Belgique

Un cinquantenaire fêté dignement

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 18 février 2005 - 770 mots

Le bilan est positif pour les 50 ans de la Foire des antiquaires de Belgique, orientée principalement sur le mobilier et les objets d’art.

 BRUXELLES - Doit-on coûte que coûte ressembler à Maastricht pour être une bonne foire ? Non, comme le prouve la Foire des antiquaires de Belgique, qui a fêté du 21 au 30 janvier son cinquantième anniversaire. Malgré la méthode Coué du conseil d’administration du salon, celui-ci ne joue pas dans la même cour que Tefaf. Il n’en a pas moins le sérieux et l’organisation au cordeau. Chaleureuse, la manifestation a aussi du goût et du caractère. Orienté autour des objets, du mobilier liégeois aux anges de la Haute Époque, le salon fait en revanche l’impasse sur les tableaux, faiblards à quelques exceptions près. Certains francophones regrettent aussi sa coloration trop « flamande ». « C’est une cabale lamentable. On ne fait pas de distinction entre des objets flamands ou français. Si les gens sont orientés sur leur nombril, c’est leur problème », rétorque le président de la foire Jan De Maere.
La commission d’expertise s’est révélée rigoureuse en retirant 4 à 5 % des objets soumis au tamis. En revanche, ses choix quant aux objets classés « 50 ans » laissaient perplexe. Le fait que Jan De Maere, grand pourfendeur du copinage, hérite de six mentions, de surcroît pour des pièces anecdotiques, a fait sourire ! Les cartels « 50 ans » n’étaient d’ailleurs pas toujours justifiés. Les amateurs s’inclinaient devant le miroir de toilette en bronze doré de Pauline de Wurtemberg par Biennais, déjà présenté par Bernard De Leye (Bruxelles) à Moscou en 2004 pour 700 000 euros, ou une chasse du XIIe siècle proposée pour la coquette somme de 265 000 euros par Bernard Descheemaeker (Anvers). On restait en revanche perplexe devant la statue Bété de Côte d’Ivoire chez Bernard de Grunne (Bruxelles). Le marchand avait pourtant une statue Sawos de Nouvelle-Guinée autrement plus désirable, que l’on retrouvera à Maastricht. De même, une effigie d’ancêtre Luba vendue le lendemain du vernissage sur le stand de Bernard Dulon (Paris) méritait plus un « bon point » qu’une tabatière Tchokwe...

Guerre des salons
Assez soutenues les premiers jours, les transactions ont souvent tourné entre 8 000 et 20 000 euros. Les marchands ont beaucoup misé sur le dernier week-end où les amateurs belges étaient supposés mettre un terme à leur réflexion. « C’est globalement positif, presque tous les marchands français ont travaillé, remarque en fin de parcours le galeriste parisien Alexis Bordes. Mais il ne faut pas rêver, c’était un peu plus difficile que l’an dernier, les gens font attention à la dépense, reviennent trois à quatre fois avant de se décider. » Habituel parent pauvre des salons, la sculpture a élu domicile à Bruxelles pour le grand bonheur des quatre marchands spécialisés dans ce domaine.
Côté dessin, la pêche était aussi porteuse. La Galerie des Modernes (Paris) a vendu une jolie nature morte à la pointe d’argent du Corbusier (20 000 euros) à un client belge qui l’avait déjà vue plusieurs fois à Paris. Chez Alexis Bordes, un professeur d’histoire n’a pas résisté au beau pastel orientaliste de Lévy-Dhurmer (8 500 euros). On remarquait d’ailleurs chez le jeune marchand une orientation inédite vers le XXe siècle. « J’ai essuyé les plâtres l’an dernier avec des dessins italiens que j’ai décrochés au bout de trois jours. Cette fois, j’ai essayé de coller au plus près du marché, remarque-t-il. Je vais de plus en plus m’adapter au XXe siècle. C’est marche ou crève ! » La palme revient au libraire Jean-Claude Vrain (Paris), dont le magnifique ensemble de Félicien Rops a cartonné. Le Pornokratès qu’il proposait pour 180 000 euros s’est d’ailleurs vendu le soir du prévernissage. La veille du preview, le marchand de tapisseries De Wit (Malines) avait cédé au téléphone pour environ 500 000 euros une tapisserie « Mille Fleurs » à un client américain qui ne l’avait même pas vue. Une opération qu’on ne peut attribuer au salon où, au-delà de 100 000 euros, les portefeuilles se sont grippés.
Bien que saluée pour son professionnalisme, la foire devra compter avec la concurrence du salon Grands Antiquaires, organisé par le marchand Georges De Jonckheere. « Ce n’est pas une concurrence, il a lieu dans un espace exigu et les clients internationaux ne s’y sont pas rués », réplique Jan De Maere. « L’année prochaine il nous faudra quand même choisir entre les deux », note un marchand français. Il est d’ailleurs probable que Bruneaf verra d’un mauvais œil l’arrivée en juin d’une foire d’arts primitifs signée De Jonckheere. Bruxelles vient d’entrer dans la guerre des salons.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°209 du 18 février 2005, avec le titre suivant : Un cinquantenaire fêté dignement

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