Une commode estampillée Martin Carlin et Adam Weisweiler de la collection Akram Ojjeh, adjugée plus de 46 millions de francs chez Christie’s le 11 décembre ; un charmant dessin de Prud’hon parti à 2,8 millions de francs lors d’une vente de l’étude Piasa le 17, un groupe en marbre d’Augustin Pajou préempté à 2,5 millions de francs par la Direction des Musées de France pour le Louvre, le 9 à l’Hôtel du Palais... voici quelques-unes des fortes enchères enregistrées au mois de décembre sur un marché en pleine ébullition.
MONACO et PARIS - Le petit monde des collectionneurs de meubles français XVIIIe et des grands antiquaires – venus nombreux sur le Rocher, le second week-end de décembre, pour assister aux trois journées de ventes organisées par Christie’s et Sotheby’s – était en ébullition. Il est vrai qu’elles proposaient quelques pièces exceptionnelles, telle une commode à encoignures d’époque Louis XVI, estampillée Martin Carlin et Adam Weisweiler, enlevée à plus de 46 millions de francs le 11 décembre, la seconde enchère la plus élevée pour un meuble français. Cette somptueuse pièce en placage d’ébène, bois noirci, marqueterie de cuivre et d’étain, présentant quatre tableaux en marqueterie de pierres dures, avait été conservée jusqu’en 1983 dans la collection Rothschild, avant d’être vendue par Maurice Ségoura à Akram Ojjeh. Le panneau central, à décor de paysage marin, est encadré d’une guirlande de fruits et de feuillages en pierres dures, rehaussée d’une double bordure en bronze ciselé et doré. Lors de la dispersion de la collection du milliardaire saoudien, vingt-deux enchères ont dépassé la barre du million de francs. Près de 290 millions de francs ont été enregistrés en trois jours par le numéro un mondial des ventes publiques.
Une aiguière vendue à prix d’or
“1999 aura été une année exceptionnelle pour le mobilier chez Christie’s, avec les ventes des collections Alexander à New York, Rothschild à Londres et Akram Ojjeh à Monaco. Les prix du mobilier aux enchères parviennent à des niveaux jamais atteints”, a déclaré Charles Cator, vice-président de Christie’s Europe et directeur du département international du mobilier. Le second prix le plus élevé de la vacation a couronné une commode d’époque Louis XVI, estampillée Jean-François Leleu, qui a doublé son estimation haute à 41,8 millions de francs. Quelques fortes enchères ont également été prononcées lors de la dispersion de la collection Delbée-Jansen par Christie’s, les 10 et 11 décembre : un cadran équinoxial universel mécanique du XVIIIe siècle, signé John Rowley, a été adjugé 2,1 millions de francs, et un ensemble de douze bustes italiens du XIXe siècle représentant les Césars a doublé son estimation pour partir à 1,9 million de francs.
Résultats moins impressionnants chez Sotheby’s, qui ne disposait pas de grande collection, avec un produit de 59,4 millions de francs. Une élégante commode en acajou et citronnier de la fin de l’époque Louis XVI, attribuée à Weisweiler, a été enlevée à 7,2 millions de francs. Lot vedette de la vente, une aiguière et son bassin en argent qui auraient appartenu à Pierre-Paul Rubens a doublé son estimation à 6,6 millions de francs, après une longue bataille d’enchères. Cette pièce au décor entièrement ciselé représentant la naissance de Vénus a été réalisée vers 1635 par l’orfèvre Théodore I de Rasier. “Le marché est affamé et peu de grands meubles sortent, explique l’expert Alexandre Pradère. Nous arrivons au terme d’un long cycle de baisse. Les gains boursiers commencent à se porter sur le marché de l’art et sur les chefs-d’œuvre du mobilier, qui sont en train de s’aligner sur les prix des tableaux modernes”.
