Monaco

Sotheby’s et Christie’s mettent les bouchées doubles

Des dessins exceptionnels de la collection Normand, du mobilier français du XVIIIe siècle, des tableaux anciens

Le Journal des Arts

Le 1 juin 1994 - 867 mots

Pour leurs ventes de juin à Monte-Carlo, les deux grandes maisons britanniques misent sur des pièces de grande qualité, qui seront exposées à Paris et également, en ce qui concerne Christie’s, à Lyon.

MONTE-CARLO - Comme d’habitude, les maisons de ventes aux enchères guettent le client fortuné à Monaco au mois de juin. Christie’s exposera une sélection des meilleures pièces de ses vacations monégasques dans ses locaux parisiens entre le 1er et le 4 juin, ainsi qu’au Cercle de l’Union, à Lyon, le 14 et le 15. Le soir du 19 juin, à l’hôtel Métropole Palace, la maison britannique mettra en vente une centaine de tableaux de maîtres anciens et du XIXe siècle. À signaler, une nature morte de Chardin des années 1750 – une composition savante où se côtoient une marmite, une cruche et un gigot – estimée entre deux et trois millions de francs. Les tableaux de l’école française comprennent une paire de portraits du XVIIIe siècle en pendant – qualifiée de "spectaculaire" par Christie’s –, de Charles-Antoine Coypel.

Monsieur et Madame Dupillé et leur fille, habillés en costume de bal (pour les dames) et en robe de chambre (pour Monsieur), accoudés à des fenêtres, possèdent tout le charme précieux dont la portraiture française de l’époque était capable. Christie’s les estime entre 2,5 et 3,5 millions de francs. Présenté comme "une importante redécouverte" par Christie’s, un triptyque sur bois daté de 1371 sur lequel figure Saint Grégoire, entouré de Sainte Catherine et Saint Jérôme, sera proposé avec une estimation entre 1 et 1,5 million de francs. La maison britannique considère que l’œuvre peut être attribuée à Francesco di Michele, dit le Maître de Saint Martin de Mensola.

Le lendemain, Christie’s proposera le plus grand ensemble de dessins anciens qu’il ait jamais mis en vente sur le Rocher. Une soixantaine, des italiens, des flamands et des français du XVIe au XIXe siècle, proviennent de la collection d’un amateur français, Alfred Normand, mort à Paris l’année dernière, qui avait constitué un véritable "cabinet de dessins". D’une très grande qualité, la collection comprend des œuvres exceptionnelles : parmi les dessins flamands, des esquisses d’Abraham Bloemart et Jan Brughel, ainsi que La parabole du vigneron, d’après Andrea del Sarto de Rubens, estimée entre 600 000 et 700 000 francs. Particulièrement frappant dans les dessins de la Renaissance italienne, un nu du sculpteur florentin du XVIe siècle, Baccio Bandinelli, estimé entre 150 000 et 200 000 francs, une étude de draperie pour l’habit du Saint Dominique de la Vierge du Rosaire de Bernadini Gatti, peinte en 1531, estimée entre 200 000 et 300 000 francs, ainsi qu’une étude du Guerchin pour Hercule tuant l’Hydre, une fresque peinte en 1618 sur la façade du Palais Tanari à Bologne et aujourd’hui perdue.

Les goûts de M. Normand s’étendaient aux XVIIIe et XIXe siècles, avec des œuvres telles qu’une étude d’oiseaux, à l’huile, d’Alexandre-François Desportes, peintre de chasse favori de Louis XIV (estimation 300 000 – 500 000 francs), de très belles études de Jean-François Millet, et un dessin de Victor Hugo (estimé entre 80 000 et 120 000 francs). Le 20 également, Christie’s mettra aux enchères une cinquantaine de lots de porcelaine française et de céramique italienne. Le lendemain, la maison britannique dispersera une partie des meubles et objets d’art de la villa "Les Embruns", demeure de l’héritière américaine Margaret Biddle.

Sotheby’s, quant à lui, vendra dans la Principauté du mobilier français, des tableaux anciens ainsi que du XIXe siècle, de l’argenterie européenne et des objets d’art décoratifs du XXe siècle. Certains lots seront exposés à Paris, à la Maison de la Chimie, le 8 et le 9 juin.

Parmi les lots les plus spectaculaires dans la vente Sotheby’s de mobilier français, le 18 juin à Monaco, une console (vers 1782), en laque du Japon attribuée à Martin Carlin, (estimée autour de 3 millions de francs) et une commode Louis XV (vers 1735), attribuée à Gaudreaus – toutes les deux en provenance du château de Belœil du Prince de Ligne, en Belgique. Figureront également dans la vente un bureau Louis XVI fait par Boudin (estimé entre 1,8 et 2,5 millions de francs) et livré en 1771 au comte de Provence au château de Compiègne, ainsi qu’une paire d’encoignures en laque du Japon, attribuées à B.V.R.B., et estimées entre 4 et 5 millions de francs.

Le lendemain, Sotheby’s tiendra sa vente de tableaux anciens et du XIXe siècle, comprenant principalement des œuvres françaises, italiennes et hollandaises. Un portrait de Thierry Bignon par Philippe de Champaigne, récemment redécouvert, selon le catalogue, et estimé entre 80 000 et 120 000 francs. Seront également présentés un tableau du peintre hollandais Roelandt Savery de 1637, représentant le Paradis terrestre, estimé entre 400 000 et 600 000 francs, Saint Joseph et l’Enfant Jésus de Daniele Crespi (300 000 – 400 000 francs) et un paysage d’Hubert Robert (150 000 – 200 000 francs). La vente Sotheby’s d’argenterie, prévue le 19 juin, comprendra environ cent vingt lots du XVIIIe et début XIXe, et la vacation d’arts décoratifs du lendemain, du mobilier Art Nouveau et Art Déco, dont un bureau et fauteuil "aux Nénuphars" et une paire d’appliques de Majorelle, ainsi que du mobilier de salle à manger d’Eugène Gaillard.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°4 du 1 juin 1994, avec le titre suivant : Sotheby’s et Christie’s mettent les bouchées doubles

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