Le galeriste Xavier Eeckhout présente une vingtaine d’œuvres animalières exclusivement sculptées par des femmes.
Paris. Mieux vaut tard que jamais. Si le thème paraît moins en vogue, cette exposition sur des artistes sculptrices femmes est toujours d’actualité. Et visiblement, elle séduit car, dès les premiers jours d’ouverture, sept œuvres avaient déjà trouvé preneur. « Il m’a fallu quatre ans pour rassembler ces pièces. Je me suis demandé pourquoi les femmes qui faisaient partie du Groupe des XII ou qui fréquentaient le jardin des Plantes, alors qu’elles exposaient au même endroit, n’étaient pas connues. Les prix sont bas, essayons d’en trouver. C’est comme ça qu’est née l’idée », se souvient Xavier Eeckhout, spécialisé en sculpture animalière de la première moitié du XXe siècle.
Dans une mise en scène qui mérite le détour – même si le rose est un peu cliché –, vingt-deux sculptures animalières de quinze sculptrices (françaises, belges, américaines ou allemandes), sont mises à l’honneur, tous supports confondus, pour des prix entre 3 000 et 70 000 euros.
Au début du XXe siècle, seulement une trentaine de sculptrices représentant principalement la figure animale – qui exposent régulièrement dans les Salons ou en galerie – sont répertoriées ; la plupart fréquentent l’École d’art animalier d’Édouard Navellier. « C’est triste à dire mais aucune n’est considérée comme une sculptrice de valeur sur le second marché ». Hormis Camille Claudel et Anna Quinquaud qui ne pratiquent que la figure humaine, les sculptrices animalières les plus connues sont certainement Josette Hébert-Coëffin (l’admirable Couple de chouettes, en grès de Sèvres est d’ores et déjà vendu) et Jane Poupelet, reconnue de son vivant, mais tombée dans l’oubli : « Même si j’ai réussi à avoir tous les noms que je souhaitais, j’aurais aimé avoir davantage d’œuvres d’elle mais elle est rare sur le marché. » L’exposition n’en compte qu’une, Ânon (1907), en bronze (vendue).
Comme leurs homologues peintres, les sculptrices sont sous-cotées, de l’ordre de 50 % de moins que les hommes, leurs prix records tournant autour de 40 000 euros. « Entre 5 000 et 10 000 euros, on peut acquérir une œuvre de qualité alors que pour une sculpture de Roger Godchaux, c’est au minimum 25 000 euros. Mais cela ne peut que prendre de la valeur. »
Pourquoi si peu de reconnaissance ? « Parce qu’elles ont été peu exposées », explique le marchand, mais aussi parce que leur production est réduite. Il ne faut pas oublier que c’est seulement en 1900 que l’École des beaux-arts a ouvert un atelier de sculpture réservé aux femmes. Certaines pratiquaient même leur art en cachette. Par exemple, Antoinette Champetier de Ribes, élève d’Aristide Maillol et de Paul Landowski, arrière-petite-nièce du fondateur de la maison Christofle, signait ses œuvres par l’anacyclique de Ribes, soit « Sebir ». Sa Chatte et ses Chatons (1932), en granit noir (exemplaire unique) a d’ailleurs fait sensation (60 000 €). Sans compter que la production coûtait cher – même Sebir, issue d’une riche famille, n’a pas réalisé de bronze mais plutôt de la taille directe ou de la terre cuite.
Le travail des galeristes, mais aussi les achats des musées, tout comme la parution de publications, comme celle qui accompagne l’exposition, sont importantes pour que ces artistes soient enfin réhabilitées et suscitent l’envie d’acheter.
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Sculptrices du règne animal
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°614 du 23 juin 2023, avec le titre suivant : Sculptrices du règne animal