PARIS
Des conservateurs déplorent la dispersion et les modalités de la vente par Artcurial de cet ensemble de photographies.
C’est un fonds photographique inédit et exceptionnel de Dora Maar que met en vente Artcurial, les 27 et 28 juin prochains, à Paris, à la demande de ses héritiers. Exceptionnel car ces centaines d’épreuves argentiques d’époque tirées par contact et contrecollées chacune sur des pochettes en papier cristal contenant leurs négatifs originaux, appartiennent à une archive méconnue constituée méticuleusement par la photographe.
Exceptionnel également car ce fonds, couvrant la période 1930 jusqu’à l’été 1940, raconte l’univers intime de Dora Maar, ses complicités artistiques et les différents volets de son travail au cours de cette époque. Tous les genres y figurent : autoportraits, portraits (notamment de Picasso), nus, photographies de rue ou de mode, reportages pour des magazines, expérimentations et études de lumière ou de formes.
« Cette redécouverte d’un ensemble aussi conséquent de négatifs et de tirages contacts d’époque représente un apport considérable à la connaissance de l’œuvre photographique de Dora Maar. Certains sujets permettront de combler des lacunes et d’apporter de nouvelles pièces au puzzle dans l’analyse de cette production photographique », souligne Antoine Romand, l’expert chargé de la vente.
Mais, et c’est tout le problème, la dispersion de ce fonds de 356 lots va priver les historiens d’un ensemble précieux. « Présenter un fonds sous cette forme empêche les institutions de l’acquérir dans son ensemble », regrette Sylvie Aubenas, directrice du département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France. « On ne peut rien faire. On ne peut que désapprouver. C’est un cas très préjudiciable pour l’histoire de la photographie et de ses acteurs, et pour la constitution de fonds patrimoniaux et d’études ».
L’autre objet d’inquiétude pour les conservateurs est l’extrême fragilité de ces négatifs au nitrate de cellulose qui nécessitent de bonnes conditions de conservation qui ne seront pas forcément respectées par l’acquéreur.
Cette vente à la découpe comporte par ailleurs une particularité sans précédent qui inquiète tout autant conservateurs que marchands : chaque lot, outre le négatif et son tirage contact d’origine comprend en effet une édition posthume en 5 exemplaires dans un format unique 30 x 40 cm avec l’accord et sous le contrôle des ayants droit. Un premier exemplaire (1/5) accompagne le négatif original vendu avec possibilité par l’acquéreur de réaliser à partir de ce même négatif les exemplaires 4/5 et 5/5 sous le contrôle des ayants droit, ces derniers se réservant les exemplaires 2/5 et 3/5.
« C’est grave pour Dora Maar et le travail accompli sur l’œuvre », s’alarme Sylvie Aubenas. « Car c’est une liberté prise avec son travail et le négatif d’origine pour en tirer un maximum d’argent ». Les ayants droit disposeront de fait, non seulement du fruit de la vente mais aussi de près de 1 500 tirages qu’ils pourront remettre sur le marché. « C’est un mauvais signal envoyé comme si on pouvait faire ce que l’on veut à partir des négatifs et un facteur de confusion sur ce qui distingue ce type de tirage d’un tirage d’auteur ». Même si des garanties sont données, rien ne dit qu’elles seront tenues à long terme.
Artcurial espère que la vente rapportera un million d’euros, à partir d’une mise à prix pour chaque lot, comprise entre 1 000 et 4 000 euros.
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Remous sur la vente d’un fonds inédit de Dora Maar
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