Revisitant son propre corpus, Anthony McCall montre à la galerie Martine Aboucaya, à Paris, une capacité constante à réinventer sa pratique.
PARIS - Tout est question de temps dans le travail d’Anthony McCall, et sa nouvelle exposition à la galerie Martine Aboucaya, à Paris, en atteste à nouveau. L’étude de la temporalité a chez lui de passionnant qu’elle s’attache à une conception ouverte du problème, considérant le temps de l’œuvre et celui de l’exposition, bien entendu, sans négliger le temps présent, soit l’époque et ce qu’elle enseigne de la manière dont un travail a pu vieillir ou peut/doit évoluer.
Le temps de l’artiste britannique est donc en premier lieu celui du déroulement de ses Solid Light Films devenus mythiques, qui, dès le début des années 1970, inventèrent un « cinéma dessiné ». Les contingences d’un environnement empli de fumée permettent à la projection de se matérialiser en atteignant le statut de sculpture impalpable. Sans cesse McCall y revient, et propose aujourd’hui un nouveau film, Throes (2011) [Convulsions], qui s’est adapté aux nouvelles contingences techniques en délaissant le 16 mm pour une conception entièrement digitale. Toujours empreinte d’une hypnotique légèreté, la projection laisse entrevoir une certaine forme de délicatesse érotisée à travers les courbes mises en jeu qui se cherchent avec une certaine langueur… sans toujours se trouver !
Dans les dessins relatifs à ce même film, qui constituent une superposition de moments précis, la donnée temporelle est une nouvelle fois essentielle (Throes Drawings, 2011) ; la discrète mention d’une durée correspond à l’exact moment du film dont le trait vif tracé sur la feuille est l’exacte reproduction. Avec ces dessins alignés sur le mur, c’est à une véritable séquence temporelle que s’affronte le regard.
Remake
La cote de l’artiste, dont les œuvres ont pourtant atteint un statut iconique et qui reste très soutenu par les institutions, a récemment connu une légère augmentation mais n’en demeure pas moins très raisonnable, puisqu’il faut compter 50 000 euros environ pour un film tel Throes, composé d’une projection simple (en édition de 5).
Attentif à l’évolution des potentialités techniques entrant dans le champ de sa pratique, McCall n’hésite pas à revisiter sa propre histoire. Il le fait ici avec un remake de ce qui est sans doute son œuvre la plus célèbre, Line Describing a Cone (1973). Remake n’est pas copie, et, devenue près de quarante ans plus tard Line Describing a Cone 2.0 (2010), cette nouvelle version entièrement numérique n’a rien perdu de son acuité formelle tout en devenant techniquement parfaite, à mille lieues du caractère artisanal de la première version. Une perfection qui peut-être désarçonnera les nostalgiques du 16 mm, de ses imperfections et de sa sonorité. Mais l’époque appelle à une réinvention. Tout est question de temps en effet !
Jusqu’au 14 janvier 2012, galerie Martine Aboucaya, 5, rue Sainte-Anastase, 75003 Paris, tél. 01 42 76 92 75, www.mar tineaboucaya.com, tlj sauf dimanche-lundi 12h-20h.
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Questions de temps
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°359 du 16 décembre 2011, avec le titre suivant : Questions de temps