PARIS
Depuis les déclarations du ministre Jacques Toubon, en mai 1994, au Journal des Arts, affirmant que l’ouverture était "inéluctable", les événements se sont accélérés. Les trois dernières années ont achevé une mutation des règles applicables aux ventes publiques, qui se conclura par l’avènement de la concurrence.
L’événement majeur de la période a été l’intervention de la Commission européenne, saisie par Sotheby’s, qui a fini par mettre la France en demeure d’ouvrir son marché. En 1995, la commission Aicardi s’interroge sur les moyens d’y parvenir. Début 1996, Jacques Toubon prend date en annonçant la disparition du monopole pour le 1er janvier 1998, et installe la commission Léonnet qui établit l’avant-projet dont devrait sortir le nouveau "PVP" (paysage des ventes publiques). Sotheby’s annonce qu’elle s’installera dans les locaux de l’ancienne galerie Charpentier, face à l’Élysée, et qu’elle rapatriera à Paris ses activités monégasques. Anachronisme, les notaires alsaciens font condamner les commissaires-priseurs qui s’étaient aventurés sur leurs terres.
Dans l’intervalle, la profession s’active avec quelque fébrilité. Le président de Drouot, Joël-Marie Millon, propose de fédérer les études au sein de Drouot S.A. Des regroupements d’études s’amorcent, et un premier réseau international est créé entre l’Étude Tajan et des homologues européens et américains. Drouot évoque des projets d’association avec les experts. En janvier 1995, la 7e directive européenne sur la TVA généralise un système harmonisé avec toutefois des exceptions provisoires pour la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Les commissaires-priseurs sont désormais assimilés à des assujettis-revendeurs. La Suisse adopte la TVA. En 1995-1996, l’affaire du Jardin à Auvers coûte 145 millions de francs à l’État et souligne un dysfonctionnement grave du système français. On reparle d’une possible fermeture des frontières patrimoniales. En novembre 1993, la Cour de cassation avait confirmé que les reproductions des œuvres modernes et contemporaines dans les catalogues de ventes publiques devaient être autorisées par les auteurs ou leurs ayants droit. En 1996, un texte instituant une dérogation au droit d’auteur pour ces reproductions est déposé au Parlement. Il est en cours d’adoption. En juin 1996, Bruxelles propose un projet d’extension du droit de suite à l’ensemble des États de l’Union européenne. La Chambre nationale des commissaires-priseurs, pour la première fois, souhaite une action conjointe avec les Britanniques face à un risque de délocalisation du marché vers New York En novembre 1996, la première vente aux enchères d’une œuvre virtuelle est conduite à Paris ; en février 1997, c’est la première vente retransmise en direct sur l’Internet. Début 1997, Drouot modifie le système de tarification des salles pour supprimer la facturation proportionnelle aux produits des ventes. En janvier 1997, le Premier ministre examine le dossier des ventes publiques. Pour indemniser les études, on taxera les ventes et, peut-être, le contribuable. L’examen des textes en Conseil des ministres devait intervenir le mois prochain. À suivre…
Art et investissement.
Les ventes à répétition des œuvres acquises par le British Rail Pension Fund entre 1974 et 1980 ont fait ressortir un taux moyen de rendement sur investissement de 13 % l’an. Après avoir dispersé plus de 2 000 pièces depuis les années quatre-vingt, le fonds de pension considère que ces placements ont atteint leur objectif, réservant parfois même d’heureuses surprises. Ainsi, en juillet 1996, pour une vente d’objets d’art médiéval et baroque, Sotheby’s Londres a recueilli 13,7 millions de £, un total comparable à celui de la vente du margrave de Bade en 1995. À Londres encore, trois mois plus tôt, un feuillet d’un Shâh-Nâme du XVIe siècle ayant appartenu au shah Tahmasp (voir ill.) avait été adjugé 720 000 £ (5,7 millions de F), nouveau record mondial.
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Un monopole disparaît
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°34 du 1 mars 1997, avec le titre suivant : Un monopole disparaît