Alors que le niveau des transactions s’est montré satisfaisant, la foire a offert un visage contrasté et parfois convenu.
PARIS - Les foires se suivent et parfois se ressemblent… Étrangement. Tout comme lors de la dernière édition d’Art Basel en juin dernier, la 39e édition de la Fiac, qui s’est tenue du 18 au 21 octobre, a offert une belle qualité et affiché un commerce allant bon train. Néanmoins, il lui a manifestement manqué une énergie, une fébrilité quelque peu passionnée. Certes le contexte fiscal n’a pas été étranger à l’entretien d’une certaine nervosité. Principal sujet de conversation des dîners en ville, l’alourdissement de la fiscalité sur les hauts revenus et surtout le projet d’amendement parlementaire visant à intégrer les œuvres d’art dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune ont laissé des traces, même une fois ce dernier enterré. Mais ces histoires fiscales franco-françaises ne sont pas les seules responsables de la manifeste frilosité de très nombreux accrochages, signe que la crise économique inquiète toujours et que les galeries privilégient la sécurité afin de s’assurer une bonne marche des affaires.
Bien rares ont en effet été les enseignes à faire montre d’audace, à l’instar de Greene Naftali (New York) dédiant son stand tout en épure au magnifique et rigoureux travail de Gedi Sibony, Massimo De Carlo (Milan) dont l’accrochage était dominé par une large et énigmatique installation de photos et céramiques d’Elad Lassry, Eva Presenhuber (Zürich) qui avait laissé le champ libre à Ugo Rondinone réinterrogeant la nature morte et la valeur des choses avec des poires et pommes de pin en bronze disposées au sol, ou encore Massimo Minini (Brescia) déployant une imposante série de marines de Hans-Peter Feldmann face à un piano de Bertrand Lavier.
Un certain conformisme tranquilisant
La potentialité d’un commerce soutenu à Paris est pourtant toujours d’actualité, comme en ont témoigné tant le très fort contingent de visiteurs étrangers – américains et latino-américains notamment – arpentant les allées, que la présence sur le salon d’œuvres de haute volée proposées entre autres par Helly Nahmad (New York), Vedovi (Bruxelles) avec un très beau Basquiat, Gagosian (New York) et son immense Piss painting d’Andy Warhol ou Hans Mayer (Düsseldorf) avec une grande croix en pierre de Joseph Beuys. Le plus décevant est venu d’acteurs majeurs du marché qui ont enchaîné les propositions plates et sans âme, où l’amateur pouvait – pas toujours ! – dénicher quelques belles pièces, mais dans des accrochages où rien ne dépassait et qui parfois frisaient l’étalage un peu chic et sophistiqué digne d’un centre commercial haut de gamme ; il en allait ainsi, entre autres, de Sprüth Magers (Berlin, Londres), Gladstone (New York, Bruxelles), Perrotin (Paris), Marian Goodman (New York, Paris), Simon Lee (Londres), Sadie Coles HQ (Londres), Capitain Petzel (Berlin)… que l’on a connu plus allants. Pour trouver des idées dans les accrochages il fallait finalement gravir les escaliers jusqu’à l’étage, au nouveau Salon d’honneur notamment, occupé par un groupe homogène de galeries offrant de belles propositions, à l’instar de Kaufmann Repetto (Milan) s’interrogeant sur l’idée d’intérieur avec Pae White et Lily van der Stokker, ou Elizabeth Dee (New York) et Jocelyn Wolff (Paris) joignant leurs forces en montrant Adrian Piper, William Anastasi et Franz Erhard Walther. Chez les plus jeunes enseignes, quelques belles découvertes étaient à faire, notamment les remarquables films de l’Israélien Dani Gal chez Freymond-Guth Fine Arts (Zürich), le Mexicain Jose Rojas redessinant le corps et ses points énergétiques grâce à des roulements à billes insérés dans le mur chez Gaga Fine Arts (Mexico). Chez Galerie of Marseille (Marseille), Hervé Paraponaris réinterprétait de mémoire des objets volés ayant servi à une installation ancienne… saisie depuis par la police !
Si les transactions ont démarré assez mollement chez certains, voire ont été finalement médiocres pour quelques marchands, étrangers surtout, qui en fin de semaine affichaient des mines en berne en se demandant s’ils renouvelleraient leur présence, le niveau des transactions s’est en fin de compte révélé soutenu, preuve de la consolidation du marché parisien et de sa capacité d’attraction. Pour Esther Schipper (Berlin), « la Fiac, tout comme Fieze, est devenue une plateforme extrêmement internationale et constitue désormais pour les collectionneurs un moment fort en Europe .» Philippe Valentin (Chez Valentin, Paris) mentionnait, lui, « [avoir] fait la meilleure Fiac de l’histoire de la galerie, grâce notamment à de nouveaux clients, ce qui ouvre des perspectives intéressantes », tout en notant que « les transactions ont porté sur les noms les plus connus et moins sur les jeunes artistes. » Une constatation partagée par Catherine Bastide (Bruxelles), qui relevait que « les collectionneurs achètent de l’art établi ». Comme pour d’autres foires, la Fiac doit veiller à ne pas céder aux sirènes d’un certain conformisme tranquillisant.
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Une Fiac solide mais un peu terne
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°378 du 2 novembre 2012, avec le titre suivant : Une Fiac solide mais un peu terne