Les ventes aux enchères organisées pendant Rétromobile ralentissent leur course, mais prouvent que le marché d’avant-guerre a encore de l’avenir.
PARIS - En 1976, Rétromobile, premier salon consacré à l’automobile de collection dans le monde, réunissait place de la Bastille quelque 3 000 passionnés. Quarante ans plus tard, ce rendez-vous draine près de 120 000 visiteurs, d’importants volumes d’affaires, et est devenu un incontournable pour les ventes aux enchères. Dès 2009, l’Anglais Bonhams s’installait en marge de l’événement, en 2010, Artcurial créait un département à part entière et y déployait ses vacations, puis en 2013 RM associé à Sotheby’s suivait la marche. Et depuis, ces ventes n’ont cessé de monter en puissance, suivant les performances flamboyantes de l’automobile de collection.
Cette année, plus de 350 bolides étaient proposés aux enchères par ces trois acteurs phares. Artcurial avait aligné ses véhicules au sein même du salon et pour la société, leader de la discipline en France, les enjeux étaient de taille : en 2016, l’ensemble des ventes du département contribuait à hauteur de 40 % au volume d’affaires global de l’année, et la seule vente Rétromobile pour près de 40 %. Rappelons que le cru était exceptionnel en raison de la présence d’une Ferrari 335 S Scaglietti Spyder de 1957 vendue pour la somme pharaonique de 32,1 millions d’euros (un record mondial ou pas, selon qu’on se place en euros ou en dollars).
Un marché qui se stabilise
Cette année, point de pièce de cet acabit, ni même de celui de la collection Baillon cédée en 2015. La maison de ventes attendait 39,2 millions d’euros (1) et a récolté 32 millions d’euros, contre 56,1 millions d’euros en 2016. Bonhams, dont le chiffre d’affaires mondial de la discipline s’élevait à 165,5 millions d’euros, orchestrait sa vente sous la voûte du Grand Palais. La firme britannique qui espérait 21 millions d’euros, a peiné à atteindre un volume d’affaires de 14,9 millions d’euros (une légère augmentation cependant par rapport aux 12,3 millions d’euros réunis l’an dernier). RM Sotheby’s avait, elle, déployé ses automobiles face au dôme des Invalides. En totalisant 27,5 millions d’euros, la société est allée bien au-delà de son estimation de 19 millions d’euros et signe son meilleur résultat à Paris.
Alors que le marché automobile a stagné en France l’an dernier à 109,7 millions d’euros, (contre 108 millions d’euros en 2015, données communiquées par le Conseil des ventes volontaires), quel signal ces ventes envoient-elles ? « Le marché se stabilise, tout en restant dynamique. Mais il n’y a plus de marché pour les voitures moyennes. Elles doivent être soit absolument d’origine, soit superbement restaurées. Désormais les prix sont assez établis : les clients qui étaient prêts à acheter n’importe quel modèle sans approfondir, dans un but d’investissement, sont partis », répond Pierre Novikoff, spécialiste chez Artcurial Motorcars. Le lot phare de la maison, un prototype Ferrari Dino Berlinetta Spéciale de 1966 signé Pininfarina est parti à 4,4 millions d’euros. Tout en restant bien loin de son estimation de 4 à 8 millions d’euros, ce modèle « non roulant » – c’est-à-dire dépourvu de moteur – confirme malgré tout que les collectionneurs ont de plus en plus tendance à considérer les automobiles comme des objets d’art. « Alors qu’avant, on nous demandait systématiquement : “Comment est la voiture à conduire ?”, l’orientation a désormais changé. De façon générale, on a tendance aujourd’hui à considérer les automobiles comme des sculptures », confirme Pierre Novikoff. Ce lot ou le succès d’un ensemble de Porsche réunies par un collectionneur suisse chez RM Sotheby’s (dont un modèle 959 Sport de 1988 cédé 1,9 million d’euros) démontre s’il le fallait que ces deux marques continuent d’être reines aux enchères, même avec des modèles des décennies récentes.
Regain d’intérêt pour les années 1930
De façon intéressante, plusieurs résultats sont en revanche allés à rebours de la tendance des collectionneurs à délaisser les modèles d’avant-guerre, dont la cote ne cesse de baisser. Chez RM Sotheby’s, le lot phare était en effet un modèle des années 1930, la sportive Alfa Romeo Tipo B P3, conduite par les plus grands pilotes de l’époque et adjugée aujourd’hui 3,9 millions d’euros. Chez Bonhams la star était une Aston Martin Ulster Sports deux places de 1935, au beau palmarès de courses, dont un prix aux 24 heures du Mans. Estimée 1,6 à 1,8 million d’euros, elle a été cédée 2 millions d’euros. Enfin, chez Artcurial, une Talbot Lago T150 C de 1936, qui avait couru plusieurs compétitions (sans pour autant en gagner aucune) a de son côté été remportée 1,6 million d’euros quand plusieurs modèles de la collection d’Hervé et Martine Ogliastro remportaient de beaux prix. « Les ventes en marge de Rétromobile nous permettent de continuer à bien vendre les voitures d’avant-guerre, c’est notamment dû à l’effet de la collection Baillon. Alors que cette période est aujourd’hui délaissée par les collectionneurs. Rappelons que le marché est très générationnel. » Aussi, il n’est guère étonnant de constater que les prix des véhicules issus des années 1950-1960 aient tendance à se stabiliser quand ceux des années 1980-1990 montent, à l’image du portefeuille de leurs générations.
(1) Les résultats sont indiqués frais compris, les estimations, hors frais acheteur.
RM Sotheby’s, le 8 février
Estimation : 19 M €
Résultat : 27,50 M €
Taux de ventes : 77 %
Bonhams, le 9 février
Estimation : 21 M €
Résultat : 14,90 M €
Artcurial, le 10 février
Estimation : 39,20 M €
Résultat : 32 M €
Taux de ventes : 73 %
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Voitures anciennes : Rétromobile décélère
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°474 du 3 mars 2017, avec le titre suivant : Voitures anciennes : Rétromobile décélère