L’ancien financier Roberto Polo remet le pied à l’étrier en ouvrant le 12 septembre la « Galerie Historismus » à Paris.
PARIS - Après ses déboires avec la justice helvétique (lire l’encadré), l’ancien financier Roberto Polo se refait une virginité comme conseiller artistique de la nouvelle « Galerie Historismus » à Paris. Financée par l’homme d’affaires britannique John Dean, cette enseigne spécialisée dans les arts décoratifs européens de 1840 à 1910 a pris ses quartiers dans l’hôtel de Chaulnes, sis place des Vosges. D’une superficie de 250 mètres carrés, l’écrin a été réaménagé par le décorateur François-Joseph Graf.
Le nom allemand aux racines latines de la galerie en dit long sur le goût intello, voire élitiste de Roberto Polo. L’entrée en matière révèle d’ailleurs son penchant pour « les meubles intelligents », dessinés par des architectes ou des ornemanistes. L’historicisme s’invite dans un guéridon éclectique de Théodore Deck. Le japonisme imprègne quant à lui un meuble à deux corps d’Édouard Lièvre, entrevu lors de la rétrospective organisée en 2004 à la galerie Camoin-Demachy. Le panorama fait surtout la part belle aux avant-gardes du début du XXe siècle, de la colonie de Darmstadt, représentée par Peter Behrens, à la Sécession viennoise, incarnée par Josef Hoffmann.
Plusieurs pièces attestent de l’acuité de Roberto Polo à repérer la perle rare dans l’ivraie des ventes. C’est le cas d’une grande bibliothèque d’Hector Guimard, réalisée vers 1897 pour ses propres bureaux au Castel Béranger. Reproduit dans la Gazette de l’hôtel Drouot comme un meuble anonyme, ce morceau de bravoure a été adjugé pour 11 200 euros dans une vente en province ! Cet œil avisé a aussi déniché aux Puces un superbe lustre tout en torsade de laiton. En attribuant sa paternité à Henry Van de Velde, promoteur de l’Art nouveau en Belgique, Roberto Polo en a hissé le prix aux alentours de 180 000 euros.
hôtel de Chaulnes, 9, place des Vosges, 75004 Paris, tél. 01 42 71 21 60, www.historismus.com. Accueil sur rendez-vous, inauguration le 12 septembre.
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Une nouvelle histoire
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Abonnez-vous dès 1 €Cubain naturalisé américain, Roberto Polo fonde en 1981 le « Private Asset Management Group », société d’investissement spécialisée dans l’art et les bijoux. Il devient la coqueluche de la jet-set jusqu’au 29 avril 1988, date à laquelle il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international émanant d’un tribunal suisse. Deux de ses clients, les sociétés Rostuca et Aïda, contrôlées par des notables mexicains, l’accusent d’avoir détourné 110 millions de dollars. Ce scandale ternit la vacation le 30 mai 1988 d’un ensemble de 26 tableaux du XVIIIe siècle que Polo disperse chez Tajan à Paris. La vente rapporte 81 millions de francs, une somme bien en dessous des estimations. Le 19 juillet, alors que l’homme d’affaires est incarcéré en Italie depuis près d’un mois, le Crédit municipal de Paris cède six de ses bijoux pour 21 millions de francs. Mis en liberté sous caution en janvier 1989, Polo fuit à Miami où il sera arrêté en avril 1992. Extradé vers la Suisse en septembre 1993, il est finalement condamné le 16 juin 1995 à cinq ans d’emprisonnement pour abus de confiance. Il sera néanmoins libéré pour avoir effectué les deux tiers de la peine lors de sa détention provisoire. Plusieurs articles du journaliste Matthias Camenzind (dans L’Hebdo no 18 [Lausanne, mai 1993], le mensuel Genève no 7 [janv.-déc. 1996] et Dossiers publics, périodique de documentation genevoise [juin-juill. 1994]) ont toutefois fustigé l’absence de rigueur et la partialité du juge d’instruction genevois.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°242 du 8 septembre 2006, avec le titre suivant : Une nouvelle histoire