À Paris, de belles pièces de mobilier issues de la collection de la comtesse de Pimodan étaient présentées le 9 décembre par Hervé Poulain et Rémy Le Fur, pour leur vente inaugurale à l’Hôtel du Palais des Congrès. Y figurait une somptueuse commode à portes de forme galbée en placage de palissandre, estampillée Jacques Dubois, qui s’est vendue 3,5 millions de francs. Classée monument historique, elle provenait de la collection du comte de La Béraudière. Également remarquable, une paire de commodes d’époque Consulat-Empire, de forme rectangulaire, en acajou et placage d’acajou moucheté, adjugées 2,9 millions de francs, qui présentaient des similitudes avec l’œuvre de l’ébéniste Jean-Baptiste Claude Sené, fournisseur de la Couronne. Un bureau de forme rectangulaire, en acajou et placage d’acajou à cylindre, estampillé Canabas, présentant un poinçon de Jurande, est parti à 2,6 millions de francs. Neptune sur une conque calmant les flots, le groupe en marbre d’Augustin Pajou provenant des collections du duc de Choiseul, a été préempté par la Direction des Musées de France, pour le Louvre, à 2,5 millions de francs.
Plus surprenant est le résultat obtenu par Mars dévêtu combattant, un bronze d’après Jean de Bologne qui s’est envolé à 7,7 millions de francs, le 13 décembre, dans la vente organisée par les études de Cagny et Lenormand, Dayen. Belles enchères aussi le 10 décembre à l’Espace Tajan, où une suite de quatre lustres en verre soufflé de Venise (XVIIIe siècle) a fait 1,4 million de francs, et une paire de torchères en bois sculpté représentant des maures enrubannés, 975 000 francs.
Daumier honoré
Plusieurs vacations de tableaux modernes et contemporains ont ponctué le mois de décembre. Un des lots les plus attendus était la série de 36 bustes-charges en bronze des Célébrités du Juste Milieu par Honoré Daumier, présentée le 15 décembre dans la vente de l’étude Piasa. Ces pièces portant les timbres du fondeur Valsuani, réalisées entre 1955 et 1960 par l’éditeur Maurice Le Garrec, ont été adjugées 3,8 millions de francs, quintuplant leur estimation haute. Une charmante huile de Raoul Dufy, Sainte-Adresse, promenade en bord de mer, s’est vendue 1 million de francs ; une huile d’Odilon Redon, Saint Georges et le Dragon, plus de 997 000 francs. “Les adjudications dépassent systématiquement leurs estimations depuis la fin du mois d’octobre, souligne l’expert François Lorenceau. Est-ce un signe de surchauffe ou un simple rattrapage après une période calme ? Il est trop tôt pour se prononcer”. Le 14 décembre, la vente d’œuvres modernes de Me Briest comprenait une huile de Maurice de Vlaminck, La Seine au Pecq, issue de la collection Ambroise Vollard, qui a été adjugée 2,7 millions de francs, ainsi qu’une huile de Dufy de 1953, partie à 1,4 million. Quelques bons résultats encore à l’Espace Tajan le 16 décembre, où étaient dispersées plusieurs œuvres de la collection Jean Bouin-Luce qui, en raison de leur provenance prestigieuse, ont obtenu les prix les plus élevés. Une petite huile de Paul Signac, Remorqueur dans le port d’Amsterdam, a fait 2,8 millions de francs, et un Paysage dit de Cabasson (vers 1896-1899) d’Henri-Edmond Cross, 2,5 millions de francs.
Enchères élevées toujours lors de la vente d’art contemporain de Me Briest, le 15 décembre, composée d’œuvres de la collection Jean Bousquet. La plus haute adjudication, 3 millions de francs, est allée à une œuvre de Basquiat de 1985. In Extremis (1994) de Miguel Barceló, qui faisait partie d’une série exposée à la Galerie nationale du Jeu de Paume, a été adjugée 1,6 million de francs, un record français pour cet artiste.
Un autre record a été battu à Drouot lors de la vente de dessins de l’étude Piasa, le 17 décembre. Femme assise tenant une quenouille (Clotho la Fileuse) de Prud’hon, une charmante et très sensuelle feuille au crayon noir, estompe, rehaussée de craie blanche sur papier bleu, a triplé son estimation à 2,8 millions de francs, décrochant un nouveau record mondial pour un dessin de cet artiste. Dans la même vente, Femme vue de trois-quarts de dos, une étude à la pierre noire sur papier beige de Simon Vouet, est partie à 865 000 francs.
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Un marché en ébullition
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°96 du 7 janvier 2000, avec le titre suivant : Un marché en ébullition