Les commissaires-priseurs pourraient être affectés par la réforme des droits de succession.
Un décret discret publié au Journal officiel le 14 mai pourrait donner du fil à retordre aux commissaires-priseurs parisiens. Cette notule permet aux conjoints des défunts de différer et fractionner le paiement des droits de succession, alors qu’ils étaient tenus de les régler dans les six mois suivant le décès. Le moratoire dans le paiement peut même s’étendre jusqu’au décès du conjoint survivant. L’option n’est évidemment pas gracieuse, car il devra régler chaque année aux services fiscaux un tiers du taux d’intérêt légal des droits qu’il aurait dû acquitter. Mais voilà qui ne devrait pas faire les affaires des maisons de ventes en quête de successions. Car les conjoints n’auront plus de raison de vendre dans l’urgence les biens meubles pour garder l’immeuble !
Le commissaire-priseur Alexis Velliet, codirigeant de la maison Piasa, tempère l’incidence d’une telle mesure. Selon lui, il est rare que des ventes mobilières surviennent à la suite du décès d’un seul conjoint, mais plutôt à la mort des deux. Le temps des « vaches grasses » est d’ailleurs révolu depuis fort longtemps. Un commissaire parisien rappelle qu’à la fin des années 1960 une succession bourgeoise pouvait compter un appartement parisien et trois propriétés. Un autre commissaire-priseur parisien fort célèbre était réputé lire quotidiennement les carnets nécrologiques pour proposer ses services aux héritiers des défunts ! Avec les donations-partages, la distribution de l’héritage se fait souvent du vivant des parents. Le patrimoine qui pourrait se retrouver un jour à l’encan s’avère du coup beaucoup plus dispersé et réduit. L’an dernier, la pêche aux successions n’avait rien de miraculeux, même dans les maisons classiques comme Beaussant-Lefèvre. Sur les douze collections importantes que Sotheby’s a dispersées l’an dernier, trois seulement résultaient de succession.
Pour expliquer la faiblesse des ventes de succession, certains arguent de correspondants notaires de plus en plus volatils. Certes, Piasa, maison traditionnelle par excellence, conserve un solide réseau de notaires et effectue quelque 270 inventaires notariés par an. Mais le département Successions a été supprimé dans plusieurs études notariales, faute d’être suffisamment lucratif. Le climat a changé car les familles ne se plient plus aux habitudes des notaires et préfèrent mettre en concurrence les sociétés de ventes. L’heure est au mieux disant ou au plus séduisant.
Si les successions risquent de se raréfier, qu’en est-il des collections, dispersées volontairement du vivant de l’amateur ? Aujourd’hui, ne vendent que ceux qui ont une raison de vendre. Le prix des œuvres d’art ayant parfois grimpé de manière exponentielle, il n’est pas étonnant qu’un collectionneur soit réticent à l’idée de se dessaisir de ses pièces. Il n’aura sans doute pas la possibilité de les remplacer par d’autres chefs-d’œuvre, du moins à bon prix. Il n’y a peut-être qu’un François Pinault capable de céder sans sourciller au Museum of Modern Art (MoMa) de New York une œuvre irremplaçable de Robert Rauschenberg ! L’inflation des prix de l’immobilier peut aussi échauder les velléités d’investir dans la pierre l’argent gagné dans la vente des biens meubles. Dans l’allitération death, debt, divorce, qui faisait habituellement le beurre des maisons de ventes, seuls les deux derniers arguments risquent d’être encore porteurs.
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Successions ouvertes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°218 du 24 juin 2005, avec le titre suivant : Successions ouvertes