Ventes - L’attentisme des présidentielles

Électeurs mais pas acheteurs

Par Nicolas Powell · Le Journal des Arts

Le 1 juin 1995 - 684 mots

Après une pénurie de ventes début mai, celle de Me Rouillac a remporté un vif succès à Cheverny. Alors que les photos de Me Tajan étaient quelque peu délaissées, Mes Laurin Guilloux Buffetaud Tailleur et Me Picard enregistraient d’excellents résultats pour d’importants livres et manuscrits.

PARIS -  "Je n’aurais jamais aussi bien vendu avant les présidentielles !" Me Rouillac a eu du mal à contenir son enthousiasme à propos de la vente qu’il a organisée au château de Cheverny, près de Blois, les 14 et 15 mai, au cours de laquelle plus de 700 lots de mobilier, objets d’art et tableaux ont été adjugés pour un total de 9 millions de francs, avec un taux de vendus avoisinant les 90 %. Ce sont surtout les 114 lots de la collection Charles Feld d’œuvres de Picasso, des lithographies, dessins, carreaux en céramique et lettres datant de 1945 à 1965, qui ont connu le plus grand succès, dans lequel bien des professionnels voudraient voir le présage d’une véritable reprise.

Un carreau de faïence érotique
Estimée de 1,5 à 2 millions de francs en décembre par Christie’s, qui espérait alors la vendre, la collection a récolté 4 millions de francs, grâce à de nombreux enchérisseurs particuliers et professionnels, français et étrangers. Double portrait de mousquetaire (1968), au pastel et lithographié, estimé entre 150 000 et 200 000 francs, est parti pour 680 000 francs ; Tête de Marianne, pastel sur papier, estimé de 100 000 à 120 000 francs pour 310 000 francs ; et un carreau de faïence intitulé Dessin érotique (1964), estimé 15 000 francs, a trouvé preneur à 150 000 francs.

Le 5 mai, Mes Libert et Castor ont très bien vendu un important ensemble de manuscrits de jeunesse de Louis Pasteur : répartis en quatre lots, les 21 cahiers de cours de chimie et de minéralogie donnés par le grand scientifique à l’École normale supérieure ont notamment été préemptés par la Bibliothèque nationale pour 176 000 francs.

Correspondance de Courbet et Van Gogh
L’Étude Tajan, en revanche, n’a pas connu le succès escompté pour sa première vente de photographies internationales des XIXe et XXe siècles. Seuls 80 lots sur 246 ont trouvé preneur, pour un produit total, sans les frais, de 410 000 francs. Vedette de la vacation, le très beau Nu sur le sable, Oceano (Charis), 1936, d’Edward Weston, estimé entre 120 000 et 140 000 francs, est resté invendu.

Viviane Esders, l’expert de la vente, reste toutefois optimiste et qualifie la vente d’une "première expérience très positive". Elle attribue le nombre important d’invendus à l’absence de collectionneurs étrangers, qui n’avaient pas voulu se déplacer pour une seule vente. Elle reconnaît que certains prix de réserve étaient "peut-être élevés", tout en soulignant que les belles pièces se sont bien vendues.

Le 10 mai, Mes Laurin Guilloux Buffetaud Tailleur ont enregistré de très bons résultats lors de leur vente de lettres et manuscrits autographes. Une lettre de quatre pages écrite par Van Gogh, en janvier 1890, à Monsieur et Madame Ginoux au café de la Gare à Arles, estimée 300 000 francs, a été adjugée 480 000 francs. La presque totalité des 14 lots de la correspondance de Courbet ont été préemptés pour le Musée Gustave Courbet d’Ornans, et la Bibliothèque nationale a préempté à 118 000 francs le manuscrit de cinq mélodies composées par Ravel, en 1906, sur les Histoires naturelles de Jules Renard.

Le 12 mai, pour près de 3,6 millions de francs, Me Picard a vendu  l’exceptionnelle collection de soixante et un livres d’un bibliophile parisien. Presque tous les lots ont été remportés par des particuliers, notamment un bréviaire d’Étienne Bécard de Panoul, archevêque de Sens, écrit à Paris vers 1300, adjugé 1 650 000 francs, et un psautier exécuté à Paris par le Maître du Hannibal du Harvard vers 1420, adjugé 540 000 francs.

La Bibliothèque nationale a préempté deux livres : pour 60 000 francs, une édition incunable de 1483 qui relate les États Généraux réunis à Tours la même année, et pour 56 000 francs, un manuscrit des Heures de la Vierge, fait à Vannes vers 1500.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°15 du 1 juin 1995, avec le titre suivant : Ventes - L’attentisme des présidentielles

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