Les ventes de maîtres anciens des 4, 5, 6 et 7 juillet à Londres, qui figurent parmi les plus importantes de ces dernières années, réservent quelques belles surprises aux collectionneurs. Christie’s présentera, le 4 juillet, un dessin préparatoire de Michel-Ange exécuté pour le marbre du Christ triomphant de l’église Santa Maria sopra Minerva de Rome et une œuvre de Pierre Paul Rubens, Diane et les Nymphes. Sotheby’s mettra en vente, le 6 juillet, une Madone à l’enfant de Cimabue et La Sainte Famille d’Orazio Gentileschi. Phillips proposera de son côté, le 4 juillet, un Bouquet de fleurs d’Osias Beert.
LONDRES (de notre correspondante) - L’éventail impressionnant d’œuvres de Léonard de Vinci, Michel-Ange, Cimabue, Rubens, le Titien, Rembrandt, Boucher, Filippino Lippi et Orazio Gentileschi, qui seront mises en vente à Londres, début juillet, témoignent de la bonne santé du marché de l’art européen. L’étude pour le Christ triomphant de Michel-Ange, mis en vente par Christie’s le 4 juillet, appartient à cette catégorie de dessins de maîtres anciens que l’on s’arrache dès qu’ils font leur apparition sur le marché (lire JdA n°104). C’est un dessin à la plume, sanguine et fusain, exécuté en 1514. Juste avant sa mort en 1564, Michel-Ange a brûlé plusieurs de ses portfolios et seuls trente-cinq dessins préparatoires pour ses sculptures ont survécu. Il s’agirait du plus important Michel-Ange mis en vente depuis sa dernière apparition sur le marché en 1936. “Nous avons eu beaucoup de mal à établir une estimation. Sotheby’s a adjugé 7,48 millions de livres Le Christ et la Samaritaine, à New York en 1998, et La Sainte Famille est partie à 4,8 millions de livres en 1993. Ce dessin surpasse largement ces deux œuvres, ce qui nous porte à l’estimer à plus de 4,5 millions de livres”, a-t-il ajouté.
Le marché décidera
Christie’s a d’autres atouts dans son jeu, puisque l’auctioneer propose à la vente trois peintures de maîtres anciens de la collection Wernher dont Diane et les Nymphes (26,5 x 57 cm) de Pierre Paul Rubens, universellement reconnu pour avoir inspiré une série de peintures commandées par Philippe IV d’Espagne pour son pavillon de chasse, la Tore de la Parada. “Nous avons étudié les prix atteints par de telles œuvres depuis dix ans, et cinq ou six tableaux sont partis à plus d’un million de livres. Un modello pour une peinture religieuse a même atteint 2 millions de livres à New York en mai. C’était une œuvre très différente de la nôtre et il est donc difficile d’établir des comparaisons, explique Alexander Hope de chez Christie’s, mais ce que nous pourrions faire de pire serait de la surestimer. L’estimation de 700 000-1 million de livres est une indication et le marché décidera.”
La même approche a été adoptée pour le Portrait de Giacomo Doria du Titien. Il s’agit d’une œuvre incontestée, reconnue par les plus grands spécialistes, dont Wethey, Tietze, Hope et Joannides. On connaît l’identité du modèle, membre d’une grande famille vénitienne patricienne, qui fut l’ambassadeur du pape à Piacenza en 1538. L’œuvre date du début des années 1530, juste avant que Titien ne se lance dans sa grande série de portraits, comprenant l’empereur Charles Quint et son fils, Philippe II d’Espagne et la famille Vendramin. Un portrait tardif du Titien, figurant un modèle méconnu, et présentant de sérieux problèmes de conservation, a été vendu 1,1 million de livres à Londres, il y a deux ans. “Les portraits du Titien sont très rares. On peut donc se demander si un tel prix est dû au fait qu’il s’agit d’une œuvre du Titien, ou à la qualité propre de l’œuvre. Ici encore, l’estimation de 800 000-1,2 million de livres est un point de repère et nous laissons le marché en décider”, a déclaré Alexander Hope. Des trois œuvres, Le Repos pendant la fuite en Égypte, de Filippino Lippi, reste la plus difficile à estimer. Il n’existe aucun élément de comparaison, car les œuvres de ce type apparaissent encore plus rarement sur le marché que les Rubens ou les Titien, puisque la production de l’artiste était moindre. Il ne reste actuellement que cinq Filippino Lippi en mains privées. “Une œuvre de Lippi s’est vendue 250 000 livres en 1997, mais elle n’était pas de qualité comparable”, explique Alexander Hope. Cette peinture est assez tardive dans l’œuvre de Lippi. Elle a été peinte alors qu’il n’était plus autant sous l’influence de Botticelli.
Un Cimabue qui pourrait atteindre les 10 millions de livres
C’est Sotheby’s qui possède avec Madone à l’Enfant de Cimabue, le tableau phare de la saison. Cette toile a été miraculeusement retrouvée dans une maison de campagne, Benacre Hall, située dans le Suffolk. On ne compte pas plus de sept ou huit panneaux attribués à Cimabue, et celui-ci est le seul en mains privées. “Nous avions d’abord proposé une estimation de 2 millions de livres, mais avec le temps, il est apparu clairement que son prix serait plus proche de 10 millions de livres.”
La Sainte Famille d’Orazio Gentileschi est, elle aussi, une découverte que l’on doit à Sotheby’s. Ce petit panneau de cuivre (56,5 x 42,5 cm) n’est pas aussi rare que le Cimabue et correspond parfaitement à l’œuvre de l’artiste puisqu’il s’inscrit dans une petite série de panneaux de cuivre réalisés pour des commandes privées. Sotheby’s a pu établir une fourchette de prix pour cette œuvre en la comparant à d’autres. Alexander Hope a pris pour référence un petit panneau de cuivre de Schedone, artiste baroque nettement moins connu, qui s’est vendu 1,4 million de livres en 1997, ainsi que Moïse sauvé des eaux, pour le Castle Howard, parti à 4,6 millions de livres il y a quatre ans. L’estimation a donc été fixée à 1,5-2 millions de livres. Un feuillet d’étude de Léonard de Vinci proposé lors des ventes de dessins de maîtres anciens, montre une esquisse d’Hercule vue de face et de dos, recto et verso, ainsi qu’un bourreau, des études de marines. Quand bien même il ne s’agirait que de griffonnages, les dessins méconnus de Léonard de Vinci n’apparaissent jamais sur le marché ( 400 000-600 000 livres sterling). Phillips dispersera de son côté le 4 juillet un ensemble composé de 220 lots parmi lesquels on remarquera un Bouquet de fleurs d’Osias Beert (1-1,5 million de livres sterling), une toile de Jean-François de Troy, Retour du bal (400 000-600 000 livres sterling) qui est le pendant de La Toilette pour le bal conservée au Getty Museum et une charmante paire d’huiles de François Boucher, Vénus désarmant Cupidon et Cupidon caressant Vénus (600 000-800 000 livres).
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Trésors anciens à Londres
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°108 du 30 juin 2000, avec le titre suivant : Trésors anciens à Londres