Promenade au Salon du collectionneur

Par Armelle Malvoisin · L'ŒIL

Le 1 septembre 2005 - 1217 mots

Sous l’égide du Syndicat national des antiquaires (SNA), le Salon du collectionneur ouvre ses portes du 16 au 25 septembre au Carrousel du Louvre. Un salon pour tous les amateurs d’art quel que soit leur budget. Coups de cœur.

Le Salon du collectionneur, dernier-né des rendez-vous parisiens, se déroule une année sur deux en alternance avec la prestigieuse Biennale des antiquaires de Paris. Voici la deuxième édition. Moins mondain mais pas moins sérieux que la Biennale, la convivialité et la diversité d’une brocante, l’accessibilité financière en plus, tel est le cocktail réussi du Salon du collectionneur.
L’an dernier on a pu y croiser un certain nombre de personnalités dont un ancien ministre de la
Culture qui s’est même écrié : « Enfin un salon où l’on peut acheter ! » Les collectionneurs passionnés comme l’étudiant en histoire de l’art ont pu repartir avec un objet de leur goût et de leur budget. Sur le stand de Bernard Croissy, l’on trouvera par exemple des pistolets « coup de poing » du Second Empire pour 520 euros ; des presse-papiers en verre sulfure aux portraits de Napoléon et Marie-Louise et des tsubas anciennes (garde-sabre japonais) à partir de 750 euros. Alain Richarme de la galerie L’Univers du bronze cède un petit braque en bronze à patine brun rouge de Barye (ill. 4), une épreuve ancienne tirée du vivant du sculpteur, pour 2 500 euros. « Le même [de la même taille et de la même qualité] se trouve au musée du Louvre », note le marchand. Chez Alexis Bordes, notons une très jolie aquarelle de Jules Pascin (ill. 3), figurant des enfants sur la plage pour 3 500 euros ou encore une superbe petite gouache sur ivoire de l’école française du XVIIIe siècle montrant un saint Jérôme en méditation offert pour 4 000 euros dans un cadre italien en bois doré du XVIIe siècle.
« Ce salon a pour ambition de faciliter aux visiteurs et aux collectionneurs l’accès aux objets qui les passionnent le plus, souligne l’antiquaire Michel Vandermeersch, organisateur de l’événement. Toujours dans un souci d’une très grande qualité, c’est un autre mode de “lecture” des œuvres qui est proposé et qui met en relief la richesse de chacune des six spécialités. » Comme en témoignent quelques professionnels que nous avons interrogés.

Faites-vous l’œil
Qu’est-ce qui fait la valeur d’une céramique ? « À qualité égale, la rareté de son décor », répond Vincent L’Herrou de la galerie Théorème. Dans l’exemple qu’il présente, sont comparées deux assiettes du xviiie siècle en faïence de Rouen. La première offre un décor à la corne d’abondance (ill. 6) d’où s’échappent œillets et papillons, sujet classique qui a pour origine la corne tronquée, soit un vase de forme cornet inspiré de la Chine, lequel s’est modifié pendant la période rocaille. Le décor de la seconde assiette (ill. 7) s’inscrit dans un registre beaucoup plus rare et plus complexe de personnages chinois dans un paysage (également plus complexe à fabriquer), ce qui fait toute la différence entre ces deux pièces « de la même époque (à trente ans près) et à qualité égale. D’ailleurs les couleurs sont aussi vives sur l’une comme sur l’autre », précise
le marchand.

Dames de cour chinoises
À stylistique équivalente et à époque identique, les deux dames de cour de la Chine ancienne
(ill. 1, 2) présentées par Antoine Barrère se distinguent par des considérations esthétiques et la nature de leur matériau. Les plis de la robe, par exemple, dessinés en relief dans le marbre, sont figurés par la polychromie pour la terre cuite. Les dames de cour assises sont plus rares que les modèles debout ou agenouillés. Notons surtout que l’on dénombre moins de dix statuettes en marbre dans le monde et que la dame Tang en terre cuite correspond à une production de grande série. Toutes deux ont été enterrées à l’occasion d’une cérémonie funéraire fastueuse. Pour être enseveli avec des objets en terre cuite il fallait au minimum être un grand bourgeois, un riche propriétaire terrien ou un haut fonctionnaire, tandis que « le marbre était réservé à la plus haute aristocratie comme les plus belles terres cuites (les plus rares avec des glaçures émaillées bleues par exemple) qui peuvent atteindre les mêmes prix que les pièces en marbre », précise l’antiquaire.

