Twombly, Bacon et les autres

Londres fait de l’ombre à New York

Par Roger Bevan · Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1997 - 550 mots

L’augmentation régulière des résultats des ventes aux enchères d’art contemporain font de la capitale du Royaume-Uni un sérieux concurrent pour New York.

LONDRES. Tandis que leurs confrères avaient du mal à réunir des lots d’un bon niveau pour les ventes impressionnistes et d’art moderne, le directeur pour l’art contemporain chez Christie’s, Brett Gorvy, et son rival chez Sotheby’s, Tobias Meyer, ont amélioré ces trois dernières saisons la qualité des catalogues de leurs ventes à Londres. Ils peuvent dorénavant rivaliser avec leurs homologues new-yorkais. Christie’s a présenté, par exemple, un choix intéressant de cinquante-neuf tableaux et sculptures pour sa vente du 4 décembre au soir ; quarante et un lots ont trouvé acquéreur pour un total de 6,71 millions de livres (environ 57 millions de francs). Ce très beau résultat est comparable aux 11,2 millions de dollars (58 millions de francs) enregistrés lors d’une vente similaire à New York, le mois précédent. Cela prouve surtout que Londres est devenu un concurrent sérieux pour le commerce de l’art contemporain.
Le 5 décembre, Sotheby’s proposait un catalogue un peu plus important, soixante-sept lots, mais par bien des aspects semblable à celui de Christie’s ; seuls quatorze lots n’ont pas été vendus. Le produit total de la vente s’élève à 6,41 millions de livres (55 millions de francs).

Francis Bacon, Seated Figure (Red Cardinal), Christie’s, lot 31 ; estimation non publiée de 1,5 million de livres, adjugé 1,4 million de livres (12 millions de francs).
Malgré certaines parties de très belle facture comme la tête, l’habit et la coiffe écarlates, cet étrange tableau n’est pas d’une grande intensité. Il ne peut pas être considéré comme faisant partie des chefs-d’œuvre de l’artiste. Un seul enchérisseur par téléphone, faisant son offre au représentant belge de  Christie’s (ce qui laisse deviner sa nationalité), en a fait l’acquisition, sans doute en dessous de l’estimation basse.

Cy Twombly, Letter of Resi­gna­tion, Christie’s, lot 39 ; estimé 200 000-300 000 livres, adjugé 390 000 livres (3 millions de francs).
Ce lot comprenait trente-huit petits dessins – l’un abondamment recouvert de peinture à l’huile, d’autres rehaussés au crayon de couleur –, constituant un journal intime. Encadrés en dépit du bon sens dans des boîtes de plexiglas, ils n’ont pas non plus été présentés à leur avantage lors de l’exposition précédant la vente. Leur qualité était malgré tout évidente,  et ils ont attiré l’attention de plusieurs acheteurs, dont le galeriste new-yorkais Larry Gagosian, très résolu, qui a acquis la série contre l’offre du marchand londonien Gerard Faggionato.

Gerhard Richter, Tish (I), Chris­tie’s, lot 48 ; estimé 200 000- 300 000 livres, adjugé 225 000 livres (1,9 million de francs).
On ne peut sous-estimer l’importance historique de cette peinture dans l’œuvre de Richter, puisque c’est elle qui ouvre son catalogue raisonné. La table partiellement occultée par des coups de pinceau abstraits ainsi que la palette monochrome en font le résumé des paradoxes et des problématiques que l’artiste n’a cessé d’explorer pendant plus de 35 ans. Cela dit, ce n’est pas une toile fabuleuse ; elle avait d’ailleurs été rejetée, puis récupérée par Richter. Quelle valeur donner à une telle œuvre ? Lors de la vente, elle n’a suscité aucune lueur d’intérêt, et pourtant la salle était pleine de clients potentiels ; elle a été acquise par un enchérisseur au téléphone, dans la fourchette de l’estimation publiée.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°32 du 1 janvier 1997, avec le titre suivant : Twombly, Bacon et les autres

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