Âgé de soixante-dix-huit ans, installé à Paris depuis 1947, Raymond Mason est un artiste à la fois reconnu et méconnu. Il expose en ce moment dans deux galeries et vient de publier un livre.
PARIS - Le 10 mai s’achevait à Paris, à la Fondation Dina Vierny-Musée Maillol, une rétrospective de l’œuvre du sculpteur et peintre Raymond Mason, dont la presse a très peu parlé en dépit de l’importance évidente de cette œuvre ou à cause de la place tout à fait originale – et donc difficile à “classer” – qu’elle occupe dans l’art de notre temps. On pouvait y revoir ses grandes compositions sculptées et colorées qui renouvellent d’une manière inattendue l’art des imagiers des XVe et XVIe siècles : Le Départ des fruits et légumes du cœur de Paris ; St. Mark’s Place, East village, New York City… et Une tragédie dans le Nord. L’hiver, la pluie, les larmes, ce chef-d’œuvre. L’ensemble était accompagné d’études préparatoires, ainsi que des bas-reliefs également peints de paysages du Lubéron ou de panoramas de grandes villes (Hongkong, New York, Rome…), des dessins, des peintures et des œuvres récentes tel le relief de la Rue du Bac.
À la suite de cette exposition, la galerie Dina Vierny présente un choix de dessins – auquel s’ajoutent quelques bas-reliefs et une petite version d’Une Foule illuminée – qui couvre près de quarante ans de la carrière de Raymond Mason, la page la plus ancienne étant Ma Main, de 1962, et la plus récente une vue de la Plage de Villers-sur-Mer, datée du 12 août 1999.
Ce qui distingue l’art de Raymond Mason, c’est l’intérêt que l’on y trouve pour les gens, la communauté anonyme de tous ceux que l’on croise dans les rues et qu’on ne voit pas, – et ce regard simple et bienveillant, qui ne s’encombre d’aucun “message” ni d’aucun effet violent ou racoleur, qui étonne et détonne singulièrement aujourd’hui. Un tel art pourrait même paraître d’un autre temps, quand il prolonge en fait, avec vigueur, une tradition qu’on ose à peine appeler “humaniste” tant cet adjectif paraît lui-même désuet, presque dépréciatif : la tradition qui va de Daumier ou du Manet de La Serveuse du bar des Folies-Bergère jusqu’au Passage du Commerce-Saint-André de Balthus et au Paris sans fin de Giacometti.
Ces noms ne sont pas cités ici par hasard, on les retrouve dans le recueil d’articles et d’entretiens de Raymond Mason que viennent de publier à Turin, en français, les éditions Fratelli Pozzo sous le titre Art et Artistes. À travers l’évocation de personnalités remarquables qu’il a connues – artistes ou marchands : Balthus et Giacometti donc, mais aussi Henry Moore, Brancusi, Francis Bacon, Dubuffet, Picasso, Henri Cartier-Bresson… Claude Bernard et Pierre Matisse – ou dans de brefs essais consacrés à des maîtres anciens, Raymond Mason confirme cette vocation humaniste qu’il assigne à l’œuvre d’art, n’hésitant pas à écrire : “Notre époque est familière d’un art sensationnel, qui s’adresse aux sens. N’y aurait-il pas place pour un art qui ferait appel à l’âme ? Davantage que la violence et la sexualité, le public cherche le sentiment.” Si l’on voit bien les errements auxquels une telle position peut conduire, elle a la vertu de nous rappeler qu’il n’y a pas de raison de se résigner à ce que le “grand art” soit à jamais coupé du “grand public”.
- RAYMOND MASON. DESSINS, jusqu’au 14 juillet, Galerie Dina Vierny, 36 rue Jacob, 75006 Paris, tél. 01 42 60 23 18. - RAYMOND MASON. LITHOGRAPHIES. DESSINS. BAS-RELIEFS, jusqu’au 30 juillet, Galerie La Passerelle, 5 quai de la République, 89000 Auxerre, tél. 03 86 51 00 19, du mardi au samedi, de 14h à 20h. - Raymond Mason. Art et Artistes, Edizioni d’Arte Fratelli Pozzo, 408 p., 175 F, ISBN 88-86789-22-X
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Raymond Mason, un humaniste aujourd’hui
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°108 du 30 juin 2000, avec le titre suivant : Un humaniste aujourd’hui