Au numéro 134 du faubourg Saint-Honoré, se trouvent pas moins de trois marchands de tableaux anciens. Les galeries d’Emmanuel Moatti et Jean-François Heim sont à gauche et à droite du porche. Celle de Patrick Weiller, ancien marchand en appartement, vient d’ouvrir dans la cour.
PARIS - rès avoir travaillé pendant douze ans en appartement, Patrick Weiller a inauguré sa première galerie dans l’ancienne galerie d’art moderne et contemporain Vanuxem, avec une exposition de quinze toiles, principalement du XVIIe siècle français, de Charles Mellin à Jean-Baptiste Regnault, en passant par Nicolas Chaperon, François de Troy et Nicolas Largillière. Patrick Weiller dit qu’il s’est installé "impulsivement" au 134 faubourg Saint-Honoré. Or, le changement a été, en réalité, le fruit d’une longue réflexion.
Établir un contact plus suivi avec les clients
"Pendant une douzaine d’années, je travaillais surtout avec des confrères", déclare-t-il. "Je proposais aussi des œuvres à des musées, principalement français et américains. Je pouvais ainsi revoir sur des cimaises célèbres des tableaux que j’avais acquis dans l’excitation, ce qui était très satisfaisant. Mais, dans les autres cas, j’ignorais presque tout des acheteurs de mes tableaux."
Motivé par le désir d’établir un contact plus étroit et suivi avec ses clients, il en avait assez d’être "un marginal du marché."C’est le marchand Jean-François Heim qui lui avait fait visiter l’ancienne galerie Vanuxem : "J’ai pensé que ce bel espace conviendrait bien à mon envie de montrer des tableaux, tout en restant discret."
Les valeurs esthétiques du passé
L’ouverture d’une galerie dans un climat économique aussi déprimé, et dans un quartier qui compte déjà bon nombre de spécialistes du tableau ancien, ne relève-t-elle pas d’une gageure ?
"Évidemment, l’état du marché me fait peur. Il fait peur à tout le monde, mais je ne m’installe pas pour faire fortune. Quant aux autres galeries, c’est comme les foires – plus on est nombreux, plus il y a d’affaires. Paris, par rapport à Londres, par exemple, souffre de ne pas avoir assez de marchands de qualité."
Patrick Weiller se dit intéressé par toutes les périodes et toutes les écoles, en étant davantage attiré par le XVIIe que par le XVIIIe siècle."Mon père était antiquaire, spécialiste du XVIIIe siècle. Cette ambiance m’est familière et me paraît, à tort ou à raison, connue et comprise. Par contre, les valeurs du XVIIe siècle me sont moins évidentes et plus neuves."
"L’heure n’est pas aux fêtes et à la légèreté. Notre époque connaît la crise économique et un étonnant retour du religieux et de la morale. Qu’a le XVIIe siècle à nous dire sur tout cela ? Je n’en sais rien, mais notre temps a peut-être davantage besoin de questionner Poussin que d’être séduit par Boucher."
Patrick Weiller reconnaît que la peinture exposée dans sa galerie peut être considérée comme austère – et donc, peu commerciale."Mais à quoi sert un marchand de tableaux ? Dans le domaine de l’art contemporain, il peut soutenir de jeunes créateurs, et donc permettre à l’art d’exister. Mais dans le domaine de l’art ancien – en-dehors d’être une étape dans un circuit de redistribution –, à quoi sert-il ? Il peut toujours rêver qu’il participe, à sa modeste place, à l’évolution du goût."
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Un nouveau venu au faubourg
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°20 du 1 décembre 1995, avec le titre suivant : Un nouveau venu au faubourg