Art contemporain

Une formule qui manque de piquant

L’arrivée de nouvelles enseignes berlinoises et étrangères a rehaussé le niveau d’Art Forum Berlin, mais l’événement reste insipide

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 14 octobre 2009 - 644 mots

BERLIN - La nouvelle direction d’Art Forum Berlin (24-27 septembre), menée par Eva-Maria Häusler et Peter Vetsch, a réussi un miracle : réconcilier les marchands berlinois avec leur foire.

Tous saluaient l’organisation au cordeau et l’amélioration de la fréquentation étrangère. La plupart des impétrants n’étaient pas venus sur la pointe des pieds. Esther Schipper (Berlin) offrait un stand d’une radicalité parfaite avec un face-à-face entre Gabriele Kuri et Ceal Floyer, tandis que Neugerriemschneider (Berlin) offrait un remarquable solo show de Simon Starling autour de la mémoire berlinoise. Hans Mayer (Düsseldorf) en jetait plein la vue avec Imi Knöbel, Jesus-Rafael Soto et Günther Uecker. Seule Sprüth Magers (Berlin, Londres) n’avait pas donné le meilleur d’elle-même. À sa décharge, elle remplaçait, au pied levé, une défection de dernière minute.

Sécheresse ambiante
Reste que l’événement a gardé un parfum ennuyeux et propret. Ce sentiment de platitude atteignait son apogée dans l’affligeante section Focus, dédiée aux jeunes artistes et galeries. La sécheresse ambiante et une tendance générale à user jusqu’à la corde les formes constructivistes étaient toutefois compensées par des présences plus piquantes, comme celle de Thomas Lerooy chez Nathalie Obadia (Paris, Bruxelles) et Rodolphe Janssen (Bruxelles). Ou encore l’accrochage de Thaddaeus Ropac (Paris, Salzbourg) autour d’Art & Language, Gilbert & George (lire p. 39) et les œuvres à quatre mains d’Arnulf Rainer et Dieter Roth. Ces vieux de la vieille déployaient autrement plus d’énergie que nombre d’exposants de Focus.
Bien que la foire ait commencé avec un bon esprit général, personne ne s’attendait à faire des étincelles sur le plan commercial. La nouvelle devise ? « No expectations [pas d’attentes] ». Une donne dont les marchands se sont accommodés. « Autrefois, six cents personnes voulaient des œuvres de Matthias Weischer et il en produisait cinquante par an. Maintenant, trente à soixante personnes en veulent et il en produit quinze », souligne Gerd Harry Lybke, directeur de la galerie Eigen Art (Berlin, Leipzig). Celui-ci avait d’ailleurs cédé illico un petit tableau de Weischer. « Ce n’était pas très actif, mais pas si mal, confiait Rodolphe Janssen. Mais je n’aurais pas rencontré plus de gens ni vendu huit pièces si j’étais resté à Bruxelles. Je reviendrai. » Mathieu Paris, de la galerie Xavier Hufkens (Bruxelles), exprimait le même souhait après avoir cédé plusieurs pièces d’Anthony Gormley, Sterling Ruby et Thomas Houseago. Daniel Templon (Paris) a lui fait un tabac en vendant six dessins et un tableau d’Oda Jaune à une Américaine. Une des rares collectionneuses d’outre-Atlantique à avoir fait le déplacement.

Berlin-Paris persiste et signe !
Après le succès de la première édition de Berlin-Paris cette année, l’ambassade de France à Berlin récidive en janvier prochain avec le programme d’échange entre une trentaine de galeries parisiennes et berlinoises. Côté allemand, les liens tissés avec des acteurs majeurs de la scène locale, comme Esther Schipper ou Carlier Gebauer, se trouvent renforcés. Le panorama s’est élargi à des poids lourds tels Neugerriemschneider et Konrad Fischer. « Côté parisien, il semblait important que de nombreux nouveaux partenaires entrent dans le projet, de manière à ne pas donner une image figée de notre scène artistique, souligne Cédric Aurelle, directeur du Bureau des arts plastiques à Berlin. Aussi avons-nous incité les Berlinois qui “rempilaient”? à trouver un autre partenaire, tout en respectant leurs choix. » Ainsi Esther Schipper (Berlin) s’associe-t-elle cette fois à Nathalie Obadia (Paris), tandis que Wentrup (Berlin) s’engage avec Emmanuel Perrotin (Paris). Certains, comme Michel Rein (Paris) et Carlier Gebauer (Berlin) profitent de l’occasion pour construire un vrai projet curatorial. L’édition promet aussi des rencontres insolites, dans la foulée du dialogue initié en janvier dernier entre la galerie d’art contemporain Mehdi Chouakri (Berlin) et le vétéran de l’art moderne 1900-2000 (Paris). Une jeune structure berlinoise, Sommer & Kohl, entrera en conversation avec la doyenne de l’art cinétique Denise René. Dominée par l’art actuel, la scène berlinoise affiche un furieux besoin de mémoire.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°311 du 16 octobre 2009, avec le titre suivant : Une formule qui manque de piquant

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