. Burroughs (1914-1997) à la galerie Semiose est à lui seul tout un programme. Il est le raccourci de l’intitulé d’une œuvre, The Ripper spirals in: (Turn picture slowly clockwise for face of his victim) qui invite le visiteur à faire tourner sur elle-même cette encre sur papier accrochée au mur avec un judicieux système pour découvrir, au hasard du positionnement de l’œuvre, le dessin qui, telle une paréidolie, évoque une tête au milieu d’une composition abstraite. Comme une loterie, une roue de la fortune (ou de l’infortune), une roulette russe.
L’idée du tir, de l’imprévu, de l’aléatoire, de la spontanéité est d’ailleurs l’arc dominant de cet ensemble très punk d’une trentaine d’œuvres datées de 1987 à 1997 et, pour certaines, jamais montrées puisqu’elles viennent directement de l’estate de l’artiste, et notamment de James Grauerholz (manager, secrétaire et compagnon de Burroughs les vingt dernières années de sa vie). On découvre en effet le tir dans un bel ensemble d’une dizaine de peintures sur contreplaqué de la série des « Gunshots » (Peintures de tirs) sur lesquelles l’artiste, installé à Lawrence dans le Kansas profond, après avoir quitté New York au début des années 1980, tire à la carabine, en pleine campagne. Passionné d’armes à feu, Burroughs racontait que les impacts et les éraflures constituaient un événement plastique et esthétique qui permettait d’autant plus de rentrer dans l’œuvre et de passer au travers que celle-ci était visible en recto verso. Cette dualité se retrouve notamment dans la série des « Folders » (des chemises de rangement pour classeurs), avec des jeux de correspondances voire de similitudes et de symétries, dignes du test de Rorschach, entre la partie droite et la partie gauche. Mais aussi dans d’autres œuvres qui jouent sur un redoublement entre le haut et le bas et qui, pour certaines, reprennent le thème du tir sous la forme de pochoirs révélant des pistolets. Car cet ensemble d’œuvres rappelle également la multitude de techniques utilisées par Burroughs comme autant d’expérimentations et de possibilités de propositions cryptiques, médiumniques, hallucinées.
Entre 5 500 euros pour les plus petites œuvres et 75 000 euros pour le plus grand et rare tableau, les prix sont très raisonnables pour celui qui incarne l’esprit de la Beat Generation dont il fut l’une des figures avec Jack Kerouac et Allen Ginsberg. Mais Burroughs, qui s’était promis de ne jamais exposer ses œuvres avant la mort (en 1986) de son compagnon de route Bryon Gysin (l’inventeur du cut-up, qui l’avait initié à l’art) et qui fit donc sa première exposition personnelle à la galerie Tony Shafrazi à New York en 1987, est surtout connu comme écrivain, notamment avec son célèbre roman Le Festin nu (publié en 1959). Or ses créations plastiques méritent qu’on se penche dessus, d’autant qu’elles font partie de l’œuvre globale et indissociable du mythe Burroughs.
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William S. Burroughs à la galerie Semiose
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°608 du 31 mars 2023, avec le titre suivant : William S. Burroughs, carton plein