Sensuelles et pieuses

Les femmes vues par les peintres italiens

Le Journal des Arts

Le 6 novembre 1998 - 585 mots

Du Maître de Sant’Ivo à Sebastiano Ricci, la galerie Virginie Pitchal décline en quinze tableaux l’image de la femme dans la peinture italienne, sous le double signe de la piété et de la sensualité. Point d’orgue de cette exposition, une Madeleine inédite de Guido Reni sera présentée.

PARIS - Si la peinture italienne triomphe dans les musées et les expositions, le marché a tendance à la délaisser, observe Virginie Pitchal. Aussi a-t-elle voulu offrir les cimaises de sa galerie à une quinzaine de toiles peintes dans la Péninsule entre la fin du XIVe et le XVIIIe siècle, ayant pour thème la représentation de la femme. Dans la peinture italienne, saintes et madones ont longtemps tenu le haut du pavé, et le chef-d’œuvre incontestable est certainement la Marie-Madeleine repentante de Guido Reni, une huile sur cuivre d’une taille relativement importante pour ce support (67,7 x 53,5 cm). Cette figure de sainte inédite pourrait avoir figuré dans la collection Pamphili, où elle avait été gravée deux fois. Chairs porcelainées, dessin raphaélesque, foi teintée d’émotion, selon les préceptes de la Contre-Réforme, le meilleur du Guide s’exprime dans cette Madeleine. Implorant d’un même regard la venue de Persée pour la délivrer des griffes du dragon, l’Andromède de son maître Denys Calvaert, Flamand installé à Bologne, lui fait écho. La thématique de ce grand tableau pouvait être comprise métaphoriquement comme le pendant profane du repentir de Marie-Madeleine aspirant à se délivrer des passions terrestres.

La galeriste estime que la peinture italienne est souvent vendue au-dessous de sa valeur. Ainsi, pour 300 000 francs, prix d’une remarquable Madone à l’Enfant de Ludovico Cigoli, il serait bien difficile d’acquérir une œuvre flamande ou hollandaise de cette qualité. Néanmoins, Vénus avec deux putti, de Sebastiano Ricci, est proposée à 2,4 millions. Ce dernier représente, avec Giambattista Piazzetta et Micheli Parrasio, l’école vénitienne, certainement celle qui a offert, de Giorgione à Tiepolo, l’image la plus sensuelle et la plus aimable de la femme. Parrasio, peintre aujourd’hui pour le moins méconnu, se révèle, au vu de sa Jeune femme jouant du luth – à moins qu’il ne s’agisse d’une allégorie de la Musique –, un imitateur plutôt doué de Véronèse. Loin de l’élégance glacée de cette courtisane, la Vénus de Ricci offre une image plus voluptueuse, en reprenant le schéma de la Vénus allongée inventé jadis par Giorgione. Mais, à l’unité tonale de son lointain prédécesseur, il préfère un savoureux contraste entre un paysage orageux et un corps lumineux, souligné par d’épaisses draperies.
 
Le massacre des Innocents, de Luca Giordano, et Judith et Holopherne, attribué à Cristofano Allori, apportent une salutaire touche de cruauté dans cet ensemble sensuel et pieux. Le premier, en raison de sa taille, ne pourra être présenté dans la galerie et sera visible uniquement sur rendez-vous ; le second en revanche, après restauration, devrait illuminer les cimaises de sa chatoyante palette. Ce tableau avait connu un grand succès en son temps et, pour répondre à la demande, l’artiste et son atelier avaient dû exécuter de nombreuses répliques de l’original, conservé au Palais Pitti à Florence. Que le peintre florentin ait donné ses traits à la tête tranchée du général syrien et ceux de sa maîtresse à l’intrépide Judith n’a sans doute pas été étranger à cet engouement.

SACRA E PROFANA

Les aspects de la femme à travers la peinture italienne du XVe au XVIIIe siècle, 20 novembre-17 décembre, exposition-vente, Galerie Virginie Pitchal, 40 rue Jacob, 75006 Paris, tél. 01 42 61 16 33, du mardi au samedi 10h-19h30, lundi 14h-19h30. Catalogue.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°70 du 6 novembre 1998, avec le titre suivant : Sensuelles et pieuses

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