Le peintre Denis Castellas présente un bel ensemble de grands formats inspirés de son récent séjour à New York.
PARIS - Il a fait, bien avant l’heure, de l’« art pauvre », tel que le Carré d’art-Musée d’art contemporain de Nîmes en a tenté une définition à l’automne dernier (1). Ses petites boîtes réalisées dans les années 1980, taillées dans du carton et partiellement huilées ; ses rouleaux de laiton, de zinc ou de fer étaient l’« expression d’un faire, patient, répétitif et élémentaire » (2). Denis Castellas expose aujourd’hui à la galerie Bernard Ceysson, à Paris, ses plus récentes peintures. Né en 1951 à Marseille, résidant à Nice, Castellas développe dès le milieu des années 1970, à distance du groupe Supports-Surfaces et de l’école de Nice, une pratique bien plus redevable à l’Arte povera et à Fluxus. Puis, à partir de 1994, il parsèmera traits, dessins et collages d’images photographiques fragmentaires sur des toiles, écrues ou non apprêtées. Avant de s’engager de façon plus décisive dans un travail de peintre. Ses toiles imbriquent alors des figures peintes ou dessinées mais toujours esquissées, à des fonds fluides mêlant gestes, taches, touches, coulures. Des portraits souvent s’y inscrivent, images de Pessoa, Mozart ou Mermoz que viennent chahuter des signes issus d’une culture populaire, de Donald aux héros de science-fiction. Réminiscences, souvenirs ou observations tirées de la vie ordinaire, ces éléments agissent pour le peintre tels des catalyseurs pour la construction d’un récit hypothétique.
Montrer la peinture
À la galerie parisienne est présenté un ensemble de peintures inspirées de son récent séjour à New York – où il compte bien s’installer la moitié de l’année –, à l’occasion d’une exposition à la Parker’s Box Gallery, à Brooklyn. Le motif de la grille, récurrent dans l’abstraction américaine des années 1960 et lié à l’architecture de la « Grande Pomme », est transposé dans ses fonds. Ces trames composées de carrés roses, jaunes ou bleus aux tonalités mondrianesques renouvellent la palette du peintre. Tandis que, sur un halo blanc sommairement ébauché, des figures connues ou anonymes, souvent spectrales, se détachent ou s’agglutinent pour former quelque scène énigmatique. Particularité de cet ensemble, pour nombre de ces toiles, le dessin de la main voire du bras tendu traverse leur surface, représentant avec élégance le geste qui montre la peinture. Alors que deux œuvres revisitent les mythes d’Orion et de Faust, Café Orlin 2012 se rapporte à l’établissement new-yorkais. La toile a été vendue quelques jours à peine après le vernissage, de même que deux autres pièces, une quatrième étant réservée. Bernard Ceysson, qui a organisé une première exposition de l’artiste en 2009 dans son espace luxembourgeois, n’a pas eu de peine à convaincre un collectionneur de Luxembourg et un autre venu d’Allemagne. L’artiste peut aussi compter sur le très fidèle soutien de Bernard Massini, dont une partie de la collection est exposée dans son cabinet médical niçois, situé dans l’hôtel Regina. Tourné vers la peinture, l’amateur avait fait le choix de présenter Castellas dans l’exposition « Collectionneurs en situation » (à l’été 2011 à l’Espace de l’Art concret à Mouans-Sartoux). Mais la galerie entend surtout séduire la nouvelle génération de collectionneurs, qui pourrait comprendre l’intérêt à encourager une peinture française à la fois singulière, reconnue (3) et soutient largement comparaison avec les plus jeunes tels Marc Desgrandchamps ou Djamel Tatah, dont la reconnaissance est autre. D’autant que les prix des œuvres de Denis Castellas, de 3 500 euros pour les tout petits formats à 25 000 euros pour la plus grande toile (300 x 200 cm), restent peu élevés. Présent dans plusieurs collections publiques, ainsi au Musée Picasso d’Antibes ou au Fonds régional d’art contemporain (Frac) Bourgogne, où il a pu bénéficier d’expositions personnelles, mais aussi aux musées de Strasbourg, de Nîmes ou dans cinq autres Frac, l’artiste n’a encore jamais été montré dans une institution parisienne, et a connu de longues périodes sans galerie à Paris. Raisons qui expliquent en partie son accessibilité actuelle. Les jeunes collectionneurs pourraient bien s’imaginer devenir prescripteurs.
(1) Lire le JdA no 358, 2 décembre 2011.
(2) Sylvie Couderc in cat. Denis Castellas, éd. Villa Arson, Nice, 1989.
(3) Castellas est référencé dans l’ouvrage Vitamine P., nouvelles perspectives en peinture, éd. Phaidon Press Ltd, 2004.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Retour à Brooklyn
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Nombre d’œuvres : 10
Prix : de 3 500 € à 25 000 €
Jusqu’au 24 mars, galerie Bernard Ceysson, 23, rue du Renard, 75004 Paris, tél. 01 42 77 08 22, www.BernardCeysson.com, du mardi au samedi 11h-13h, 14h-19h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°364 du 2 mars 2012, avec le titre suivant : Retour à Brooklyn