Alain Paviot, Drouot, photographie

Quatuor photographique

Le marchand Alain Paviot commente les ventes de Drouot

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 5 décembre 1997 - 877 mots

Quatre ventes de photographies anciennes, modernes et contemporaines ont été organisées à Drouot entre le 21 et le 25 novembre, au moment où se tenait au Carrousel du Louvre le salon “Paris Photo”? (lire page 26). Alain Paviot, marchand à Paris depuis 1974, qui a présenté de nombreuses expositions et publié 20 catalogues, nous commente ces vacations. Au-delà des images phares, il en a sélectionné d’autres – meilleur marché – et explique pourquoi elles devraient retenir l’intérêt des collectionneurs. Alain Paviot vient de quitter ses bureaux du marché Saint-Honoré pour s’installer à côté de la galerie de sa femme Françoise, rue Sainte-Anne, ouverte depuis trois ans.

PARIS. Comme à l’ordinaire, ces quatre ventes ont attiré beaucoup de monde mais, en fait, ce sont huit à dix personnes qui achètent. Ces vacations étaient d’intérêt plutôt moyen et je ne parlerai pas de grand cru. Mais je tiens à souligner ce qui est presque un événement. Le catalogue de la vente du 21 novembre de Me Olivier Coutau-Bégarie, rédigé par l’expert Viviane Esders, était très bien fait, comme la composition de la vacation bien ficelée, sympathique. Malheu­reusement, à cause de l’organisation de Drouot, les images n’étaient pas exposées dans la salle, la veille de la vente. C’est une des raisons pour lesquelles la moitié des lots seulement a trouvé preneur (122 sur 245), avec un produit de 750 000 francs. Deux lots étaient en vedette. Tout d’abord, un carnet de douze pages comportant 247 tirages contact de Robert Capa. Connu depuis longtemps, il était auparavant handicapé par une ambiguïté sur sa possession, comme le rappelle le catalogue (ill. 2).

Mon image fétiche
Une marchande américaine l’a acheté 85 000 francs, au-delà de son estimation (40-60 000), mais ce n’est pas très cher. C’est plus un objet un peu magique que de la photographie pure. J’aurais plutôt acheté un autre Capa, le lot 126, un tirage posthume de son image emblématique, le soldat foudroyé pendant la guerre d’Espagne. Le portrait de Saul Steinberg par Irving Penn, estimé 40 000-60 000 francs, vendu 58 000, avait pour moi peu d’intérêt. Mon image fétiche était le lot 58 (ill. 1), qui a fait 4 000 francs. Une photographie énigmatique, d’abord parce qu’elle est anonyme. Ensuite, la composition offre une ombre assez étrange, et le personnage central est dos à une image de Man Ray. Est-ce une surimpression de Man Ray ? On peut rêver…  Me Jacques Tajan annonce avoir réalisé le 24 novembre le produit le plus important, 1,472 million de francs. La vacation offrait une collection, ou pres­que, et une surprise (lots 192 à 221) : l’album de l’imprimerie Hubert de Fonteny. J’en con­naissais des images mais n’avais jamais vu un tel album en vente publique. Les images ont été vendues séparément, pour un total de 350 000 francs. Je pensais qu’elles seraient réunies par une institution, cela n’a pas été le cas et tous les acheteurs sont repartis avec leur tirage. C’est bien vendu, mais je pense que cela aurait pu faire mieux. Beaucoup ont été achetées par un marchand américain qui constitue une collection pour le Musée de Tel-Aviv.

Les Man Ray, mes chouchous
Mes chouchous étaient deux Man Ray, des Étoiles de mer de 1928 (lots 253 et 255). Tout le monde a focalisé sur la 255, estimée 15-20 000 francs, qu’un marchand américain a payée 85 000 francs, mais ma préférence allait à l’autre, vendue 18 000 francs contre une estimation de 20-30 000 (ill. 3). Deux très belles images, rares, de beaux tirages, de bonne provenance… L’album de Muybridge, chose rare en France, a fait 52 000 francs, un peu plus que son estimation basse. Il est vraisemblablement destiné à être découpé.  La vente Beaussant Lefèvre du 21 novembre ne présentait pas des choses  très fraîches. L’album personnel de Louis Vignes a fait 330 000 francs et a été préempté par la Bibliothèque nationale alors que, selon moi, il ne présentait pas un grand intérêt. La suite de neuf albums sur la Palestine s’est très bien vendue à 90 000 francs. Dernière vente en queue de peloton, le 25, celle de l’étude Laurin-Guilloux-Buffetaud, dont j’étais l’expert. Elle a totalisé un produit de 220 000 francs et seuls 4 lots sur 88 n’ont pas trouvé preneur. Les prix ont connu des glissades dans les deux sens par rapport aux estimations. Comme quoi, on n’est jamais vraiment expert ! Les photographies de Warnod n’ont pas décollé ; celles de Varin, qui se vendaient très bien à une époque – je les avais estimées 2 500-3 000 francs –, ont fait entre 500 et 3 000 francs, sauf une que j’attendais vraiment, La cathédrale de Soissons (lot 56), plus tardive, avec un dessin de l’auteur en complément – technique mixte déjà ! –, qui a fait 10 000 francs contre une estimation de 1 500-2 000. Les Marville, ou attribués à, ont fait leurs prix. Glissade dans l’autre sens, le lot 71, un anonyme estimé entre 800 et 1 000 francs, a fait 10 000. Le Nadar, qui était estimé 20-25 000 francs, a fait 33 000. Depuis le début de l’année, j’estime qu’à travers les ventes publiques, 10 millions de francs ont changé de mains. Compte tenu de la situation générale, 1997 n’est donc pas une mauvaise année.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°49 du 5 décembre 1997, avec le titre suivant : Quatuor photographique

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque