Christie’s dispersera le 20 mai à Londres un exceptionnel ensemble de daguerréotypes de Joseph-Philibert Girault de Prangey. Les quatre-vingt-six plaques, directement issues des archives de ce pionnier de la photographie, retracent le voyage qu’il effectua autour de la Méditerranée entre 1842 et 1844. Objets uniques, ces daguerréotypes sont sans doute les plus anciennes images photographiques de l’Orient encore conservées.
LONDRES - C’est sous le marteau de Christie’s que seront cédés le 20 mai à Londres d’importants clichés primitifs réalisés par un photographe-voyageur français. Joseph-Philibert Girault de Prangey (1804-1892) est l’un des pionniers de la photographie. Cet amateur d’art, féru de voyages et historien de l’architecture islamique, est membre fondateur de la Société historique et archéologique de Langres, sa ville natale. Moins de deux ans après l’annonce de l’invention de Daguerre, Girault de Prangey expérimente cette méthode qui permet de réaliser des images extrêmement fidèles aux sujets. Entre 1842 et 1844, il s’embarque pour un long voyage autour de la Méditerranée, équipé de l’imposant matériel de daguerréotypie qui lui permet de fixer sur des plaques monuments, paysages et autres curiosités régionales. Les daguerréotypes qu’il en rapporte sont probablement les premières images photographiques de ces régions du monde. Elles lui servent de base documentaire pour réaliser les lithographies qui illustrent l’ouvrage publié à Paris en 1846, Monuments arabes d’Égypte, de Syrie et d’Asie Mineure dessinés et mesurés de 1842 à 1845.
Girault de Prangey meurt sans descendance en 1892. Pendant plusieurs années, sa propriété reste à l’abandon avant d’être rachetée par son ami le comte de Simony. Le nouveau propriétaire retrouve alors la collection de daguerréotypes, qu’il évalue à 856 plaques. L’ensemble comprend les vues du voyage en Orient mais également des images de Suisse et de France. En 1950, le comte de Simony offre à Henri Naef, le conservateur du Musée gruérien (Bulle, Suisse), soixante et une vues de Suisse. Il donne à la même période une vingtaine de plaques à la Bibliothèque nationale et vend dix daguerréotypes au collectionneur Helmut Gernsheim, pièces qui appartiennent aujourd’hui à l’université du Texas à Austin. En 2000, la Bibliothèque nationale de France a acquis auprès des descendants de Charles de Simony, et par l’intermédiaire de Christie’s, plus de cent cinquante plaques.
En dépit de l’intérêt historique que la France porte aux daguerréotypes, Christie’s a choisi de disperser cette collection à Londres. Les résultats de l’auctionner en novembre 2002 à Paris ayant été modestes, il semble que le marché de la photographie ancienne de prestige demeure jusqu’à ce jour en Grande-Bretagne.
Parmi les quatre-vingt-six daguerréotypes qui seront vendus à Londres le 20 mai, figurent des vues de France ainsi que des différents pays visités par Girault de Prangey durant son voyage en Orient. Les plaques utilisées par le photographe sont de taille particulièrement grande, sans doute en raison de la précocité des prises de vues qui ont pu devancer la standardisation des formats. Partant de ces grandes plaques, Girault de Prangey découpe et adapte les proportions aux sujets choisis. Il innove principalement en élaborant le format panoramique, qu’il utilise aussi bien à l’horizontale qu’à la verticale. De l’étape italienne du photographe en 1842, six plaques sont proposées, au nombre desquelles une vue panoramique verticale de la colonne Trajane et une vue panoramique du temple de Vesta, chacune estimée entre 73 000 et 120 000 euros. Après avoir quitté Rome, il séjourne cinq à six semaines à Athènes avant de gagner l’Égypte. Sept vues de Grèce seront proposées dont une pleine plaque de la façade et de la colonnade nord du Parthénon, estimée de 88 000 à 130 000 euros. Une pleine plaque du temple de Zeus, Olympieion, et une pleine plaque du temple d’Athéna Polias sont chacune attendues à partir de 140 000 euros. De son premier séjour en Égypte, le photographe rapporte une vue pleine plaque de la mosquée Nabédémiane d’Alexandrie, estimée 73 000 à 120 000 euros, mais aussi une vue panoramique de Fouah attendue dans des prix légèrement inférieurs, ainsi que de nombreuses plaques figurant des détails architecturaux de la mosquée d’Ibn Tulun. Le périple de l’artiste passe ensuite par la Turquie, la Syrie et le Liban avant de s’achever en Égypte. Girault de Prangey visite cette fois les hautes terres et remonte le cours du Nil. Il réalise plusieurs vues à Karnac dont une du pylône et de la porte sud du temple, estimée aux environs de 150 000 euros. Enfin, ultime étape de ce voyage, la Palestine est le sujet de sept pièces de la vente dont une impressionnante vue sur pleine plaque de la grande mosquée de Jérusalem qui sera proposée entre 110 000 et 140 000 euros.
Christie’s, mardi 20 mai à 18 h 30, 8 King Street, St James, Londres, www.christies.com. Tél., à Paris, 01 40 76 85 85
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Souvenirs de voyages
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°171 du 16 mai 2003, avec le titre suivant : Souvenirs de voyages