Deux importantes ventes de photographies anciennes, de belles provenances, le 24 janvier à l’hôtel Drouot et le 25 janvier à Chartres, réjouiront amateurs et institutions. C’est surtout autour d’Edouard Baldus et de Louis de Clercq, dont on vient de retrouver les négatifs, que les regards se porteront.
PARIS-CHARTRES - Les deux plus belles ventes de photographies XIXe siècle de la saison auront lieu le 24 janvier à Drouot-Richelieu et le 25 janvier à la galerie de Chartres. Le premier rendez-vous est fixé par la maison Bergé & associés avec l’assistance de l’expert Marc Pagneux. Le catalogue, qui comporte 187 lots, révèle plusieurs pièces anciennes remarquables susceptibles d’aiguiser l’appétit des amateurs, à l’instar de quatorze photographies des Indes prises autour de 1850 par Frédérick Fiebig, estimées 2 000 à 3 000 euros l’unité. Cet ensemble vient des descendants d’un voyageur ayant acquis auprès du photographe ces épreuves papier, les plus anciennes sur la région des Indes. “Les tirages sont somptueux, précise Marc Pagneux. Les connaisseurs vont grimper au rideau.” Autre réjouissance, un ensemble inconnu de photographies de statues du jardin des Tuileries par Baldus vers 1856, issu de l’ancien fonds de l’architecte du nouveau Louvre Hector Lefuel puis de celui de son successeur Janty, est proposé entre 1 000 et 2 000 euros l’épreuve et autour de 5 000 euros pour quelques lots. “Ce ne sont pas de simples prises de vue de sculptures, certaines sont animées de personnages”, commente l’expert. Dans l’un des deux autoportraits de Baldus aux Tuileries, le photographe n’apparaît pas : il a simplement laissé son chapeau, faisant de cette photo une véritable œuvre d’artiste. Soixante et onze photographies de l’album dit “PLM” réalisé par Baldus en 1859-1860, plus l’exemplaire personnel de l’architecte de la Compagnie des chemins de fer, sont à vendre. “Nous n’avons pas conservé l’album dans son état en raison de différences de conservation entre les images”, explique l’expert. Les plus belles et les mieux conservées sont celles du Midi, des tirages sur papier salé albuminé à 5 000 euros pièce. Des lots comportant quelques piqûres ont été constitués à partir de 1 000 euros. En revanche, un recueil photographique historiquement important pour avoir appartenu à Léon de Laborde, personnage à l’origine de la création de la Société héliographique, est livré en l’état pour 15 000 à 20 000 euros. Il rassemble une soixantaine de tirages illustrant les différents procédés de la photographie par la gravure entre 1849 et 1857, dont des planches gravées d’après des daguerréotypes de Fizeau (1849), six photolithographies d’après Henri Le Secq, mais aussi des papiers salés de Brébisson, d’Alexis de Lagrange, d’Eugène Piot...
À saisir également, deux icônes célèbres : un portrait format carte de visite d’Arthur Rimbaud à dix-sept ans (issu de la collection Guérin) par Étienne Carjat (1871), estimé 15 000-18 000 euros, et un tirage parfait de la colonne du nouvel Opéra de Paris de Durandelle vers 1870, estimé 1 500 euros. Mais la surprise de la vente viendra peut-être d’une immense photographie (2 x 1,14 m) aux allures surréalistes, Maldoror, 1935, par le peintre et sculpteur Henry de Waroquier. L’artiste confectionnait des petites sculptures éphémères, qu’il détruisait après les avoir photographiées et tirées en très grand format. Ces photos, à l’exemple de l’épreuve proposée dans la vacation pour environ 8 000 euros, ont été exposées dans la section “Sculpture” des salons et musées des années 1950. À ce titre, pour Marc Pagneux, “l’artiste est vraiment un précurseur de la photographie plasticienne”.
