Anaf

Une collection insolite

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 10 juin 2005 - 780 mots

Homme de l’ombre de l’antiquité, Jean-Marcel Perron vend son château avec son contenu.

 NEUVELLE-LÈS-LA-CHARITÉ (HAUTE-SAÔNE) - À la fois collectionneur et personnage atypique dans le monde feutré de l’antiquité, Jean-Marcel Perron met sa collection en vente dans son château de Neuvelle-lès-la-Charité le 12 juin. « Jean-Marcel Perron est connu dans le monde entier : antiquaire à Cannes jusqu’en 1986, cet accumulateur d’objets éclectiques proposait ses trouvailles seulement aux marchands. Quand un particulier venait, il disait que cela n’était pas à vendre », rapporte le commissaire-priseur lyonnais Jean-Claude Anaf, en charge de la vente des objets de l’ancien antiquaire. La vocation de chineur de Jean-Marcel Perron, né en 1944, démarre très tôt. Celui-ci se lance dans la brocante à tout juste 15 ans, parti de chez ses parents avec sa camionnette Peugeot, son lit et 100 francs en poche. Il fait ses armes sous la bienveillance de l’antiquaire Raymond Brand qui lui apprend tout, des styles et des époques aux ficelles du métier. Il collectionne parallèlement des objets et du mobilier rares ou atypiques en son château de l’Abbaye à Neuvelle-lès-la-Charité (entre Vesoul et Besançon), qu’il rachète en 1994, le sauvant de la ruine. Jean-Marcel Perron cède aujourd’hui cette propriété et son contenu original, tout en restant propriétaire d’un château en Bourgogne où il s’est installé depuis deux ans.

De la grande décoration
200 meubles et objets d’art des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, 80 pièces Haute Époque, 60 lots d’Art déco et quelques tableaux sont inclus dans cette vente. « Vu le marché aujourd’hui, il est rare de proposer une vente d’une telle profusion avec cette qualité d’objets. Il n’y a pratiquement pas un meuble qui n’ait quelque chose d’original. C’est de la grande décoration, commente Jean-Claude Anaf. L’estimation globale de 1,5 million d’euros est dérisoire. Il faudra plutôt compter sur 3 millions d’euros. Les prix de réserve ridicules ont été fixés par Jean-Marcel Perron. Mais les yeux malicieux de ce dinosaure de la profession dissimulent mal une connaissance inouïe du métier. Et il faudrait être fou pour ne pas acheter ! » À commencer par une coiffeuse de provenance royale en acajou et placage d’acajou avec un plateau basculant découvrant un miroir mobile à crémaillère et un plateau-cuvette en marbre blanc. Elle est estimée seulement 3 500 euros en dépit de son pedigree. « Ce meuble d’une grande perfection d’exécution a été livré en paire en 1805 par Jacob Desmalter pour le château de Fontainebleau. L’autre table de toilette se trouve toujours dans le musée de Fontainebleau », indique l’expert Guillaume Dillée. Le choix est très large pour le mobilier ancien qui compte notamment une commode galbée d’époque Régence rare pour sa marqueterie de lambrequins et de coquilles sur fond de bois indigène, estimée 12 000 euros ; une commode du XVIIIe siècle rectangulaire en bois laqué chamois à décor dit « Arte povera » de scènes animées de personnages et d’oiseaux, estimée 8 000 euros ; une console allemande du XVIIIe au dessin mouvementé en laiton, estimée 8 000 euros ; une console anglaise en chêne sculpté d’époque Regency du début du XIXe siècle à montants à tête de lion et pieds griffes ailés, estimée 7 500 euros ; un bureau plat de la fin de l’époque Régence à caissons en placage d’ébène et bois teinté noir dont l’originalité consiste en l’association d’un corps rectangulaire de trois rangées de tiroirs à quatre pieds biche fortement galbés dans leur partie haute, estimé 25 000 euros, et de nombreux objets, sculptures et sièges fabuleux tels un curieux bidet en marbre blanc en forme de main reposant sur un socle à palmettes, estimé 4 500 euros ; une paire d’énormes vases couverts de 77 cm de forme ovoïde en cristal du Creusot ou de Baccarat, estimée 15 000 euros, et un surprenant fauteuil d’apparat du XVIIIe en chêne sculpté sur toutes ses faces de coquilles, d’ombilics et de rinceaux, aux bras et pieds cambrés, estimé 1 500 euros.
Pour le XXe siècle, un exceptionnel paravent de Jean Dunand à trois feuilles en laque à fond or, à décor en noir et filets blancs d’un fauve guettant des cervidés sur une colline, estimé seulement 50 000 euros, côtoie une table de salle à manger représentant un chameau au repos faisant office de piétement, estimée 30 000 euros, et une paire de nègres contorsionnistes en bois laqué et polychrome, œuf d’autruche et pierre dure supportant deux plateaux, estimée 10 000 euros. Avec de telles estimations, le succès devrait être au rendez-vous.

COLLECTION JEAN-MARCEL PERRON

Vente le 12 juin à 11 heures et 15 heures, SVV Anaf, château de l’Abbaye, 70130 Neuvelle-lès-la-Charité, tél. 03 84 68 40 61, exposition : les 10 et 11 juin, 10h-18h, www.anaf.com

COLLECTION JEAN-MARCEL PERRON

- Experts : Thierry Roche (Art nouveau-Art déco) ; Guillaume Dillée (meubles et objets d’art des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles) ; Éric Turquin (tableaux anciens) ; Thierry Portier (art d’Asie) ; Laurent Fligny (Haute Époque) - Nombre de lots : 400 - Estimation totale : 1,5 million d’euros

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°217 du 10 juin 2005, avec le titre suivant : Une collection insolite

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