Saines provenances

PARIS. Alors que l’ensemble du marché de l’art connaît un fléchissement des prix et une baisse significative du nombre des lots vendus, l’art tribal a connu son heure de gloire le 14  novembre à  New  York chez Sotheby’s  : la prestigieuse collection Rosenthal a totalisé 10,85  millions de dollars (8,5  millions d’euros), au-delà de son estimation haute. 86,7  % des lots ont trouvé preneurs. Six records mondiaux ont été enregistrés, à commencer par une paire de statue-pilon Senufo de Côte d’ivoire, adjugée 4 millions de dollars (3,1  millions d’euros). C’est au tour de la place parisienne, considérée comme l’épicentre du marché international des arts premiers, d’affriander les amateurs les 4 et 5  décembre.

Afrique et Océanie
Sotheby’s, leader en titre de la spécialité par la qualité et la régularité de ses vacations, offre une nouvelle saison riche d’objets venant de plusieurs collections, pour un montant minimum de 4  millions d’euros. L’art africain est notamment représenté par une majestueuse tête d’ancêtre Nlo-byeri, datant au moins du XIXe  siècle. Estimé 400  000 à 500  000  euros, ce chef-d’œuvre de l’art sculptural Fang (Gabon) a un pedigree remontant aux années 1930, auréolé des provenances Charles Ratton, Louis Carré et Olga Carré. La sélection africaine comprend également une grande statue Hemba (République Démocratique du Congo (RDC)), datée du milieu du XIXe siècle, estimée 250  000  euros  ; une importante statue fétiche Songye de la RDC, du style des Kalebwe Ya Ngongo, provenant de la collection Gaston de Havenon, estimée 200  000  euros. Un masque Guro de Côte d’Ivoire, de l’ancienne collection Paul Guillaume est estimé de 80  000 à 120  000  euros. «  Il présente toutes les caractéristiques des canons de la beauté en pays Guro : étroit visage, haut front bombé et coiffure complexe  », souligne l’expert, Marguerite de Sabran. La partie océanienne inclut un masque de l’île de Pentecôte (Vanuatu) dont l’analyse au carbone  14 montre une ancienneté remontant au XVe  siècle, estimé 120  000  euros, et une rare collection d’objets des îles Hawaï dont un petit bol Ipu’Aina, estimé 75  000  euros. Sculpté dans un bois très dense, serti de cinq dents humaines, ce bol a appartenu à Mary Kainoakupuna Kekupunahine Kalaho’Ohina (1856-1931), dernière représentante d’une puissante et noble lignée de prêtresses Kahuna.
Deux collections viendront renforcer l’intérêt pour les arts premiers à Paris. Chez Christie’s, la collection londonienne de pièces africaines Alan Mann compte une statue Luba (Congo) acquise chez le marchand Lance Entwistle en 1983 et une statue Songye, provenant des collections Willy Mestach puis du Kimbell Art Museum de Fort Worth (Texas, États-Unis). Les deux pièces sont estimées 300  000 à 500  000  euros. Notons aussi une statue N’duleri Dogon, exposée au Musée Dapper à Paris en 1994 et estimée 150  000  euros. Un récent test au carbone  14 fait remonter son ancienneté au XVIIe-XVIIIe  siècle.
Chez Piasa, la collection Durand-Barrère d’art africain, constituée sur place dans les années  1950, est portée sur le marché pour la première fois. La pièce phare est une grande et rare statue féminine Deble Senufo, finement sculptée, issue de la région ivoirienne de Korhogo et estimée 300  000 euros. Présentée au Museum of Primitive Art de New York en 1964 à l’occasion de l’exposition «  Senufo sculpture from West Africa  », elle était à l’origine un pilon de danse pour les rituels de la société initiatique du Poro.