Avant la rétrospective que le Jeu de Paume, en collaboration avec le Guggenheim de New York, doit lui consacrer cet hiver, Antoni Tàpies expose ses œuvres récentes à la galerie Lelong jusqu’au 10 mai (13, rue de Téhéran).
Aujourd’hui, Tàpies incarne sans aucun doute la figure du peintre accompli qui ne démérite jamais, libre des contraintes de l’époque et de la versatilité du goût et qui, justement pour ces raisons, peut se permettre se surprendre délibérément son monde, sans risque de se tromper lui-même. Michelangelo Pistoletto, quant à lui, n’a pas attendu la reconnaissance internationale pour dérouter par tous les moyens (la peinture, les installations, les performances, le théâtre) le cours conventionnel de l’art. Depuis le milieu des années 60, lorsqu’il était associé à l’Arte Povera, Pistoletto s’est cependant fait une spécialité du miroir, sur lequel il a d’abord peint, et qu’il a ensuite inclus dans des installations a priori complexes mais redoutablement efficaces.
On en verra à la galerie Durand-Dessert (rue de Lappe, du 9 avril au 4 juin) les dernières péripéties. L’artiste américain Richard Tuttle présentera, jusqu’au 30 avril à la galerie Yvon Lambert (108, rue Vieille-du-Temple), ses œuvres toujours plus fragiles et incertaines, pourvues d’un mystérieux pouvoir de déstabilisation. La discrétion et la modestie de ces objets ne doivent tromper personne : il s’agit en réalité de minuscules mais véritables monuments, érigés dans une dimension abstraite et subtile.
La galerie de France (52, rue de la Verrerie) montre, à partir du 7 avril jusqu’à la fin mai, Eugène Leroy et Jean-Pierre Bertrand, deux artistes que tout sépare l’un de l’autre. Le premier cultive depuis les années 30 une matière épaisse, un maelström de couleurs où les figures disparaissent peu à peu. Tardivement redécouverte, son œuvre est aujourd’hui l’objet d’une attention soutenue. Le second, dont une vraie-fausse mais jubilatoire rétrospective vient de s’achever au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, privilégie la transparence et les reflets, la combinatoire et l’asymétrie, attribuant à la peinture un rôle de révélateur. Jean-Pierre Pincemin, qui semble avoir pour principe de changer de galerie à chaque exposition, a cette fois choisi celle de Lucette Herzog (23, passage Molière, à la Bastille) pour montrer, jusqu’au 14 mai, ses nouvelles œuvres. Aussi prolixe que turbulent, cet éphémère compagnon de Support-Surface dans les années 70, s’est depuis quelque temps consacré à une sculpture polymorphe et désinvolte. Beaucoup plus orthodoxe, Bernard Pagès (à la galerie Aline Vidal, 70, rue Bonaparte, jusqu’au 7 mai) a lui aussi connu l’époque bénie des théories "soixante-huitardes" avant de connaître les joies d’un certain art officiel. Les totems sont toujours là, les tabous demeurent.
Récemment disparu, Absalon avait commencé à créer un univers faussement aseptisé où, dans des constructions dépouillées, le blanc gagnait un extraordinaire pouvoir oppressant. On peut revoir une de ses Habitations à la galerie Crousel-Bama (40, rue Quincampoix, jusqu’au 23 avril), des projets, notes et croquis sous verre, ainsi qu’une sélection de vidéos. Alain Bublex est dorénavant seul maître de la ville imaginaire de Glooscap, dont il avait conçu les premiers plans avec un autre artiste. Chez Georges-Philippe et Nathalie Vallois (38, rue de Seine, jusqu’au 20 mai), on verra les ultimes développements de ce work in progress dont on ne sait encore s’il est trop modeste ou trop ambitieux.
La New-Yorkaise Marcia Haffif est depuis longtemps fidèle à l’idéal du monochrome. Pratiquement inconnue à Paris, Arnaud Lefebvre (30, rue Mazarine, du 9 avril au 5 mai) a choisi de présenter une huitaine de ses derniers tableaux. De petit format, ils sont peints à l’acrylique, matière que l’artiste n’utilisait plus depuis 1972.
Meyer Vaisman, sectateur de la transgression postmoderne, présentera chez Daniel Templon (30, rue Beaubourg, jusqu’au 20 avril) ses nouveaux volatiles empaillés et agrémentés d’accessoires kitsch. Des dindons, des dindes, des paons, des oies ? L’essentiel, naturellement, réside dans la farce. Il est d’autres artistes pour lesquels l’art est une chose sérieuse, quitte à ce qu’elle devienne triste et pathétique. Elaine Strutevant a été une des toutes premières à faire de la copie de ses contemporains une œuvre à part entière. Depuis, le procédé a fait florès, à la plus grande satisfaction des collectionneurs désargentés qui ne peuvent s’offrir un Warhol. Taddaeus Ropac (7, rue Debelleyme, du 9 avril au 14 mai) accrochera pour la deuxième fois ses tableaux.
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Un tour des galeries : Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°2 du 1 avril 1994, avec le titre suivant : Un tour des galeries : Paris