Dispersion de la célèbre collection de numismatique de Léon François.
PARIS - Le monde de la numismatique est en effervescence. La collection de monnaies de Léon François (1904-1992) sera dispersée le 1er mars à Drouot. Un pedigree qui sonne comme un trésor de guerre pour tout amateur de pièces françaises du Moyen Âge. Léon François était un homme très érudit, membre de la Société française de numismatique. « Client de mon père, il possédait une collection connue, constituée pour l’essentiel dans les années 1955-1975, quand on trouvait beaucoup de pièces qui font rêver. Principalement axée sur la période gothique, c’est sans doute la plus belle de la numismatique française », rapporte l’expert Sabine Bourgey. Bonne nouvelle pour les acheteurs : s’agissant d’une vente de succession, les estimations sont raisonnables et les frais – parce que réglementés dans le cadre d’une vente judiciaire – réduits à 10,764 % en sus du prix d’adjudication au lieu des 20,332 % habituels. La bataille promet d’être d’autant plus rude que les pièces sont magnifiques.
« Les plus belles pièces de la vente sont celles frappées entre Philippe IV le Bel et Philippe VI de Valois, soit les monnaies des “Rois maudits” », précise Sabine Bourgey. Philippe le Bel, dont le règne a été marqué par la suppression de l’ordre des Templiers, auquel il a dérobé le trésor, était surnommé le « faux-monnayeur ». De son époque, la vente recense un très beau Masse d’or de la 1re émission, estimé 6 000 euros. Le roi assis, couronné, y tient le sceptre et un lys. Sur un très bel exemplaire à la Chaise d’or, estimé 6 500 euros, le souverain est assis sur un trône gothique. Datant du règne de Philippe VI, un Parisis d’or « presque superbe », selon les termes des numismates, est estimé 7 500 euros. Il représente le roi couronné assis dans une stalle gothique avec baldaquin tenant le sceptre et la main de la justice, les pieds posés sur deux lions couchés. Sous le même règne, une spectaculaire Couronne d’or (reproduite en couverture du catalogue), illustrant l’attribut royal entouré de six lys, dans un état presque superbe, incarne « l’un des grands clous de la numismatique française », dixit l’expert « et une campagne de publicité géniale pour la royauté à une époque où les gens sont analphabètes ». Le joyau a été estimé 28 000 euros.
L’Ange d’or (en état presque superbe) et le Florin Georges (très beau et extrêmement rare), estimés respectivement 8 000 et 7 000 euros, ont tous deux été émis pendant deux ans. Ces pièces montrent d’une part l’archange saint Michel tenant une croix à longue hampe posée sur la tête d’un dragon gisant sous ses pieds, d’autre part saint Georges à cheval heaumé et cuirassé, portant un écu à la croix et plongeant une lance dans la gueule du dragon allongé aux pieds du cheval. Des allégories qui représentent la France terrassant l’Angleterre. Elles n’auront pas porté chance au royaume de France après le désastre de Crécy en 1346. La figure de l’ange sur les monnaies sera écartée jusqu’au règne de Louis XI (1461-1483). Sous Jean le Bon (1350-1364), le Mouton d’or, dont un exemplaire est estimé 1 200 euros, célèbre l’agneau pascal. Beaucoup plus rare est le demi-Mouton d’or dont seuls quelques exemplaires au monde sont connus. Celui de la collection François, estimé 9 000 euros, dont l’état révèle un pli et une petite encoche, est néanmoins auréolé d’une double provenance remarquable (la collection Meyer en 1902 et son acquisition par le collectionneur auprès de Nadia Kapamadji). Enfin, la collection ne serait pas complète sans le fameux Franc à cheval, montrant le roi à cheval, galopant l’épée haute. Cette pièce très courante, estimée 600 euros, a été frappée en 1360 pour payer la rançon de Jean le Bon, alors prisonnier des Anglais. Pour se rappeler de l’affranchissement du roi, la monnaie a d’ailleurs tiré le nom de cette pièce : le Franc ! Pour conclure, Sabine Bourgey assure que « l’intérêt pour les monnaies gothiques vient de leur fort pouvoir esthétique qui n’a jamais fléchi, comme leur cote ».
(à la suite du jugement du TGI de Dijon rendu le 14 mars 2005), vente le 1er-2 mars, Drouot-Richelieu, 9, rue Drouot, 75009 Paris, SVV Piasa ; exposition jusqu’au 24 février chez l’expert sur rendez-vous (tél. 01 47 70 35 18) ; à Drouot le 1er mars 11h-12h, www.piasa.com
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Rois maudits
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°231 du 17 février 2006, avec le titre suivant : Rois maudits