Riopelle pêle-mêle

Paris. En novembre 1992, même s’il ne vivait plus avec Joan Mitchell, Jean-Paul Riopelle (1923-2002) est profondément affecté par le décès de celle avec laquelle il a partagé vingt-quatre ans de vie commune, notamment à Saint-Cyr-en-Arthies et Vétheuil (Val d’Oise). Dans son atelier de l’Isle-aux-Grues au Québec, où il est revenu s’installer définitivement deux ans plus tôt, l’artiste se lance dans la création d’une fresque monumentale de 40 m de long, succession de panneaux de 1,55 m de haut sur 3,20 m de large, peinte au pochoir et à la bombe aérosol, aujourd’hui accrochée au Musée national des beaux-arts du Québec. Il réalise même deux panneaux supplémentaires, dont l’un est montré dans l’actuelle exposition que lui consacre la galerie Clavé Fine Art. Il est titré Hommage à Rosa, le surnom qu’il avait donné à Joan Mitchell en clin d’œil à Rosa Luxembourg et à Rosa Bonheur qui devenait « Rosa Malheur » les jours de tempête dans leur relation pour le moins agitée. À défaut d’être un chef-d’œuvre, le tableau étonnant de la part de Jean-Paul Riopelle, n’avait encore jamais été exposé et complète parfaitement l’ensemble de 18 œuvres ici rassemblées – toutes issues de collections privées –, sous le titre « D’un continent l’autre » en référence à l’une des devises du Canada Ad mare usque ad mare (D’un océan à l’autre). Une façon de poursuivre la commémoration du centenaire de la naissance de l’artiste à la suite des manifestations qui lui ont déjà été consacrées cette année, de la Fondation Maeght l’été dernier jusqu’à l’accrochage-hommage actuel (et jusqu’au 1er avril) au Centre Pompidou avec une salle complète dans les collections permanentes.

« À notre petit niveau, nous voulions montrer un ensemble très large des techniques utilisées par Riopelle », indique Antoine Clavé. En témoignent effectivement des petites sculptures en bronze, peu connues, une gouache sur papier, trois huiles sur toile et trois superbes collages marouflés sur toiles et composés à partir de chutes de lithographies que Riopelle réalisait, à la fin des années 1960, à l’imprimerie Arte (créée par la galerie Maeght avec laquelle il a longtemps travaillé) située rue Daguerre, à Paris, à deux pas de Clavé Fine Art. « Adrien Maeght lui avait même aménagé une petite chambre pour qu’il puisse venir séjourner et travailler. Installée dans le 14e arrondissement, à l’endroit même où César avait son atelier. J’aime bien que la galerie rappelle de temps en temps le passé de ce quartier historique, comme nous l’avons fait, justement, avec l’exposition César-Clavé-Richier en février 2023 », poursuit le galeriste.

Entre 14 000 euros pour un petit pastel et fusain sur papier (67,5 cm x 44 cm) et 700 000 euros pour la plus grande huile sur toile (89 cm x 115 cm), le grand écart de prix correspond au large éventail de formats, de techniques, de supports, de propositions plastiques avec, en tête bien sûr, ses peintures emblématiques des années 1950.