Une présence à la Biennale de Venise favorise le marché de certains artistes. Ceux qui réussissent leur prestation à la cité des Doges voient leurs œuvres prises d’assaut, dans la foulée, à Bâle.
Aujourd’hui, les expositions d’art contemporain n’offrent pas seulement un plaisir visuel ou une gymnastique intellectuelle. Elles permettent aussi aux collectionneurs d’acheter des œuvres de première main, fraîchement produites pour l’occasion.
François Pinault & Co
Les vases communicants entre les expositions et le marché ne sont pas totalement nouveaux. De 1942 à 1968, la Biennale de Venise disposait d’un bureau de vente des œuvres exposées. Bien que cette officine ait disparu, les transactions s’effectuent aujourd’hui dès les premiers jours du vernissage, parfois même en amont. « Un certain nombre d’installations qu’on voit à Venise coûtent cher, les marchands approchent des collectionneurs pour les produire et ces derniers ont une priorité pour l’achat des œuvres », précise le courtier Philippe Ségalot.
En 2001, le collectionneur François Pinault, alors mécène du pavillon français, a acquis les œuvres de Pierre Huyghe qui y étaient exposées. La même année, le collectionneur de Miami Martin Z. Margulies emportait les réseaux d’épices d’Ernesto Neto. Deux ans plus tard, Pinault récidivait en y achetant la pièce de Maurizio Cattelan, Charlie.
Dans un marché actif, la nouvelle édition de la Biennale de Venise fut le théâtre de quelques achats médiatiques. François Pinault emporta cette fois un gros morceau, l’ensemble des sept tableaux spectaculaires du peintre allemand Sigmar Polke, à l’affiche du pavillon international de la Biennale. Leur future installation dans le bâtiment de la Pointe de la Douane, toujours à Venise, promet de créer une sensation aussi forte que les œuvres de Mark Rothko dans la chapelle de la fondation de Mesnil à Houston.
De son côté, l’installation complexe de Tatiana Trouvé, jouant dans l’espace de l’Arsenal sur des changements d’échelle, fut cédée à une fondation américaine. Quelque temps plus tard, une autre œuvre de l’artiste présentée dans la section Art Unlimited de la Foire de Bâle fut emportée par une fondation européenne.
Pavillon national à vendre
Certains pavillons nationaux ont aussi séduit les collectionneurs. C’est le cas du pavillon canadien confié à David Altmejd. Loups-garous démembrés et reliques sadomasochistes s’y donnaient la main dans un univers à la fois baroque et glacial. La collectionneuse de Miami, Rosa de la Cruz, et l’amateur grec Dakis Joannou se sont tiré la bourre auprès de la galeriste new-yorkaise Andrea Rosen pour se saisir de l’intégralité du pavillon.
Deux musées européens étaient quant à eux en lice pour acheter l’ensemble du pavillon de Sophie Calle. Par un effet boule de neige, le galeriste Emmanuel Perrotin a cédé plusieurs œuvres de l’artiste
française sur son stand à la Foire de Bâle. La jeune Christine Streuli, découverte du pavillon suisse, pouvait enfin se frotter les mains. Ses grands tableaux colorés furent réservés dès la première heure par des trustees du Guggenheim.
Certaines galeries profitent parfois de l’effet Biennale pour faire grimper leurs prix. Sur le pavillon russe, la vidéo du collectif AES, où de jeunes gens se massacrent à l’arme blanche, s’est vendue pour 145 000 dollars à un musée australien. Fort de cette transaction, le galeriste Marco Noire exigeait 250 000 dollars pour une autre vidéo présentée une semaine plus tard à la Foire de Bâle.
Néanmoins, une prestation peu probante refroidit le désir des amateurs. Celle de Tracey Emin dans le pavillon britannique n’a pas provoqué de rush sur le stand de la galerie White Cube à Bâle. Une semaine après le vernissage de la Biennale, les dessins de l’artiste étaient encore disponibles. De même, le pavillon allemand orchestré par Isa Genzken n’a pas convaincu les foules. L’artiste y recyclait sans doute trop les œuvres de ses confrères, d’Annette Messager à Jan Fabre en passant par Jessica Stockholder. La resucée ne fait pas toujours florès.
Sophie Calle En charge du pavillon français à la Biennale de Venise, l’artiste joue le registre de l’exhibition. Deux musées européens sont intéressés par son installation. Sigmar Polke Ce peintre allemand, dont les prix s’avèrent raisonnables par rapport à ceux de son confrère Gerhard Richter, verra sans doute sa cote grimper avec l’achat de sept tableaux magistraux par le collectionneur François Pinault à la Biennale de Venise. Tatiana Trouvé Sa double présence à l’Arsenal de Venise et sur « Art Unlimited » à Bâle avec des installations ambitieuses a permis d’enfoncer le clou de son succès. Une performance qui la place en bonne position pour décrocher le prix Marcel-Duchamp en octobre prochain.
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Venise-Bâle, vases communicants
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°594 du 1 septembre 2007, avec le titre suivant : Venise-Bâle, vases communicants