Plus aérée, plus professionnelle, en un mot, plus luxueuse, la Fiac 1999 semble avoir réussi son déménagement. Le public français lui reste fidèle, même si les collectionneurs étrangers demeurent toujours aussi discrets. Au Carrousel du Louvre, Art Paris, pour une première édition un peu décevante, devra affiner sa sélection afin de devenir véritablement crédible et dépasser le niveau d’autres salons de ce type déjà organisés à Paris.
PARIS - L’entrée de la Fiac 99 avait fière allure, avec quelques ténors du marché parisien – Liliane & Michel Durand-Dessert, Enrico Navarra et Daniel Templon – et, pour la première fois, la toute jeune Helly Nahmad Gallery de Londres. Aux grands Basquiat de Navarra répondaient, sur le stand britannique, un Nu couché aux bras levés de Modigliani, un collage cubiste de Picasso (Tête d’homme, 1912), mais aussi des Léger, Morandi, Tanguy, Soulages ou Klein. Pour sa première participation à la foire, le marchand déclarait : “La Fiac est une très bonne foire. C’est comme à Bâle”. Toutes les galeries ne partageaient pourtant pas, les premiers jours, ce bel enthousiasme.
Beaucoup faisaient le même constat : le nombre des collectionneurs étrangers reste faible – exception faite des Belges –, comme la présence des grandes galeries internationales américaines, allemandes ou suisses. La Londonienne Annely Juda, qui partageait un stand avec l’Allemand Hans Mayer, estimait en effet que “la foire est très française” et que nos compatriotes n’achètent pas. D’autres galeries étaient plus heureuses, mais constataient la prudence des collectionneurs hexagonaux : “Ici, les gens prennent leur temps, réfléchissent avant de se décider”, soulignait Alice Pauli, de Lausanne. Le New-Yorkais Spencer Brownstone renchérissait : “Les Allemands ou les Belges comprennent très vite le concept qui sous-tend les œuvres et se décident rapidement. Pas les Français”. Sur le stand de la Galeria Camargo Vilaça, de São Paulo, qui proposait des pièces de Vik Muniz, Ernesto Neto ou Jac Leirner, Marcantonio Vilaça disait avoir vu “beaucoup de collectionneurs d’Amérique latine, même s’ils sont tout de même moins nombreux qu’à l’Arco de Madrid”. Le galeriste jugeait aussi que la sélection des galeries sud-américaines n’était pas assez sévère : “Au lieu de trente marchands, il aurait mieux valu n’en garder qu’une vingtaine”. De belles pièces étaient pourtant exposées sur les stands des galeries à l’honneur, à l’image des Mapas (1989) de Guillermo Kuitca, chez Thomas Cohn, également de São Paulo.
Regarder avec ses yeux
Avec 16 000 entrées le jour du vernissage – sensiblement le même chiffre que l’an dernier –, les appréhensions des organisateur vis-à-vis de la Porte de Versailles peuvent être levées. Des personnalités peu habituées de la Fiac, comme Bernard Arnault, ont été remarquées cette année, même si des galeries notaient une fréquentation moindre en soirée. Néanmoins, les conditions de travail – des cimaises portées à 3,5 m au lieu de trois, des stands plus grands, des allées élargies, la climatisation - sont plus professionnelles. “La Fiac a enfin le même niveau de services que les grandes foires internationales”, se félicitait Michel Durand-Dessert. On pouvait d’ailleurs légitimement se demander si la Fiac n’aurait pas dû venir directement à Paris Expo après la fermeture du Grand Palais, les tentes de l’Espace Eiffel-Branly ayant été, en définitive, particulièrement néfastes pour son image. Seule la pertinence du Hall de sculpture, à la limite de l’indigence, pouvait être mise en doute. C’était pourtant l’un des rares espaces où l’on pouvait à la fois découvrir des installations et des vidéos, les deux étranges absentes de la Fiac.
Ce n’est pas à Art Paris qu’on pouvait s’en consoler. La nouvelle foire du Carrousel du Louvre privilégiait en effet la peinture. “Les gens sont plus libres ici”, soulignait Farideh Cadot en contemplant quelques-uns des 8 000 visiteurs du vernissage. Cette liberté ne semble pourtant pas la principale qualité de nos professionnels de l’art : directeurs d’institutions ou de musées brillaient ici par leur absence. Même si les stands étaient souvent d’un niveau décevant, en cherchant bien, on pouvait trouver quelques petites merveilles, parfois même à des prix plus intéressants qu’à la Fiac, comme ces photos de Natacha Lesueur à 15 000 francs sur le stand de la galerie Frank. La curiosité paye, surtout lorsqu’on regarde avec les yeux et non avec les oreilles.
La participation à la Fiac a un coût, qu’il n’est d’ailleurs pas toujours évident de rentabiliser. Éric Dupont, dont la galerie est située 13 rue Chapon à Paris, estime cette année à 60 000 francs sa participation à la foire. Cette somme comprend, dans ce cas précis, l’aide de la Fondation Cartier pour l’art contemporain versée aux vingt-quatre galeries du secteur “Perspectives�?, soit 27 000 francs hors taxes pour 30 m2 – le prix habituel du mètre carré à la Fiac est de 1 200 francs hors taxes. S’y ajoutent ceux liés aux cimaises supplémentaires (800 francs hors taxes le mètre linéaire) ou à l’éclairage (480 francs hors taxes pour une lampe halogène de 300 watts). Le galeriste y compte aussi des frais annexes, comme les invitations faites à des collectionneurs. Pour Michel Rein, qui vient de Tours, sa présence à la Fiac s’élève à environ 90 000 francs. Aux frais de location d’un stand de 48 m2, mais sans subvention, il faut ajouter le coût du transport et de l’assurance des œuvres. Sachant qu’une galerie prend environ 50 % du prix de vente, il lui faudra donc réaliser un chiffre d’affaires compris entre 120 000 à 200 000 francs pour rentrer dans ses frais. De leur côté, les stands de 70 m² du Hall de sculpture étaient loués 30 000 francs hors taxes.
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Une Fiac qui respire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°89 du 24 septembre 1999, avec le titre suivant : Une Fiac qui respire