Malgré une raréfaction croissante des œuvres d’art, le secteur des salons aiguise toujours l’appétit des entrepreneurs. À l’heure où le Salon du collectionneur-Paris, organisé par le Syndicat national des antiquaires (SNA), démarche les candidats pour sa première édition du 12 au 18 septembre 2003, l’antiquaire Patrick Perrin se lance dans l’aventure d’un nouveau salon programmé du 20 au 28 septembre prochain. S’agit-il d’un énième bras de fer dont les antiquaires ont le secret, ou est-il possible d’escompter à terme une fusion des deux salons ? L’avenir est encore flou. Ces initiatives créent des émules, entre une nouvelle édition de la Biennale des arts asiatiques et un salon des arts non occidentaux. État des lieux d’une frénésie.
PARIS - Les antiquaires conviennent qu’il est extrêmement difficile de dénicher aujourd’hui des œuvres d’art de qualité. Ils se complaisent pourtant à créer de nouveaux salons, qu’il sera difficile d’alimenter, raréfaction oblige. Fort de la popularité du Pavillon des antiquaires de mars et de l’exclusivité du jardin des Tuileries au mois de septembre pour une durée de cinq ans, Patrick Perrin s’affaire aujourd’hui à un nouveau salon annuel, baptisé provisoirement “7e Pavillon des antiquaires et des galeries d’art”. Cette initiative ressemble à s’y méprendre à un pied de nez au Salon du collectionneur-Paris que le Syndicat national des antiquaires, aidé de France Convention, organisera au Carrousel du Louvre en septembre prochain. Les pourparlers vont pourtant bon train en ce qui concerne une éventuelle fusion des deux salons. “Notre objectif est de réorganiser le marché des salons. Il est intéressant de voir si le syndicat peut entrer dans une réflexion de fond sur ce sujet. Il serait dans l’intérêt du syndicat de ne pas poursuivre ce salon au Carrousel. Le fait qu’il se déroule au même endroit que la Biennale des antiquaires crée une confusion. De plus, il n’aurait lieu qu’une seule fois par an, ce qui nuit à sa visibilité”, déclare Patrick Perrin. “Les portes ne sont pas fermées. On est en pourparlers et non en guerre”, affirme de son côté Michel Vandermeersch, directeur du comité de sélection du Salon du collectionneur.
Le 30 janvier, le conseil du syndicat a voté à une petite majorité la poursuite des négociations, entamées dès septembre. Une participation du syndicat à hauteur de 50 % avait alors été évoquée dans l’hypothèse d’une fusion. Les discussions en cours aboutiront-elles à une conciliation ? Les relents d’antagonisme risquent de peser lourd dans la balance. Le syndicat ayant par ailleurs signé le contrat de location du Carrousel pour septembre, une fusion des deux salons ne serait envisageable qu’en 2004. Enfin, en termes juridiques, un syndicat ne peut s’associer à une société commerciale. Le syndicat pourrait certes confier à l’avenir l’organisation du salon du mois de septembre à la Société d’organisations culturelles (SOC) détenue par Patrick Perrin et Stéphane Custot. Il resterait toutefois propriétaire du salon, ce qui risque de ne pas être du goût de la SOC. Faute de pouvoir résoudre dans un proche délai ces arguties juridiques, Patrick Perrin lancera donc son projet du 20 au 28 septembre prochain au jardin des Tuileries. Le tarif est calqué sur celui du Pavillon, entre 380 et 457 euros le m2, de même que le logo, à une petite variante près. 700 contrats ont d’ores et déjà été envoyés, quelque 50 galeries étant actuellement pressenties. Ce salon modifiera à terme le concept généraliste du Pavillon du mois de mars. Ce dernier sera progressivement dévolu aux arts du XXe siècle, alors que le nouveau salon deviendra une chambre d’enregistrement pour la Biennale des antiquaires. La mue progressive du Pavillon de mars vers le moderne risque de faire double emploi avec le Salon du XXe siècle, initié en juin 2002 par Rik Gadella. “On a beaucoup de mal à résister à la demande des galeries modernes et contemporaines. Le salon de Rik Gadella est uniquement consacré aux arts décoratifs, alors que nous sommes aussi ouverts à la peinture. Il y aurait matière à faire un nouveau salon pour le XXe siècle”, soutient Patrick Perrin.