Les meubles les plus chers
Les cabinets font partie des meubles les plus chers au monde. Cela tient à la richesse de leurs décors réalisés dans des matériaux les plus précieux. Le célèbre cabinet Badminton en ébène, pierres dures et bronzes dorés, réalisé au XVIIIe siècle pour le troisième duc de Beaufort, est le meuble le plus cher du monde depuis le 9 décembre 2004, date à laquelle il a été vendu 27,4 millions d’euros chez Christie’s à Londres. La galerie Gismondi a fait de ces cabinets l’une de ses spécialités. Elle en présente un ensemble dont un abordable petit modèle napolitain du xviie plaqué d’ébène et d’ivoire (ill. 9). « Considérés comme des petits coffres facilement transportables, les petits cabinets étaient très appréciés avec leurs plaques d’ivoire gravées en façade de scènes mythologiques, bibliques, de chasse et plus rarement d’astronomie », explique Jean Gismondi. Le second modèle présenté, réalisé à la même époque à Anvers, possède un décor de qualité équivalente d’ébène et d’ivoire gravé (ill. 8). Ce qu’il a de plus rare se trouve à l’intérieur : l’abattant en façade s’ouvre sur un intérieur orné de plaques d’argent repoussé figurant un décor mythologique.

Secrets de femmes
Sous le thème de la féminité dans tous ses états, Françoise Livinec décline toute une série de tableaux et de dessins. Une délicate Odalisque (ill. 11), toile de très grande qualité, finement exécutée vers 1850 par un artiste anonyme (la signature n’est pas identifiable) « échappe à l’érotisme vulgaire et fabriqué. Ici, le peintre a construit un écrin précieux orné d’objets rares ou ouvragés : le narguilé, les tapis, l’éventail, les bijoux, les vêtements et leurs drapés transparents pour servir la sensualité de la femme. Tout un univers idéalisé et raffiné. Le contraste est saisissant avec l’œuvre sur papier des années 1930 signée du peintre voyageur Le Moigne (ill. 12) qui, dans un style différent, évacue tout artifice pour mieux faire vibrer la personnalité de la femme tunisienne. »

Moult amulettes
Les amulettes comptent parmi les objets de l’Égypte ancienne les plus abordables. Elles servaient lors de rites funéraires à protéger le défunt dans l’au-delà. Le nombre de leurs représentations est presque infini : tout le monde animal y est passé mais aussi des éléments du corps humain comme l’œil (appelé Udjat), la bouche, le cœur… L’Uréus est le cobra dressé qui envoie son feu et que l’on trouve sur la coiffe des pharaons. Sa représentation symbolique renvoie au soleil comme à la morsure fatale du serpent. Cette amulette est d’une qualité de faïence habituelle. On en trouve de plus fine, de plus rare et donc de plus chère, jusqu’à 1 000 euros. Les sculptures en pierre, plus prisées que celles en bronze, sont très recherchées telle cette statuette représentant Horus sous sa forme de faucon (ill. 10). Fils d’Isis et d’Osiris, il compte parmi les dieux les plus importants, les plus anciens et les plus représentés du panthéon égyptien. « Avec sa tête dressée en majesté et ses ailes repliées sur le dos, c’est un très bel objet finement sculpté », indique le marchand Didier Wormser.

Salon du collectionneur

Carrousel du Louvre, 99 rue de Rivoli, Ier, 16-25 septembre, 11 h à 20 h (nocturne jusqu’à 22 h le mercredi 21 septembre), entrée : 12,50 euros. Renseignements : 01 44 51 74 74, www.salonducollectionneur.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°572 du 1 septembre 2005, avec le titre suivant : Promenade au Salon du collectionneur

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