Si le public est venu en nombre découvrir les œuvres d’art tribal, les transactions, honorables, peinent à franchir la barre des 10 000 euros.
PARIS - Le jour du vernissage de Parcours des mondes, organisé cette année du 9 au 14 septembre dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, il était difficile de pénétrer dans certaines galeries, noires de monde. « C’était presque inconfortable, on ne pouvait pas parler à nos clients. Alors beaucoup de visiteurs intéressés sont revenus le lendemain pour discuter et acheter », précise Alain Lecomte. « C’est flagrant cette année, ce sont les gens qui ont beaucoup d’argent qui achètent, donc il y a toute une frange de collectionneurs qui renoncent. Nous le ressentons encore plus aujourd’hui mais cela va crescendo depuis 2008. À 10 000 euros, les gens n’hésitent pas, mais au-delà, c’est plus compliqué », poursuit le marchand. De nombreux points rouges garnissaient sa galerie mais la statue Batéké, de la fin du XIXe siècle, provenant de la collection Raoul Lehuard, proposée aux alentours de 25 000 euros, cherchait encore preneur.
Sculpteurs connus
C’était l’une des spécificités de cette édition : pas moins de trente-sept expositions thématiques étaient présentées. Pierre Moos, président de la manifestation, s’est dit impressionné par la qualité des pièces exposées. « Si les marchands font de tels efforts, c’est qu’ils y croient », lançait-il. L’exposition « Sacrés Baoulé » chez Maine Durieu (Paris), a produit son petit effet grâce à la sélection d’œuvres réalisées par des sculpteurs connus, une grande variété de postures et de parures. « J’ai bien vendu », annonçait la galeriste, notamment un couple de statues « Asie Usu ». Les prix s’échelonnaient entre 1 000 et 45 000 euros mais, là encore, Maine Durieu constatait que, au-delà de 15 000 euros, les collectionneurs avaient du mal à franchir le pas.
Il ne fallait pas non plus manquer la surprenante exposition de crânes chez Martin Doustar (Paris, Bruxelles), qui participait pour la première fois à la manifestation. « Il s’agit d’un panel représentatif de formes ritualisées du crâne. Ce n’est pas macabre. C’est plutôt une célébration de la vie plus que de la mort », soulignait l’exposant. Une cinquantaine d’objets rythmaient la galerie, dont la pièce phare était un crochet porte-crâne, moyen Sepik, Papouasie-Nouvelle-Guinée, affiché à plus d’un million d’euros ; il était l’une des œuvres les plus chères du Parcours. « Ce crochet rituel réunit tous les critères, y compris le pedigree. C’est une œuvre pour un musée mais les institutions mettent du temps à réagir », relevait le galeriste, par ailleurs très satisfait de sa participation, avec plusieurs ventes réalisées. « Le seul point négatif est que les conservateurs internationaux sont peu nombreux. » Chez Kevin Conru (Londres), trois monumentales statues en pierre trônaient au fond de la galerie, provenant de l’atoll Ontong Java, datées vers 1900. Des sculptures hiératiques, affichées à plus de 200 000 euros chacune.
L’exposition la plus captivante était sans conteste « ADAM » (pour Analog Digital Ancient Masters), mise sur pied par Ana et Antonio Casanovas (galerie Arte y Ritual, Madrid), accompagnée d’un livre et d’une exposition virtuelle ayant nécessité plus de trois ans de travail. Pour fêter leurs trente ans d’activité, les marchands avaient réussi à convaincre des collectionneurs privés de bien vouloir exposer des pièces issues de leur collection, sélectionnées pour leur aspect esthétique exceptionnel, à l’exemple de la sculpture Fon par le Maître des anneaux, Cameroun, XIXe siècle, provenant de la collection Charles Ratton. Cependant, rien n’était à vendre. Dommage, d’autant plus que les chefs-d’œuvre manquaient un peu. « Nous gardons nos très beaux objets pour nos clients, ce qui ne nous donne pas l’occasion de les exposer », se justifie Lucas Ratton (Paris). Ce dernier avait vendu plusieurs objets, emportés très vite par leurs nouveaux propriétaires, à l’exception d’un masque Baoulé dont la caractéristique est d’être de petites dimensions (cédé autour de 20 000 euros). En effet, beaucoup de marchands ont vendu avant même l’ouverture officielle du Parcours, ce que confirmait Anthony Meyer (Paris), qui s’est rapidement séparé d’un bol des îles Australes (mis à prix à 20 000 euros). « Nous avons vendu sans interruption, même trois jours avant, mais beaucoup de gens sont réticents à l’idée de confirmer leur achat, prétextant attendre la vente de la collection Frum organisée par Sotheby’s Paris [le 16 septembre] », confiait le galeriste.
Très satisfait de ce cru, Pierre Moos, qui a annoncé qu’un autre Parcours viendrait se greffer à celui-ci en septembre 2015 – consacré aux arts asiatiques (lire p. 27) – envisage aussi de créer un événement à San Francisco, « mais c’est plus compliqué et nous sommes une petite équipe ».
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Un Parcours des mondes très fréquenté
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°419 du 19 septembre 2014, avec le titre suivant : Un Parcours des mondes très fréquenté