Ventes : les splendeurs de l’Orient

L’Orientalisme et de l’orfèvrerie ottomane remportent un grand succès

Par Valérie de Maulmin · Le Journal des Arts

Le 2 mai 1997 - 803 mots

À Drouot, deux importantes ventes consacrées aux arts de l’Orient ont eu lieu les 10 et 11 avril chez Me Tajan et les 14 et 15 avril chez Me de Ricqlès. L’intérêt a été vif et les enchères souvent soutenues en raison de la qualité de la majeure partie des objets proposés. La peinture orientaliste a reçu un accueil particulièrement favorable.

PARIS. Prix record pour un tableau orientaliste, l’enchère de 1 100 000 francs a été enregistrée chez Me Tajan pour une œuvre monumentale d’Eugè­ne Giraud, La crue du Nil, une huile sur toile de 2 x 3 m provenant de la collection d’une princesse ottomane, qui l’avait achetée à la fin du siècle dernier. Dans la même veine orientaliste très descriptive, d’autres tableaux se sont également bien vendus, comme Le Vieux conteur d’Étienne Dinet, adjugé 470 000 francs, La Réception du Caïd lors d’un moussem au Maroc de Matteo Brondy, imposante toile de 2,5 x 3,7 m, 290 000 F, ou la Victoire de la flotte ottomane dans l’une des batailles navales contre les galères de Venise, une huile de 1647 par le peintre néerlandais Jan-Theunisz Blankerhoff, 200 000 F. Une vision plus personnelle de l’Orient et une recherche esthétique plus poussée apparaissent dans les tableaux et dessins de Jacques Majorelle, avec par exemple les Porteuses dans la forêt verte, huile sur toile adjugée 100 000 francs. Cette vente, dont le produit a totalisé 9,5 milions de francs, a également donné lieu à de belles enchères dans les diverses spécialités des arts d’Orient, avec une prépondérance pour les pièces ottomanes, qui étaient de qualité. Parmi les objets en métal richements décorés, un imposant chandelier Mamluke en laiton ciselé, damasquiné d’argent, a atteint 300 000 francs. Deux pièces ottomanes en tombaq  (cuivre doré au mercure) ont trouvé preneur : un "’alem" de mat de commandement à 230 000 francs, et un chanfrein du XVIe siècle, estampillé de la marque de l’Arsenal impérial de Sainte Irène, à 200 000 francs. Deux pièces d’orfèvrerie ont largement dépassé les estimations. Adjugée 165 000 francs, une bouteille Surahi ottomane de la seconde moitié du XIXe siècle avait une ligne superbement épurée.

Rare traité d’alliance
Provenant également de Turquie, une aiguière en argent à godrons de la fin du XIXe siècle a suscité l’enchère de 115 000 francs. Enfin, autres créations d’Istanbul au XIXe siècle, trois précieux légumiers en métal émaillé à décor floral et dominante bleu et or ont reçu l’adjudication de 108 000 francs. Très convoitées par les amateurs, les deux pages du "Coran bleu" fatimide du Xe siècle, en coufique or sur parchemin gouaché bleu nuit, ont été respectivement adjugées 155 000 francs et 135 000 francs – en dépit du moins bon état de conservation du deuxième folio. Dans la vente d’arts d’Orient de Me de Ricqlès, le lot le plus attendu était le Miracle dans le mausolée d’Hoseyn, une gouache sur papier issue d’un Fâl-nâme (ou Livre des Présages) iranien du XVIe siècle, adjugée 530 000 francs à un marchand anglais. L’étude espérait une enchère plus soutenue, mais les écaillures et déchirures ont dissuadé certains amateurs. Rare traité d’alliance entre la Couronne de France et la Porte signé en mai 1647 à Constantinople, l’Ahdna­me Hümayoum a été adjugé 145 000 francs, et inscrit sur le procès-verbal de Me de Vregille de Dijon, associé à cette vente. Dans un autre registre de prix, les céramiques ont été appréciées. Ainsi, une coupe abbasside du IXe siècle à décor bleu et blanc de palmettes été adjugée 140 000 francs, et une coupe minaï iranienne des XIIe-XIIIe siècles représentant un roi et une reine au pied d’un cyprès à damiers a trouvé acquéreur à 58 000 francs. Dans le domaine du textile, une somptueuse collection de manteaux de cour ou de cérémonie en ikat, subtile technique de coloration et de tissage provenant essentiellement d’Asie Centrale et du Moyen-Orient. Ces pièces de toute beauté n’ont pas accédé à une demande internationale et les enchères ont plafonné. En velours de soie "ikaté" polychrome, un manteau de femme à décor géométrique réalisé en Ouzbékistan au XIXe siècle a été adjugé 33 000 francs, pour une estimation de 40 à 50 000 francs. Bel exemple de verrerie de Beykoz, un pot turquoise du XIXe siècle à motifs dorés de guirlandes florales, en parfait état, a remporté l’enchère de 41 000 francs. La surprise est venue des photographies anciennes, qui ont pulvérisé les estimations. Ainsi, Le Bosphore, album de 50 vues de Constan­tinople et ses environs, prises vers 1875-1880, a été adjugé 19 000 francs, avec une estimation de 4 à 6 000 francs. Sur l’Indo­chine, quinze planches des archives de l’architecte Ambroise Baudry comprenant 24 photographies de paysages, temples et personnages, et 140 photographies de personnages indochinois, modestement estimées 1 500 à 2 000 francs, ont été adjugées 29 000 francs.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°37 du 2 mai 1997, avec le titre suivant : Ventes : les splendeurs de l’Orient

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