Un ensemble de ses nouvelles photographies portant sur la relation du corps à un espace à la fois naturel et métaphorique est exposé chez Xippas.
Paris. Quand Valérie Jouve a intégré en 2006 la galerie Xippas, elle avait demandé à Renos Xippas « de lui laisser du temps pour produire, de ne pas lui mettre la pression ». « J’attendais de lui qu’il comprenne ce travail, qu’il le protège. Il a su entendre », dit-elle quelques heures avant le vernissage de sa 5e exposition en solo à la galerie. Au mur sont réunis neuf grands formats noir et blanc, réalisés à la chambre, d’une belle et profonde sobriété : cinq portraits de femmes avec des arbres, deux dolmens, un paysage de nature où se révèlent les ruines d’une ancienne mine et un arbre gigantesque au pied duquel se tient un homme le regard levé vers sa cime. Nous sommes dans le nouvel environnement de Valérie Jouve alors qu’elle s’est installée depuis 2019 dans le sud de l’Aveyron, loin de Paris où elle revient par intermittence.
« Il m’a fallu du temps pour savoir comment travailler ce rapport à la nature, cadrer la campagne. » De fait, la ville avait été jusque-là son paysage – Firminy ou Saint-Étienne dans la Loire, et Marseille, à la genèse de son travail. Avec ces nouvelles photographies, réalisées au printemps et à l’été 2023, Valérie Jouve pourtant ne rompt pas avec le travail précédent, et revient même à l’usage du noir et blanc après deux décennies d’images en couleurs. Elle poursuit sa lecture du monde à travers l’histoire intime qui se crée au fil du temps avec l’endroit où elle s’installe, et les liens tissés avec ses habitants, que ce soit en France ou en Palestine. Ces portraits de femmes de générations différentes s’inscrivent dans la lignée des « Personnages », corpus emblématique de l’œuvre, qui donnent à voir le corps dans la ville, l’individu en interaction avec l’espace qui l’entoure, le corps en tant que langage dans l’espace. L’intérêt qu’elle porte aux arbres n’est, quant à lui, pas nouveau. Photographiés comme des personnes, leurs troncs, écorces et ramifications expriment une présence, une histoire qui les a pétris, que ce soit en milieu urbain ou dans la campagne. Ses « Dolmens » [voir ill.] prolongent une réflexion sur la notion d’architecture, de traces et d’abris qui convoquent tant l’organique que le bâti, comme le montre l’exposition en cours au Centre photographique d’Île-de France (CPIF) à Pontault-Combault (Seine-et-Marne).
« Quand on dit que je suis une photographe de l’urbain, cela me fait sourire car je dirais que j’ai toujours regardé la ville comme quelqu’un de la campagne. J’ai toujours recherché ce qui, en nous, est le plus générateur en vies. » Il y a toutefois quelque chose de plus apaisé, de plus libre et une lumière plus éclatante dans ses photographies. Elle s’autorise le flou dans ses nouveaux portraits.
« Valérie a une crédibilité institutionnelle, mais commercialement son travail, d’une grande cohérence, n’est pas facile. Car il faut le regarder dans son ensemble. Elle n’est pas une artiste dont on achète une photo pour décorer son appartement mais des ensembles car elle raconte des histoires », souligne Renos Xippas en donnant deux exemples. Le premier est relatif à un collectionneur américain auquel il a envoyé le catalogue de l’exposition du Centre Pompidou en 2010 sur la Palestine et qui acheta l’exposition en entier. Et, plus récemment, l’Albertina Museum à Vienne, désireux d’acheter une composition d’images, a construit cet ensemble avec l’artiste elle-même. Reste que la plupart de ses photographies fonctionnent de manière autonome, et c’est particulièrement le cas dans l’exposition actuelle de la galerie. Éditées chacune en cinq exemplaires et en un seul format pour les portraits, les œuvres proposées ici valent entre 9 600 euros et 17 000 euros pour la plus grande.
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Valérie Jouve dans l’épaisseur du temps
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°629 du 15 mars 2024, avec le titre suivant : Valérie Jouve dans l’épaisseur du temps