Des négatifs de Balbus et de De Clercq
Jean-Pierre Lelièvre, commissaires-priseurs à Chartres, a fait une redécouverte intéressante qu’il livrera aux enchères le 25 janvier à la galerie de Chartres : 153 négatifs de Louis de Clercq ayant servi à ses fameux albums sur l’architecture du Moyen-Orient et de l’Espagne (1859-1860). C’est la première fois que des négatifs du photographe passent en vente publique. Ils sont regroupés par lots dans l’ordre des albums à partir de 600 euros. Les plus beaux sont présentés à l’unité entre 1 000 et 3 000 euros, tels une vue générale de Kalaat-el-Hosn (un des châteaux du temps des croisades en Syrie), le temple du Soleil à Baalbek, la cour des Lions de l’Alhambra, ou encore une ruine avec palmier, qui fait partie des inédits. La vacation compte aussi près de 80 tirages papier de Louis de Clercq. Les lots d’épreuves démarrent à 1 000 euros, pour cinq vues de Jérusalem par exemple. Les deux pièces phares sont les panoramiques : un Panorama de Tripoli exceptionnel estimé 5 000-6 000 euros et une paire de grands panoramiques du Liban, Beyrouth, côté mer et Beyrouth, côté jardin, estimée 6 000-7 000 euros. Un ensemble de 49 négatifs de Baldus, représentant des sculptures et éléments décoratifs du Louvre, sera proposé en petits lots de formats divers autour de 3 000 euros. “Les estimations sont très raisonnables, commente l’expert de la vente, le marchand parisien Arnaud Delas. Cet ensemble est d’un intérêt tout historique. Il n’est pas très spectaculaire.” Échappés du lot cependant, huit négatifs dont deux signés, montrant des peintures anciennes du Louvre, ont été estimés 1 000 euros chaque.
La vente est par ailleurs enrichie d’images d’Espagne de Charles Clifford datant de la fin des années 1850, à partir de 1 800 euros le lot. Pour une photographie d’exception montrant un patio, un grand tirage sur papier salé inédit au catalogue raisonné du photographe, l’estimation a été poussée à 4 000 euros. Entre autres choses inhabituelles, un lot d’une trentaine de clichés illustrant des personnages à Beyrouth en 1865-1866 par Lallemand est estimé 2 000 euros. Enfin, quelques albums de voyages offerts aux collectionneurs à partir de 1 500 euros retiendront l’attention, comme des vues de Buenos Aires par l’argentin Benito Panunzi (1865), des images de la Grèce par Moraites (1870) ou deux albums historiques qui sont des archives familiales sur la Nouvelle-Calédonie, vers 1870. Une exposition regroupant les plus beaux morceaux de la vacation sera au préalable proposée à Paris dans les locaux du groupe Ivoire.
- PHOTOGRAPHIES XIXe et XXe SIÈCLES, vente le 24 janvier, Drouot-Richelieu, salle 6, Bergé & associés, 12 rue Drouot, 75009 Paris, tél. 01 49 49 90 00. Exposition à Drouot-Richelieu le 23 janvier, 11h-18h, et le 24 janvier, 11h-12h. Exposition privée sur rendez-vous chez l’expert Marc Pagneux, du 13 au 18 janvier, tél. 01 42 46 84 04. - PHOTOGRAPHIES XIXe et XXe SIÈCLES, vente le 25 janvier, galerie de Chartres, Jean-Pierre Lelièvre, 7 rue Collin-d’Harleville, Chartres, tél. 02 37 88 28 28. Exposition à la galerie de Chartres, le 24 janvier, 14h-17h, et le 25 janvier, 9h-12h. Exposition sélective à Paris, Groupe Ivoire France, 3 cité Rougemont, 75009 Paris, tél. 01 47 70 07 03, le 22 janvier, 15h-18h et le 23 janvier 10h-17h.
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Quand la photo sort du lot
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°162 du 10 janvier 2003, avec le titre suivant : Quand la photo sort du lot