Art contemporain

Victor Vasarely et Denise René, la même optique

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 27 février 2019 - 732 mots

PARIS

La galerie Denise René revient sur sa relation unique qui l’unit à l’artiste d’origine hongroise, maître de l’abstraction, qui a vu son destin prendre forme avec la fondation de la galerie.

Paris. C’est avec Victor Vasarely, né en Hongrie en 1906 (mort en 1997), arrivé à Paris en 1930 et rencontré au café de Flore en 1939, que Denise René ouvrit sa première galerie l’été 1944. Intitulée « Dessins et compositions graphiques », cette première exposition personnelle de l’artiste s’était tenue en deux temps, en juillet, puis de novembre à décembre au deuxième étage du 124, rue de la Boétie, à Paris, dans l’espace même où, jusqu’alors, Denise René et sa sœur, modistes, confectionnaient des articles de mode.

C’est à nouveau avec Vasarely que Denise René (1913-2012) monte en 1955 sa fameuse exposition « Le Mouvement », dont l’artiste, qui vient de publier son « Manifeste jaune », est régulièrement considéré comme l’instigateur. Y seront présentés, Duchamp, Calder et des plus jeunes, Agam, Pol Bury, Soto, Tinguely… C’est encore avec Vasarely et ses prototypes et multiples que Denise René inaugure le 23 juin 1966 son nouvel espace « Denise René-Rive Gauche » au 196, boulevard Saint-Germain, à Paris.

Une rencontre déterminante

Une longue et belle histoire en somme. Et autant de bonnes raisons – et il y en aurait d’autres –, qui donnent toute sa légitimité à l’actuelle exposition « Victor Vasarely, une aventure de 75 ans chez Denise René », exactement sur les mêmes murs qu’à l’époque. « L’un sans l’autre ne serait jamais devenu ce qu’ils sont devenus. Leur succès tient à eux deux. Ce sont deux personnes qui se sont trouvées au bon moment pour faire des choses fantastiques », précise Denis Kilian, le neveu de Denise, directeur et gérant de la galerie depuis la mort de cette dernière – consacrée elle-même par une exposition au Centre Pompidou au printemps 2001, « Denise René, l’intrépide. Une galerie dans l’aventure de l’art abstrait ».

Présenté à l’occasion de la rétrospective de Vasarely que le Centre Pompidou propose actuellement, l’ensemble ici sélectionné se compose de dix œuvres, toutes issues de la collection de Denise René ou de la galerie. Datées de 1948 à 1966-1967, soit une période assez reculée, elles ont été choisies par Denis Kilian pour « ne pas aller dans ce qui est le plus attendu, le plus connu de l’artiste ».

Un vaste panorama

Autrement dit, Vasarely avant Vasarely, puisqu’une bonne moitié des toiles (les autres relèvent de l’art cinétique), sont loin de l’Op Art, dont il fut considéré comme l’inventeur lors de sa participation à l’exposition « The Responsive Eye » au MoMA de New York en 1965. La plus ancienne ici, Tengrinor (de 1948, juste un an après son engagement dans l’abstraction [voir illustration]) évoque un entrelacs dense de formes abstraites dans des tonalités rouges et sombres et se montre évidemment très éloignée de ses futures sphères, par exemple. De même Longsor II rappelle, dans des couleurs bleues cette fois, les galets de la période « Belle-Isle », des plages de Belle-Île-en-Mer. À l’exemple de ce tableau qui figurait dans l’exposition Denise René au Centre Pompidou, bon nombre sont ici emblématiques des différentes périodes et de l’évolution de Vasarely. Car on peut aussi voir Bora II (1964), magnifique exemple, déjà, de cinétisme avec ses lignes verticales en noir et blanc ou Tlinko C, deux plaques cinétiques en verre gravé, datées 1954-1964. La plupart des cartels mentionnent en effet deux dates. Ils rappellent la méthode de travail de Vasarely qui distinguait la date d’une première idée, d’une première esquisse ou d’un petit tableau et la date réelle, plus tard, de la réalisation de l’œuvre.

Entre 85 000 et 350 000 euros, les prix sont ceux du marché. Certes conséquents, ils s’expliquent par deux raisons. La première concerne le net regain d’intérêt que connaît depuis une dizaine d’années ce mouvement artistique, regain d’ailleurs souligné par l’exposition « Dynamo » au Grand-Palais au printemps 2013 et que confirme Vasarely au Centre Pompidou, qui aurait été inconcevable il y a quelques années. La seconde raison vient du fait qu’entretemps les problèmes de la Fondation Vasarely, à Aix-en-Provence ont été juridiquement réglés et qu’aujourd’hui présidée par Pierre Vasarely, le petit-fils de Victor et fils de Jean-Pierre Yvaral, elle est sauvée et en cours de rénovation. Alors qu’il n’y avait guère que Denise René à exposer l’artiste, plusieurs galeries le montrent aujourd’hui dans les foires un peu partout dans le monde. Malgré cela, sa cote reste inférieure à ce qu’elle serait s’il était américain.

Victor Vasarely,une aventure de 75 ans chez Denise René,
jusqu’au 6 avril, Galerie Denise René rive gauche, 196, boulevard Saint-Germain, 75007 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°518 du 1 mars 2019, avec le titre suivant : Victor Vasarely et Denise RenÉ, la même optique

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