Deux galeristes mettent en lumière leurs aînés « Texbraun » et Christian Bouqueret qui ont ouvert le marché de la photo.
Paris. Dans les années 1970-1980, François Braunschweig (1946-1986) et Hugues Autexier (1944-1986), surnommé les « Texbraun », ont fait partie des galeristes qui ont œuvré à la reconnaissance de la photographie en France. Marchands passionnés du XIXe siècle, ils ont entretenu des relations étroites avec les conservateurs américains ou français. De leur première boutique aux Puces de Saint-Ouen à leur galerie rue Mazarine (6e arr.), à l’emplacement de l’ancienne galerie Ileana Sonnabend, ces deux esthètes charismatiques se sont distingués par leurs expositions inédites associant à la fois des photographes du XIXe siècle et des photographes contemporains aux créations subversives tels que Robert Mappelthorpe, Joel-Peter Witkin [voir ill.], Bettina Rheims et Pierre et Gilles dont les Texbraun organisèrent les premières expositions en galerie.
Christian Bouqueret (1950-2013) a aussi été un grand acteur de la photographie en France à partir des années 1980 par ses recherches, collections, écrits et expositions, en particulier de photographes oubliés ou négligés de l’entre-deux-guerres en France ou en Allemagne. Entre 1990 et 1996, la galerie Bouqueret + Lebon qu’il a créée rue de Turenne (3e arr.), avec Marie-Claude Lebon, leur a donné une visibilité. Les activistes viennois et les photographes allemands contemporains comme Dieter Appelt ont constitué l’autre pan de leur ligne éditoriale. L’acquisition en 2011 par le Centre Pompidou d’une partie de la collection de Christian Bouqueret a doté le Musée national d’art moderne de plus de 7 000 tirages d’époque des années 1920-1950, hissant ainsi la collection du musée parmi les trois plus importantes au monde sur la période de l’entre-deux-guerres.
L’hommage rendu actuellement aux Texbraun par la galerie Baudoin Lebon et à Christian Bouqueret par la galerie Les Douches remet en lumière leurs parcours, leurs visions et leurs audaces. La concomitance des deux expositions, non préméditée révèle aussi en creux l’histoire d’un marché de la photographie balbutiant en France que la création de Paris Photo en 1997 a amplifié, du moins pour la création contemporaine, la photographie du XIXe siècle, bénéficiant alors d’une reconnaissance et de marchands bien établis de part et d’autre de l’Atlantique.
Chacun a laissé un héritage déjà exposé à différentes reprises par les deux galeries, mais pas avec cette ampleur. La vision panoramique sur quelques travaux de photographes défendus par les Texbraun proposée par la galerie Baudoin est une première et s’organise en deux volets avec l’appui de Jonas Tebib, ancien directeur photo du département Photographies de Sotheby’s, désormais expert et commissaire indépendant. Au premier volet présenté du 6 décembre au 13 janvier, succède depuis le 31 janvier un second volet avec d’autres œuvres de Robert Mapplethorpe, Joel-Peter Witkin, Bettina Rheims et Henry Lewis (pour des prix entre 4 000 et 100 000 euros). La partie XIXe siècle réunit des tirages d’époque d’Eugène Atget, Charles Aubry, Édouard Baldus, Adolphe Braun, Louis Robert et Wilhelm von Gloeden à des prix s’échelonnant entre 1 000 et 20 000 euros.
Pour les dix ans de la disparition de Christian Bouqueret, la galerie Les Douches met en avant le travail d’historien et de galeriste du grand collectionneur à travers une sélection de vintages rares, provenant en majorité du fonds Bouqueret-Rémy. La partie consacrée aux photographes allemands, contemporains ou de l’entre-deux-guerres est un des temps forts de cette exposition – d’ordre muséal – avec des prix variant entre 1 200 et 12 000 euros. Les photos de Dieter Appelt, Kurt Buchwald, Gerd Bonfert, Dörte Eibfeldt ou Thomas Florschuetz sur la thématique du corps affichent leurs différences de traitement et leur perception propre, tandis que les créations des années 1920-1930 du photographe et réalisateur Willie Zielke offrent un bel aperçu de son approche de l’objet et du corps, liée à la Nouvelle Objectivité dont il fut une des figures. Les corps captés par Laure Albin Guillot [voir ill.], Pierre Boucher, Jean Moral ou Roger Catherineau réservent aussi des points de vue émancipateurs.
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Vente-hommage de défricheurs de la photo française
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°626 du 2 février 2024, avec le titre suivant : Vente-hommage de défricheurs de la photo française