Faisant fi de la sinistrose, les collectionneurs français ont été très actifs sur la FIAC.
PARIS - Suivre les sismogrammes de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) est l’un des sports favoris du monde de l’art contemporain en France. Parler de révolution ou d’enterrement à ce sujet en est un autre. Les commentaires de la presse généraliste ont joué cette année le jeu de l’hyperbole, au point d’en perdre toute crédibilité. De telles observations paraissent bien trop radicales pour un salon dont les changements ne le sont pas. La FIAC a indéniablement remonté la pente depuis deux ans sous l’impulsion de sa directrice artistique, Jennifer Flay, laquelle a rallié de très bonnes galeries européennes. Mais cette progression est sourde et homéopathique.
Same Same but Different. Cette œuvre de Jean-Luc Vilmouth présentée par Aline Vidal (Paris) résume à elle seule l’esprit de la FIAC. Cadrées par une tempérance bien hexagonale, les choses n’évoluent que par un jeu de petits déplacements. Quelques pions ont bougé par-ci par-là, mais l’entrée immédiate du salon reste plombée par un front de galeries pour certaines vieillissantes.
Que retiendrons-nous de cette dernière édition ? Le pari réussi de Pierre Huber (Genève) de vendre en un jour 1 000 monochromes rouges à 100 euros chacun, pied de nez malicieux au marché de l’art. Ou encore, l’allocution historique du Premier ministre en faveur de la création en France (lire p. 3 et 32). Ironiquement, on se souviendra plutôt d’événements. Certes, on aura repéré Le Chapeau rose de Jean Dubuffet (1956) chez Malingue (Paris), une installation de Richard Jackson (80 000 dollars, 66 500 euros) chez Georges-Philippe et Nathalie Vallois (Paris) ou une grande sculpture de Robert Morris (450 000 euros) chez Pietro Sparta (Chagny). Mais le bréviaire s’assèche vite car certains exposants ont davantage misé sur des œuvres commerciales, comme certains étrangers. Nicola von Senger (Zurich) n’a finalement pas apporté le grand Sauna de Gelatin par crainte de ne pouvoir le vendre, préférant s’en tenir à de petites photos d’Olaf Breuning et de Gianni Motti, très aisément négociées.
Galeries prépubères
Le hall 5.1, dédié aux jeunes, a montré ses limites. À l’exception de quelques installations courageuses comme la maison de Chris Sauter chez Valérie Cueto (Paris) ou la mise en scène magique de Børre Sæthre chez Hervé Loevenbruck (Paris), la qualité était très décevante. L’heure était aux accrochages illisibles et au bricolage. Les pièces elles-mêmes s’apparentaient souvent à du « néo-néo » ou, pire, à du « sous-sous ». Mais, somme toute, que peut-on bien attendre d’artistes tout juste âgés d’une vingtaine d’années et de galeries prépubères ? À trop vouloir consommer frais, le marché en oublie les vraies saveurs.
La palme aux PMC
Un constat qui vaut sur beaucoup d’autres foires, notamment la Londonienne Frieze Art Fair, dont seuls les relevés de compteurs faisaient saliver l’an dernier. Et question compteurs, ceux de la FIAC n’ont pas à rougir. Même si la foire peine encore à faire le plein de collectionneurs étrangers. Pris en sandwich entre les fêtes juives de Roshashana et Yom Kippour, beaucoup d’Américains n’ont pas fait le voyage parisien. La galerie Hauser & Wirth (Zurich, Londres) a certes vendu le dernier jour son grand mur de Jason Rhoades (95 000 dollars) à un Américain. Mais celui-ci était simplement de passage à Paris pour affaires, et non listé dans les VIP de la FIAC. Certains exposants, comme Thaddaeus Ropac (Paris, Salzbourg) avaient préparé la foire avec la même rigueur qu’une exposition, en sollicitant en amont les acheteurs intéressés. Bien lui en a pris puisqu’il a vendu en un tour de main les toiles récentes de Georg Baselitz (248 000 euros).
Les bons résultats commerciaux de la FIAC doivent surtout à l’activisme aussi vif qu’inédit des collectionneurs français. Un signe d’autant plus positif que, si l’avenir de Frieze dépend du flux des acheteurs américains, celui de la FIAC est déjà conforté par son vivier local. La palme revient aux petits et moyens collectionneurs, mais les poids lourds y sont aussi allés de leur obole. François Pinault aura rapporté de chez Continua (San Gimignano, Pékin) une installation de Chen Zhen. Celle-ci vient rejoindre l’ensemble déjà important qu’il possède de l’artiste, ainsi qu’un miroir de Michelangelo Pistoletto acquis chez Natalie Seroussi (Paris). Une semaine avant la foire, François Pinault avait aussi acquis une toile de Fabrice Hyber que l’on a retrouvée nantie d’un point rouge sur le stand de la Galerie Jérôme de Noirmont (Paris). L’éternel rival, Bernard Arnault, était présent le jour du vernissage, mais il semblait évoluer plus en touriste qu’en acheteur. D’après nos informations, il aurait toutefois jeté son dévolu sur une œuvre décorative d’Anselm Reyle (environ 18 000 euros) chez Almine Rech (Paris). Damant le pion à Jane Fonda posant dans la « Maison utérus » de l’Atelier Van Lieshout, la véritable star de la FIAC cette année, c’était le collectionneur français !
- Dates : du 6 au 10 octobre - Nombre de visiteurs : plus de 83 000 - Prochaine édition : du 26 au 30 octobre 2006
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« Same same, but different »
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Abonnez-vous dès 1 €Menottée par son grand nombre d’exposants, la FIAC n’intégrera pas l’an prochain le Grand Palais, où seules une soixantaine de galeries pourraient siéger. « D’un point de vue technique, il ne serait pas raisonnable d’y organiser une foire, et il n’est pas possible, ni souhaitable d’y délocaliser une partie de la foire. Revenir au Grand Palais avec l’idée de stands est ringard, nostalgique, une recherche de “la bonne vieille FIAC”? », observe Martin Bethenod, commissaire général du salon. Le Grand Palais reste néanmoins une carte maîtresse dans le jeu de la FIAC qui y organisera une exposition mêlant sculptures, performances et films.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°223 du 21 octobre 2005, avec le titre suivant : « Same same, but different »