ENTRETIEN

Stéphane Corréard, art contemporain, Cornette de Saint Cyr

« Les maisons de ventes peuvent jouer un vrai rôle »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 3 février 2011 - 713 mots

En décembre 2010, vous avez pris la direction du département d’art contemporain chez Cornette de Saint Cyr. Avez-vous renoncé à vos autres activités ?
Non, pas du tout. Je suis avant tout un critique d’art « opérationnel », sur le terrain. Les ventes aux enchères sont un moyen important pour progresser dans mon but : donner aux artistes plus de visibilité, de reconnaissance, et de moyens pour vivre et travailler. Je continue à écrire, à m’occuper du Salon de Montrouge et je suis également rapporteur pour la Villa Médicis.

Comment se présente l’édition 2011 du Salon de Montrouge
 ?
Nous avons reçu plus de 2 000 candidatures d’artistes, un nombre qui a plus que doublé en trois ans. Les galeries se sont bien approprié le Salon, qui équivaut en somme à visiter 80 ateliers d’artistes d’un coup. Les collectionneurs ont aussi un rôle moteur : après avoir acheté directement aux artistes, ils en font la promotion auprès des galeristes qu’ils fréquentent. C’est une grande satisfaction lorsque nous avons le sentiment d’avoir contribué à l’émergence de certains artistes. Ivan Argote, Stéphane Vigny ou Théo Mercier, qui ont participé aux dernières éditions, ont été accompagnés par des critiques de premier plan et exposent dorénavant chez Emmanuel Perrotin, Claudine Papillon et Gabrielle Maubrie. L’an dernier, une enquête a montré que 72 % des artistes avaient été contactés par une ou plusieurs galeries pendant la durée du salon, tandis que 78 % avaient été approchés par des collectionneurs. 

Comment a démarré votre collaboration avec la maison de ventes Cornette de Saint Cyr ?
Il y a quelques années, Pierre et Arnaud Cornette de Saint Cyr m’avaient demandé d’organiser avec eux un événement consacré à l’art en France depuis 1990. Le 21 octobre 2007 à Drouot-Montaigne, a ainsi eu lieu une première vente aux enchères, « AF21.1 », rassemblant une centaine d’artistes. Le catalogue était doublé d’un livre gratuit réunissant vingt-cinq auteurs, sous la direction de Gaël Charbau, distribué à 5 000 exemplaires. Les résultats ont été variables (59 % de lots vendus), mais globalement positifs, et bénéficiaires, avec un chiffre d’affaires de 637 500 euros, marqué par plusieurs records, pour des œuvres d’[Adam] Adach, [Ghada] Amer ou [Philippe] Mayaux.

Quelle direction allez-vous donner au département art contemporain ?
J’organise avec Arnaud Cornette de Saint Cyr des ventes spécialisées et de prestige. Mais nous souhaitons aller plus loin, avec des événements thématiques à forte visibilité. Le 6 avril à Drouot-Montaigne, nous présenterons « AF20.1 », une véritable relecture de l’art français des années 1960-1980, d’un point de vue à la fois actuel et international. De quelle histoire de l’art en France pouvons-nous être fiers ? Pour le définir, j’ai demandé à des dizaines d’acteurs respectés de notre milieu (conservateurs, marchands, critiques et artistes) quels étaient à leurs yeux les artistes de cette époque susceptibles d’avoir une influence grandissante sur la scène contemporaine. Une cinquantaine de noms se sont imposés. Aux côtés des plus évidents comme [Erik] Dietman, [Gérard] Gasiorowski ou [François] Morellet, d’autres tels [Paul-Armand] Gette, [Roland] Topor ou [Gérard] Zlotykamien méritent d’évidence mieux que le sort que leur réserve l’historiographie actuelle. Le livre gratuit qui accompagnera cette vente devrait être l’occasion de remettre certains regards à l’heure…

Quelle vision avez-vous du monde des ventes publiques ?
En offrant une visibilité mondiale et des valeurs de référence au marché de l’art, les maisons de ventes peuvent jouer un vrai rôle, complémentaire à celui des galeries et des institutions pour soutenir la création contemporaine. Puisque le marché se trouve aujourd’hui dans une position dominante, j’ai pensé que c’était l’endroit où aller faire du prosélytisme, et attirer le regard des collectionneurs sur les artistes les plus considérables. La maison Cornette de Saint Cyr a une vraie légitimité dans ce domaine, puisque son fondateur, Pierre Cornette de Saint Cyr, est un formidable défenseur des créateurs, notamment français, et qu’il préside le Palais de Tokyo.

Qu’avez-vous pensé de la vente d’art contemporain organisée à New York par Philippe Ségalot chez Phillips de Pury & Company ? 
On peut regretter que ce regard de curator n’ait pas été plus engagé : Philippe Ségalot a aligné les poids lourds actuels du marché. J’ambitionne plutôt une position d’« art advisor » [conseiller en art] au service de tous, en dirigeant les projecteurs sur des artistes encore sous-évalués.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°340 du 4 février 2011, avec le titre suivant : Stéphane Corréard, art contemporain, Cornette de Saint Cyr

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