Alors que sa cinquième édition s’est tenue à New York du 7 au 10 mars, l’Armory Show semble en perte de vitesse. Avec 175 galeries présentes cette année, dont dix françaises, elle reste néanmoins l’une des plus prestigieuses foires d’art contemporain au monde. Mais la première édition d’Art Basel Miami Beach, lancée en décembre, est bel et bien venue lui faire ombrage, attirant plus de monde et surtout plus de collectionneurs.
NEW YORK - Cette édition de la plus grande foire new-yorkaise d’art contemporain s’ouvrait dans un contexte d’incertitude. La perspective d’une guerre en Irak, et d’implications certaines sur l’économie mondiale, ne lui était pas très favorable. Mais la plus grande menace pour le succès de l’Armory Show est venue de la concurrence d’Art Basel Miami Beach, petite sœur de l’incontournable Foire de Bâle du mois de juin. Lancée à Miami en décembre dernier à grands renforts de réceptions et d’expositions parallèles, le nouveau salon s’est d’emblée positionné comme un événement total, bénéficiant de surcroît de l’attrait de la nouveauté. Il a attiré 30 000 visiteurs dès sa première édition, alors que l’Armory Show, qui vient de fermer ses portes, n’en a totalisé que 21 700, accusant une baisse de fréquentation de 10 % par rapport à l’an dernier. Plus préoccupant, beaucoup de collectionneurs manquaient à l’appel ou se sont montrés frileux. Différence notable entre les deux foires, l’Armory Show est uniquement dévolue à l’art contemporain quand Art Basel Miami Beach accepte des galeries d’art moderne. Quoi qu’il en soit, la comparaison était sur toutes les lèvres ; interrogé sur le résultat de ses ventes, le galeriste parisien Emmanuel Perrotin concédait que son volume d’affaires conclues lors de l’Armory Show était six fois inférieur à celui réalisé à Miami.
Pourtant, la plupart des galeristes interrogés affichaient une satisfaction pondérée, avec des ventes souvent conformes à leurs attentes. La tendance des expositions était d’ailleurs à la prudence. Seules trois galeries se sont aventurées à montrer des “One man shows” (CRG, de New York, avec Siobhan Liddell ; Magnus Karlsson, de Stockholm, avec Mamma Andersson ; et Taka Ishii, de Tokyo, avec Kyoko Murase). Les autres stands proposaient beaucoup de photographies, de peintures et de sculptures de petits ou moyens formats, de vidéos et d’œuvres sur papier. Des pièces prêtes à emballer, en somme, d’un prix oscillant généralement entre 10 000 et 50 000 dollars (entre 9 200 et 46 000 euros) pour les plus grands noms. C’est sans mal, ainsi, que Barbara Krakow, de Boston, a vendu une sculpture de Sol LeWitt, telle une stalagmite impeccablement blanche, proposée à 35 000 dollars, ou que Metro Pictures, de New York, se séparait dès les premières heures de la foire d’une petite vidéo-sculpture de Tony Oursler. Aussi, la galerie Nelson, de Paris, a vendu une dizaine d’éditions de Thomas Ruff, versions en petit format de ses immenses portraits. Dans ce contexte, des galeries de moindre renommée s’en tiraient honorablement avec des œuvres d’artistes peu connus à très petits prix (entre 1 000 et 5 000 dollars). Ainsi de Bellwether, une galerie de Williamsburg (Brooklyn), dont le stand reflétait parfaitement l’esprit bohème et débrouillard de ce quartier investi par de jeunes artistes et de nouvelles galeries.
Chez les Parisiens, Anne de Villepoix, qui participait à l’Armory Show pour la première fois, était ravie des contacts liés. Nathalie Obadia a vendu des pièces de Carole Benzaken, Jean-Marc Bustamante, Pascal Pinaud et Fiona Rae à des collectionneurs exclusivement américains et affirme avoir fait une bonne foire, “d’autant plus, a-t-elle précisé, qu’il n’y avait pas d’affaires préparées, et sans compter que l’on aura encore beaucoup à faire à Paris”. Elle n’est pas la seule à évoquer d’excellents contacts pris pour l’avenir. Thomas Dryll, de la galerie Almine Rech, a ajouté que “les perspectives intéressantes ne sont pas seulement marchandes” et s’est félicité de l’enthousiasme de nombreux commissaires d’exposition pour les artistes de la galerie, notamment pour Philip-Lorca DiCorcia. De même, Emmanuel Perrotin a déclaré être “venu dans une optique plus prospective”. À l’écart d’un stand mêlant des toiles de Bernard Frize, une grande sculpture technologique de Paola Pivi, des photos de Jean-Pierre Khazem et de Maurizio Cattelan, il présentait sur tout un mur une pièce hautement interactive de Kolkoz, jeune collectif français. Leur jeu vidéo à travers lequel le collectionneur est appelé à affronter des clones des galeristes de la rue Louise-Weiss était assurément l’une des pièces les plus rafraîchissantes de cet Armory Show.
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Une foire tiède
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°167 du 21 mars 2003, avec le titre suivant : Une foire tiède