La galerie Sarti crée l’événement en présentant ses primitifs italiens : 33 tableaux, principalement siennois et florentins, peints entre 1310 et 1500. Cela fait trente ans que la capitale n’avait pas accueilli une telle manifestation. Des peintres rarissimes ou absents des musées français, comme le Maître de San Torpé, Francesco Vannuccio, Naddo Ceccarelli et Starnina, côtoient une vingtaine d’œuvres inédites, où figure un portrait de Pérugin.
PARIS - Un jeune homme de trois quarts dont les boucles blondes s’échappent d’un bonnet noir est la cause du retard pris par la galerie Sarti pour l’ouverture de son exposition de primitifs italiens, prévue à l’origine en décembre. “Nous désirions depuis longtemps faire partager notre passion pour le Trecento et le Quattrocento, et montrer au public un instané de nos collections, explique Claire Sarti. Ce rare portrait, d’une impressionnante maîtrise technique et dans un état de conservation exceptionnel – sans doute le meilleur pour cette période –, n’était pas attribué. Le spécialiste Filippo Todini l’a étudié plusieurs mois avant de rendre son verdict : il s’agit d’un Pérugin inédit.” Une pièce unique donc, qui dépassera largement la fourchette de prix (entre 350 000 et 7,5 millions de francs) proposée pour les autres tableaux. Parmi ces derniers, figurent cependant des pièces d’une qualité et d’un intérêt supérieurs pour l’histoire de l’art.
À travers leur variété – coffret de mariage décoré, spalliera destinée à orner les murs d’une chambre nuptiale, portraits, compositions religieuses… –, les œuvres rassemblées illustrent les expériences fondamentales auxquelles se sont livrés les artistes, depuis le tout début du XIVe siècle jusqu’aux années 1500, sur l’unification de l’espace, la narration et le rapport avec le spectateur. Les sujets profanes se développent mais restent rares. Un profil de femme, longtemps donné à Uccello, en fait dû au Maître de la Nativité de Castello, caractérise l’art linéaire et intellectuel qui règne à Florence dans la seconde moitié du XVe siècle.
Parmi les chefs-d’œuvre de la peinture religieuse, on retiendra les Crucifixion raffinées et expressives des Siennois Ugolino di Nerio, Francesco di Vannuccio et Nicola di Ulisse. Le glissement progressif du schéma byzantin de la Maesta vers la Vierge à l’Enfant des polyptyques gothiques, puis des Saintes conversations, apparaît dans les tableaux du Maître de San Torpé – le premier giottesque à Pise – et d’Agnolo Gaddi. Celui-ci annonce le lyrisme précieux du gothique international, introduit à Florence par Lorenzo Monaco et Gherardo Starnina, dont la galerie expose une Vierge d’Humilité digne d’un musée, du Louvre par exemple, qui ne possède aucune œuvre de cet artiste.
Somptueux catalogue bilingue
Outre les suaves Madones de Filippo Lippi, Mainardi et du Maître des Bâtiments gothiques, peintes pour la dévotion privée, deux tableaux méritent une mention spéciale : La Résurrection du Christ de Giovanni di Paolo di Grazia, qui transforme le tombeau du Sauveur en une mandorle, et une Flagellation attribuée à Andrea del Castagno, bien que certains auteurs penchent pour un Pollaiuolo. Il s’agit en tout cas d’une pièce de maître qui a déjà trouvé son acquéreur.
Enfin, les spécialistes de la période apprécieront le somptueux catalogue bilingue édité par la galerie, conçu comme un ouvrage de référence. Les historiens d’art Filippo Todini, Andrea de Marchi et Gaudenz Freuler ont rédigé la plupart des notices.
PRIMITIFS ITALIENS, exposition-vente jusqu’au 4 juillet, Galerie Sarti, 137 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. 01 42 89 33 66, tlj sauf dimanche et lundi,10h-13h et 14h-19h.
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Un Pérugin inédit
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°58 du 10 avril 1998, avec le titre suivant : Un Pérugin inédit