En attendant que les galeries ouvrent leurs cimaises aux accrochages d’été, qui offriront à l’amateur le panorama de la création contemporaine belge, quelques initiatives sont à relever pour ce mois de mai.
À Bruxelles, Patrick Derom (jusqu’au 11 juin) salue la parution de l’ouvrage de Francine-Claire Legrand consacré à l’œuvre de James Ensor après 1893, en réunissant un remarquable choix d’œuvres, dont certaines viennent de collections publiques tandis que d’autres sortent pour la première fois de collections privées.
Après Jean-François Octave, Albert Baronian présente l’œuvre de Philippe Vandenberg (jusqu’au 21 mai). Celui-ci s’inscrit dans ce mouvement de retour à la figuration qui, sans renoncer à la virulence d’un geste libéré par l’abstraction, associe le lyrisme des matières à la nécessité de faire sens. Empâtements, coulées, gestes syncopés dévoilent une réalité livrée à l’incohérence de signes qui se muent en singuliers portraits.
Étienne Tilman présente jusqu’au 11 juin l’installation Lagos 2002 du Chilien Alfredo Jaar. Celui-ci poursuit sa veine politique en interrogeant les conditions du dialogue Nord-Sud. Sans verser dans des partis pris idéologiques, Jaar témoigne et interroge. Les photos translucides ainsi proposées oscillent entre optimisme et doute, pour dévoiler les non-dits du rêve nigérian caressé avec la cité idéale de Lagos 2002.
L’ancien participant à Cobra, Serge Vandercam, apparaît aux cimaises de deux galeries bruxelloises. Chantal et Philippe Michel accueillent à demeure bijoux, sculptures et luminaires, qui témoignent d’un imaginaire en constant dialogue avec les matières. À côté de ces objets décoratifs, l’exposition offre un intéressant survol d’une complicité de longue date qui unit Vandercam à Joseph Noiret, membre fondateur de Cobra. Le travail fait de collages, de mots tronqués, d’écritures réinventées s’affirme comme un des monuments forts de l’œuvre de Vandercam. Chez Maurice Keitelman (jusqu’au 11 mai), Vandercam, infatigable, livre au visiteur ses visions acryliques comme autant d’"énigmes de celui qui voyait". D’un magma de couleurs en perpétuel mouvement jaillissent les symboles d’un imaginaire en fusion.
Les œuvres du peintre allemand Jurgen Meyer présentées par Xavier Hufkens jusqu’au 14 mai témoignent d’une recherche matiériste qui trouve dans le geste mesuré, calculé, une rigueur d’expression encore renforcée par l’extrême sobriété de sa palette. Forte de sa retenue, l’œuvre n’en est pas moins extrêmement sensible dans ses reflets et ses lumières.
À Alost, la Galerie S65, une des principales galeries spécialisées dans le Land Art et le Vegetal Art, présente à partir du 5 mai une sélection de dessins dus à Raphaël Buedts, Michel Boulenger, Roger Raveel et Dan Van Severen. Le dépouillement et la simplicité s’y affirment en marge des discours et des effets technologiques comme si, en cette fin de siècle, le dessin imposait la voie d’un retour à l’homme dans sa dimension naturelle. C’est aux antipodes de cette recherche d’une expression première que l’artiste new-yorkais Joseph Nechtvatal a conçu l’installation présentée jusqu’au 14 mai à la Galerie In Situ. Son "Computer Virus Project" témoigne de la sensibilité des créateurs contemporains au problème du sida. L’installation présentée à Alost jongle avec les images numériques et le laser, pour répondre aux angoisses de corps déformés par la souffrance et la déchéance.
À Plainvaux, près de Liège, l’architecte Charles Vandenhove et le poète visuel Patrick Corillon exposent à la Galerie Vega (jusqu’au 7 mai) le fruit de leur collaboration pour le quartier de la Capucynstraat de Maastricht. La rhétorique architecturale de Vandenhove retrouve sa jeunesse au contact des actions ludiques de Corillon. Ainsi, le jeu de verticales aux effets cinétiques, qui reprend l’évolution du record du monde de saut en hauteur depuis le milieu du siècle passé. À travers cette exposition, on perçoit la cohérence de deux œuvres qui, chacune à sa manière, apparaissent comme deux formes de possession de l’espace.
À Namur, la Maison de la Culture présente le troisième volet d’"Analogies" dû à Jean Marchetti, le coiffeur-galeriste bruxellois fondateur du Salon d’Art, et à Georges Meurant, peintre inscrit de longue date dans une veine constructive. L’exposition met en scène les analogies plastiques qui lient, dans la veine primitiviste la plus pure, les créations contemporaines de l’esthétique tribale de l’Afrique équatoriale. De la confrontation naît ainsi la conscience aiguë d’une unité de démarche qui enjambe les océans et les époques pour témoigner de ce que l’abstraction souvent qualifiée de froide, relève d’une géométrie de l’âme non dépourvue de sensualité.
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Un tour des galeries : Belgique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°3 du 1 mai 1994, avec le titre suivant : Un tour des galeries : Belgique