Trois questions à

Valérie Bouvier, Commissaire-priseur à Coulommiers

« Le marché dans sa globalité se féminise »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 7 janvier 2005 - 634 mots

 Comment se portent les ventes aux enchères hors de Paris, à Coulommiers et ailleurs ?
Le marché n’a jamais été aussi actif, ce grâce à l’émergence d’un nouveau public, de nouvelles spécialités, de nouvelles techniques, de nouveaux intervenants. Le mouvement s’accélère depuis cinq ans. Un nouveau marché prend forme conjuguant une plus grande diversité de tendances. Il faut s’adapter, se structurer, anticiper. Ce mouvement est particulièrement sensible concernant les milliers d’objets adjugés en vente aux enchères publiques chaque année à moins de 5 000 euros, et dont personne ne parle jamais, car nous ne retenons que les prix records et les enchères millionnaires. Il est parfois difficile d’imaginer la grande variété de pièces présentées aux enchères. Nos hôtels des ventes sont de véritables cavernes d’Ali Baba. Nous pouvons tous nous laisser tenter par une école flamande du XVIIe siècle à 5 300 euros ; un reliquaire de saint Éloi de la fin du XVIIIe à 2 000 euros ; un plat rond en argent du XVIIIe siècle à 1 000 euros ; une saucière en faïence de Creil-Montereau à 120 euros ; une bouteille de Petrus 1986 à 500 euros ; un katana japonais à 280 euros ; une paire de fauteuils cabriolet de style Louis XV à 560 euros ; une minaudière en laque des années 1920 à 350 euros ; un petit peigne à soie japonais du XIXe ayant appartenu à Paul Claudel à 400 euros ; une bible copte annotée par les premiers chrétiens à 250 euros ou encore une robe perlée Charleston qui vous fera devenir la reine du prochain réveillon à 420 euros. Curieux, novateur, le public est désormais international et, à chaque vente, je me désole de voir partir hors de nos frontières ces milliers d’objets qui appartiennent à notre histoire.

Quelles œuvres vous ont marqué récemment ?
La sculpture me touche particulièrement. En ce moment, l’art sacré m’attire. Plus généralement, l’art du Moyen Âge m’envoûte. Je pense par exemple à la Descente de croix en ivoire conservée au Louvre (de l’ancienne collection Costa de Beauregard), à la Vierge et l’Enfant d’Abbeville (Somme), celle de Varennes-sur-Seine (Seine-et-Marne), à la Marie-Madeleine d’Écouis (Eure), aux Anges de Saudemont (Pas-de-Calais). J’ai souvent le sentiment qu’un objet me choisit plus que je ne le choisis. Je le vois, le retrouve, et finalement il me conquiert. Il y a une émotion particulière dans les scènes de nativité, les Vierges à l’Enfant, la pureté du sourire d’un ange, les Descentes de croix, les scènes de crucifixion… La matière, le rendu du modelé, les traces de polychromie, l’expression de la douleur, de la passion, de la foi, donnent à ces pièces rares une émotion tactile et intellectuelle qui va bien au-delà du simple plaisir des yeux.

Quelle est votre actualité ?
Devenue administratrice du Symev en septembre 2004, j’ai proposé à mes confrères et consœurs la création d’un « club » de réflexion réunissant l’ensemble des femmes du marché de l’art : femmes commissaires-priseurs mais aussi galeristes, antiquaires, commissaires d’exposition, journalistes, artistes, experts, conservateurs, juristes…. Bref, toutes celles qui veulent réfléchir et anticiper le marché de demain. Je suis heureuse de vous annoncer sa naissance. Il s’appelle « ART PASSIONS ». Car nous n’avons jamais été aussi nombreuses. Par exemple, sur les cinq cents commissaires-priseurs habilités par le Conseil des ventes, nous sommes aujourd’hui cent femmes, apportant un nouveau souffle, de nouvelles compétences, de nouvelles stratégies. Le marché dans sa globalité se féminise. ART PASSIONS s’adresse à toutes celles qui ont un nouveau regard, une nouvelle approche du marché de l’art. En mettant en commun nos apports et nos connaissances, nous allons développer une synergie afin de redonner au marché une véritable identité. C’est ainsi la première fois qu’une réelle transversalité féminine est mise en place pour s’enrichir des savoirs et des expériences de chacune.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°206 du 7 janvier 2005, avec le titre suivant : Valérie Bouvier, Commissaire-priseur à Coulommiers

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