Les amateurs de belles feuilles du monde entier se sont rendus au 11e Salon du dessin qui s’est tenu à Paris du 20 au 25 mars. Constant en qualité, aujourd’hui plus que jamais, il est devenu la référence mondiale pour le marché de dessin, entraînant dans son sillon une multitude de manifestations. Pourvu que cela dure...
PARIS - C’est peut-être l’année de la consécration pour le Salon du dessin devenu depuis quelques années l’événement attendu par le marché et les institutions. “Ce fut un salon très réussi, tant sur le plan des ventes qui n’ont pas fléchi par rapport à l’an passé, que dans son rôle de faire de Paris la capitale mondiale du dessin pendant une semaine, a déclaré Hervé Aaron, président de la Société du dessin. La synergie est de plus en plus forte entre le salon et les événements extérieurs autour du dessin. Les expositions organisées par les musées et celles qui se sont tenues dans les galeries, ainsi que les ventes aux enchères parisiennes, ont concouru à attirer davantage de collectionneurs et de conservateurs.” Pour sa galerie, le marchand s’est montré satisfait d’avoir vendu sept dessins, plutôt dans sa spécialité – le XVIIIe français –, dans une fourchette de prix de 50 000 à plusieurs centaines de milliers d’euros. Même bilan pour l’Américain Marc Brady sauf qu’aucune pièce importante n’est sortie de son stand. Il s’est réjoui tout de même d’avoir noué des contacts intéressants. Car le sort de certaines œuvres mûrit et se négocie parfois plusieurs semaines après la manifestation, même si la majorité des achats se fait le jour de l’ouverture. Pourtant, “ce 11e salon est pour moi le plus atypique, commente Chantal Kiener. Après un démarrage très lent, j’ai réalisé toutes mes ventes en fin de salon”, soit une dizaine de dessins de 2 000 à 10 000 euros. Chez Prouté, 14 feuilles sont parties le soir du vernissage, majoritairement dans des collections françaises. Le Berger, une planche au crayon de Millet dont le tableau figure au Musée de Boston et un paysage au fusain de Corot font partie des grosses ventes, dans une gamme de prix compris entre 15 000 et 23 000 euros. Un dessin à la plume, encre et lavis gris de Jean-Baptiste Corneille, La Dispute de Minerve et de Neptune pour la fondation d’Athènes (vers 1685) dont une autre version est au Louvre, a fait le bonheur d’un amateur étranger pour 15 000 euros. L’espace d’Éric Coatalem ne désemplissait pas le premier jour. Vingt pièces ont été rapidement emportées dont un projet de tapisserie pour le comte de Toulouse, un rarissime et authentique Bérain, le seul dessin du marchand resté sur le territoire français. L’acquéreur des Trois cavaliers polichinelles à la plume et lavis d’encre, un bel exemple d’un thème très recherché dans l’œuvre de Tiepolo, a dû débourser plus de 200 000 euros. Une superbe et grande aquarelle (80 x 63 cm) de Louis-François Cassas, représentant un jeune artiste devant des stelles assyriennes au Liban, est en revanche restée sur les bras du marchand. Il a pourtant eu maintes demandes réitérées pour ce dessin. L’aurait-il proposé a un prix élevé ? “C’est possible mais je n’ai pas voulu baisser. Il est vraiment trop beau !”
Spilliaert, Lorenzo di Credi et l’architecture dessinée
L’un des exposants vedettes du salon était sans doute la galerie belge Patrick Derom dont l’exposition moderne, entre Symbolisme et Surréalisme, rayonnait du haut de son stand surélevé en bout d’allée au premier étage. “C’est incontestablement mon meilleur salon”, lance-t-il après avoir cédé d’importantes œuvres d’un montant supérieur à 100 000 euros, dont deux Spilliaert et un fusain de Khnopff, deux artistes belges vendus avec fierté, mais aussi un beau Matisse et un dessin d’Ernst. Pour le carnet de dessins de Modigliani acquis par un musée pour 600 000 euros et l’aquarelle et gouache sur papier de Picasso d’une valeur astronomique pour le commun des collectionneurs et qui a finalement rejoint une collection privée, les négociations ont commencé à la fermeture du salon. Selon le galeriste, “le plus difficile est de trouver de belles pièces issues de collections privées et que le marché n’a pas encore vues”. Pour Jean-Luc Baroni, cela n’est pas un problème. Sa galerie anglaise a bien sorti son épingle du jeu en vendant la fameuse Figure couronnée de lauriers de Lorenzo di Credi, le dessin ancien le plus cher jamais vendu en France. Il lui a coûté 2,3 millions d’euros chez PIASA le 23 mars 2001. Le Michel-Ange acquis chez Sotheby’s quelques mois auparavant, pour la somme colossale de 9,8 millions d’euros, était juste là en exposition car il venait de le vendre quelques jours plus tôt sur son stand à Maastricht. “Beaucoup de conservateurs et d’amateurs voulaient l’admirer. C’est une œuvre que l’on ne voit pas tous les jours ! C’est une bonne chose pour le salon”. Il y va sans doute aussi du prestige de la galerie. Saluons également la présence du trop discret Daniel Greiner que les passionnés de dessins d’architecture, d’intérieur, de jardin, de décors de théâtre et d’arts décoratifs (l’éventail de ses spécialités) ont pu découvrir sur place pour la première fois. Un créneau de collection qui demeure assez étroit mais quand on concentre une forme d’énergie à travers un thème, force est de constater qu’il arrive un phénomène d’attraction toujours gratifiant.
En fin de compte, le Salon du dessin a une fois de plus ravi les institutions internationales et les collectionneurs chevronnés, des connaisseurs qui se décident très vite – les belles feuilles se raréfiant. “Les Américains étaient au rendez-vous”, se félicite Marie-Christine Carlioz de la galerie de La Scala. Les transactions entre marchands y sont aussi allées de bon train mais ce marché parallèle interprofessionnel est classé confidentiel. En attendant la prochaine édition, la course aux chefs-d’œuvre a déjà commencé. Car il va falloir continuer à assurer !
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Un beau salon à dessein
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°146 du 5 avril 2002, avec le titre suivant : Un beau salon à dessein