Organisée du 20 au 24 avril, la foire d’art contemporain de Bruxelles est restée sage.
BRUXELLES - La dernière édition d’Art Brussels a laissé le même arrière-goût d’insatisfaction qu’en octobre la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), à Paris. Bien que le salon ne soit pas critiquable dans son ensemble, l’achalandage a manqué d’audace et de découvertes. À son échelle, Art Brussels révèle d’ailleurs quelques idiosyncrasies de l’art actuel, notamment la tendance à l’appropriation et ses dérives, l’amnésie. Entendons-nous. Il est des appropriations fines, comme celle de Meredith Sparks présentée par Frank Elbaz (Paris). Cette fille spirituelle d’Andy Warhol et membre de la communauté d’artistes gravitant autour de Kelley Walker fétichise les photos de pop stars des années 1970 via des matières réfléchissantes. Plusieurs amateurs français ont d’ailleurs succombé devant les œuvres présentées entre 2 000 et 4 000 euros. L’appropriation devient gag avec une sculpture de l’artiste anglais Steven Claydon reprenant un personnage de la bande dessinée britannique, Doonesbury. L’artiste l’a en effet traitée sur le modèle de la tête futuriste de Mussolini réalisée par Renato Bertelli en 1933. Le galeriste Darren Flook (The Hotel, Londres) regrettait néanmoins que peu de visiteurs aient saisi le parallèle ! Inversement, plusieurs amateurs ont confondu les pigeons de Jean-Luc Vilmouth, exposés en 1982 pour la Biennale de Venise, avec les volatiles empaillés réalisés une décennie plus tard par Maurizio Cattelan. La forme, familière, avait attiré les fashionistas. Mais leur intérêt s’est toutefois émoussé lorsque la galeriste Aline Vidal (Paris) a rectifié leur méprise !
Concurrence d’Art Cologne
D’autres citations relèvent en revanche du « sous-sous- »produit. La galerie Contrasts (Shanghaï) a détenu la palme en la matière avec de pâles ersatz des meubles de Ron Arad… Dans le panorama assez convenu, certaines œuvres sont pourtant sorties du lot. C’est le cas d’All together now, une vidéo de Hans op de Beek présentée par la galerie Krinzinger (Vienne). Clin d’œil au ralenti à l’univers du film Festen, la caméra filme les commensaux de trois repas de mariage, funérailles et anniversaire.
La nouvelle section « Design » de la foire s’est révélée plutôt harmonieuse, entre le parti pris en
noir et blanc de Philippe Denys (Bruxelles), l’ensemble de céramiques contemporaines chez Pierre Marie Giraud (Bruxelles) ou le dépouillement inédit de Kreo (Paris).
Art Brussels a aussi confirmé les tics des acheteurs actuels, notamment leur besoin d’une ratification par la vente publique. Nathalie Obadia (Paris) et Guy Bärtschi (Genève) ont ainsi cédé illico deux peaux tatouées de Wim Delvoye, chacune pour 40 000 euros. Pourtant, en mars sur l’Armory Show, à New York, Guy Bärtschi avait fait chou blanc avec une peau qu’il proposait alors pour 38 000 euros. La donne a évolué depuis qu’un spécimen a été adjugé pour 31 200 livres sterling (45 061 euros) chez Christie’s à Londres le 6 avril ! Le commerce a d’ailleurs généralement été actif sur la foire, en dépit d’une ambiance un brin « pépère ». Malgré l’absence de collectionneurs internationaux, hormis un Américain qui a miraculeusement raflé plusieurs pièces de Jouve et Perriand chez Jousse Entreprise (Paris), Art Brussels a profité de l’entrain des acheteurs belges, français et néerlandais. Alain Gutharc (Paris) a rapidement cédé sa sculpture de Daniel Firman à un amateur hollandais, tandis qu’un collectionneur de Malines (Belgique) a emporté une peinture de Damien Cabanes chez Éric Dupont (Paris). De même, Georges-Philippe et Nathalie Vallois (Paris) ont vendu un Villeglé de 1965 et un quadriptyque de Gilles Barbier, pendant que Claudine Papillon (Paris) séduisait avec ses dessins de Frédérique Loutz. Portée comme toutes les manifestations, même moyennes, par un marché haussier, Art Brussels devra toutefois se bonifier. Car elle risque d’affronter l’an prochain la concurrence d’Art Cologne, laquelle pourrait basculer ses dates au printemps.
Allers-retours Paris-Bruxelles vingt-cinq fois par jour, www.thalys.com, tél. 08 92 35 35 36
Une exposition « commerciale » peut-elle échapper au format étriqué des stands ? C’est la question à laquelle Gb Agency, Grégoire Maisonneuve, Jocelyn Wolff (tous trois de Paris) et La Blanchisserie (Boulogne-Billancourt, Hauts-de-Seine) ont tenté de répondre en occupant l’espace de la maison de ventes Art Home, à Bruxelles, pendant Art Brussels. Prises individuellement, les propositions des galeries ont affiché une vraie cohérence. Un fil sensible a même relié le travail sur la mémoire de Pia Rönicke, présenté par Gb Agency, et Concorde de la mort de Laurent Chambert, incrustation d’une image filmée en temps réel dans la une du quotidien Libération traitant de la catastrophe. La vidéo d’Ulrich Poster proposée par Jocelyn Wolff, sur fond de reconstruction des identités dans une Allemagne réunifiée, a complété à sa façon cette chaîne très ténue. La complicité entre les galeristes n’a toutefois pas masqué l’absence plus générale d’articulation et la nécessité d’un vrai commissariat.
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Sous le signe de la tempérance
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°236 du 28 avril 2006, avec le titre suivant : Sous le signe de la tempérance