Nouvelles foires
De son côté, le Salon du collectionneur, composé de six zones de spécialités, se targue de cinquante inscriptions fermes, principalement dans le domaine de la céramique et des arts asiatiques. “Nous sommes satisfaits, car dans une situation économique incertaine, il est déjà étonnant de remplir un nouveau salon”, affirme Michel Vandermeersch. L’adhésion des professionnels d’arts asiatiques et de céramique n’est somme toute pas surprenante. Ces deux pôles avaient en effet déjà été conquis par le “salon de la céramique” que le marchand Christian Béalu comptait lancer à l’hôtel Dassault sous le patronage de Nicolas Orlowski, et par la Biennale des arts asiatiques, inaugurée en septembre dernier au jardin des Tuileries. Trop rapidement enterrée au profit du Salon du collectionneur, cette dernière n’entend d’ailleurs pas s’éclipser. Ce salon sympathique affichait pourtant des résultats en demi-teintes. Les transactions portaient principalement sur des objets de gamme intermédiaire, entre 10 000 et 30 000 euros. Grand ordonnateur de cette biennale, Antoine Lebel espère pourtant une nouvelle édition plus musclée et internationale pour 2004. Les grandes locomotives avaient été échaudées par les résultats décevants du Salon des arts asiatiques lancé par Nicolas Orlowski en 2001. Elles avaient dès lors hésité à participer à nouveau à une foire française. “Beaucoup de marchands anglais regrettaient pourtant de ne pas être présents lors de la dernière édition. Je ne sais pas s’ils nous rejoindront. Je préfère monter en puissance tout doucement que comme une fusée”, modère Antoine Lebel. L’Automne asiatique enfin, disparu au profit de la Biennale des arts asiatiques, fait aussi son come-back, du 3 octobre au 15 novembre prochain.
De son côté, l’activité d’organisation de salons de Nicolas Orlowski a été absorbée depuis le 1er janvier par la société SAFI, organisatrice du Salon Maison et Objets. Si les salons professionnels organisés par Nicolas Orlowski se sont souvent révélés porteurs, tel ne fut pas le cas de ses incursions dans le monde antiquaire. Le succès de ses salons d’art asiatique et d’art tribal avaient été mitigés. Par ailleurs, les antiquaires rechignaient de plus en plus à siéger à l’hôtel Dassault, principalement dévolu aux ventes aux enchères. Malgré cette refonte, l’équipe de Nicolas Orlowski envisage un nouveau salon dédié aux arts non occidentaux, du 22 au 26 janvier 2004, a priori au Palais des Congrès. “Avant ce rapprochement, nous manquions d’outils pour développer des salons ambitieux et pérennes. En nous adossant à la SAFI, dont 50 % appartient à Reed-OIP, on pourra mener à bien nos projets, explique Stéphane Carayol, commissaire du salon. Le Salon des arts non occidentaux aura lieu en synergie avec “Paris, Capitale de la Création”, dédié au design, à la décoration et à la mode. Par ce biais, nous visons un visiteur international, notamment les grands décorateurs.”
Cette pléiade de nouvelles foires soulève deux questions : d’une part, comment les marchands, parfois en mal de trésorerie, peuvent-ils décemment investir dans des salons qui n’ont pas encore fait leurs preuves ? D’autre part, où trouveront-ils une marchandise de qualité pour un public hésitant et sélectif ? Le développement de salons cantonnés à des pièces de moyenne gamme est suicidaire en temps de crise. Les objets moyens sont ceux qui subissent, plus que tous les autres, le couperet des invendus...
Le climat d’incertitude aura eu raison du Monaco Art Show, salon d’art contemporain que France Convention avait programmé dans la Principauté du 18 au 22 avril 2003 (lire le JdA n° 147, 19 avril 2002). Cette suspension est aussi liée à une faiblesse plus structurelle que simplement conjoncturelle. Fondée sur une quarantaine de participants faute d’un vrai marché local, l’économie du salon est nécessairement fragile. “Nous avions la quarantaine de participants, mais le niveau de qualité était insuffisant. Nous nous étions fixés comme objectif d’avoir au moins une vingtaine de très bonnes galeries et une dizaine de bonnes. Nous nous sommes retrouvés avec une ou deux bonnes, ce qui est largement insuffisant. Il ne s’agit pas de créer une énième foire, surtout après le succès d’Art Basel Miami Beach”?, explique Henri Jobbé-Duval, le directeur artistique de France Convention. Le travail de formation d’un public local risque aussi d’être de longue haleine. Malgré son aura de paradis fiscal, le rocher monégasque ne compte qu’un tout petit noyau de collectionneurs. “Monaco présente un vrai potentiel, plaide pourtant Henri Jobbé-Duval. Depuis de nombreuses années, la Biennale des antiquaires de Monaco fonctionne bien. Les antiquaires disent qu’il n’y a pas de marché, mais des clients.”? Compter uniquement sur des “clients”?, essentiellement de villégiature, est une gageure de fildefériste, voire une erreur stratégique. Un report de la manifestation l’an prochain n’est toutefois pas exclu. L’implication financière de la Principauté pèsera évidemment lourd dans la balance.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°165 du 21 février 2003, avec le titre suivant : Un, deux, trois, quatre...