La capitale française s’enflamme du 12 au 18 septembre au Carrousel du Louvre pour le tout nouveau Salon du collectionneur, lancé par le Syndicat national des antiquaires (SNA), également organisateur de la Biennale des antiquaires à Paris. La formule conjugue sérieux, qualité et originalité autour d’une centaine d’exposants très motivés. Ce salon dédié aux collectionneurs s’est pourvu de ses plus beaux atours afin de les séduire. Il comble aussi un vide sur le marché parisien lors des années impaires, sans biennale.
Le 12 septembre 2003 marquera la naissance d’un nouveau salon à Paris, au Carrousel du Louvre, en alternance avec la Biennale des antiquaires. Cette manifestation, qui regroupe près de 80 antiquaires français et une vingtaine d’étrangers par spécialités (six au total), a été montée en moins d’un an par le SNA (Syndicat national des antiquaires), sous l’impulsion de Christian Deydier, son président. “Cela faisait longtemps qu’on pensait à un événement ‘interbiennale’, commente ce dernier. Sur les 400 membres du SNA, un quart participe à la Biennale. De nombreux autres étaient partants pour un autre salon, poursuit-il. Le Carrousel était libre début septembre une année sur deux. On a envisagé divers concepts. On a travaillé dur, bénévolement. Pour l’instant, le salon fédérateur de différentes spécialités se tiendra tous les deux ans. Après, on verra...”
Les exposants de ce Salon du collectionneur sont majoritairement des membres du SNA. Des galeries étrangères ont par ailleurs été invitées, à l’instar de : Contes d’Orient, installée à Hongkong ; Robert Hall de Londres, spécialiste des flacons à tabac chinois de la période Qing ; la galerie madrilène Lorenzo Martinez, qui rassemble des objets de haute époque et de la Renaissance, ou encore, pour les tapis et textiles anciens, la maison belge Sadraee. Le SNA a placé haut la barre pour la qualité des pièces exposées, lesquelles ont toutes été passées à la loupe d’une commission d’admission, la clé de la réussite. Autre particularité : aucune nocturne n’est programmée. “Nous sommes généralement épuisés en soirée pour tenir un stand, mais nous inviterons nos clients à dîner. C’est plus positif”, explique Christian Deydier.
Enfin, pour célébrer l’Année de la Chine en France, une importante collection de cloisonnés chinois du XVe au XVIIIe siècle est présentée au sein du salon. En s’appropriant le thème de la Chine, plusieurs antiquaires ont voulu également jouer le jeu.
Tout a été fait pour que ce salon de grande envergure s’impose comme l’événement de la rentrée. Loin des fastes de la Biennale, l’agencement des lieux se veut pratique – un code couleur par secteur –, et la décoration simple, en signe de distinction mais aussi par souci d’économie. Plus accessible financièrement, un stand au salon se négocie moins de la moitié du prix d’un emplacement similaire à la Biennale.
“La Biennale des antiquaires est un investissement trop élevé par rapport à mon stock et je ne souhaite pas la faire seulement pour le prestige. Pourtant, je suis un vrai forain, reconnaît le Bruxellois Francis Janssens Van der Maelen, qui parade dans de grandes foires internationales. J’ai tout de suite dit oui pour le Salon du collectionneur.” Ce spécialiste de l’argenterie ancienne inaugure, avec dix autres galeries, le secteur “Bijoux, argenterie et textile”, notamment aux côtés du Rouennais Patrick Brigemont Manor, qui propose des objets de curiosités et de collection (boîtes, tabatières, objets de la couture, hochets, étuis, opalines, bronzes de Vienne, objets d’écriture...), de l’orfèvrerie et des bijoux anciens de toutes les époques, du XVIIe au début du XXe siècle, “sélectionnés pour leur rareté, leur préciosité ou leur beauté”. L’art du textile sera représenté par Dominique Chevalier, qui expose pour la première fois, sous l’enseigne CB Parsua (Paris), des tapis contemporains noués à la main en Iran, aux décors variés d’arabesques Isnik, de tulipes ottomanes jusqu’aux dessins plus abstraits, réservés habituellement à de grands décorateurs sur commande. Son confrère Berdj Achdjian (Paris), n’avait “jamais participé à aucun salon parisien”. Son stand est habillé d’une tapisserie aux armoiries du baron Van Suchtelen, un important travail russe du XIXe siècle ; d’un exceptionnel tapis perse à décor “hérati” et médaillon central de la région du Fars (O. de l’Iran, ethnie Ghashgha’ï), ou encore d’un tapis de Rij-Rousseau mettant en pratique des théories sur le vibrisme. La galerie Boccara (Paris) prend à cœur de montrer une tapisserie de Bruxelles d’époque XVIIIe inédite représentant “La découverte de l’Asie” ainsi que plusieurs pièces Art déco.
La céramique et les arts d’Asie prêts pour l’aventure
Les professionnels des secteurs “Céramique” et “Art d’Asie” se sont empressés de répondre à l’appel. Et pour cause, le Salon du collectionneur a d’un commun accord absorbé l’ancienne Biennale des arts du feu de l’hôtel Dassault et l’ex-Biennale des arts asiatiques du jardin des Tuileries. Les collectionneurs peuvent ainsi papillonner en un même lieu d’un secteur à l’autre pour leur plus grand plaisir. Chez Bertrand de Lavergne (Paris) par exemple, la porcelaine préside sous la forme d’un ensemble de flacons-tabatières portant tous la marque impériale Jiaqing (1796-1820). Partageant son emplacement avec le Romain Paolo Lukacs, Michel Vandermeersch (Paris) offre en vitrine un choix de porcelaines et faïences françaises et européennes et, présentées sur des socles et colonnes, quelques belles majoliques italiennes, dont une paire de grandes vasques de Sienne par Bartolomeo Terchi et un buste d’ange de Luca Della Robbia, pour respectivement environ 80 000 et 150 000 euros. Une exceptionnelle soupière en porcelaine XVIIIe siècle de Meissen, un modèle dit “Dulong” à décor de rocaille en relief, trône sur le stand de la galerie belge De Breyne & Jean-Hugues Lamy. “Ce salon a de l’avenir, autant donc être parmi les premiers inscrits”, lance Antoine Lebel (Paris), spécialiste de la porcelaine de la Compagnie des Indes. Avec un ensemble de sculptures chinoises et khmères, il s’agit, pour Antoine Barrère, de la galerie Jacques Barrère (Paris) “d’être visible sur le marché de l’art en septembre dans l’attente d’une reprise”. Grande dame de la Biennale depuis vingt-trois ans, Gisèle Croës (Belgique) trouve “très intéressant de participer à une exposition où tous les arts sont représentés”. Pour son compte, elle a opté pour un accrochage “dans l’esprit d’un cabinet d’amateur avec du mobilier, de très beaux témoignages de l’époque Ming, mais aussi des objets exceptionnels et très sélectifs dont une rare paire de paravents japonais de l’école de Kano du XVIIe siècle et une tête de bouddha en pierre de l’époque Qi du Nord (550-557).” Tamio Ikeda, de la galerie Tanakaya (Paris), fait découvrir essentiellement des estampes du XVIIIe au début du XXe siècle : “des shunga (images de printemps), de Harunobu, Koryusai, Utamaro, Hokusai, de 1 500 à 15 000 euros. C’est la première fois qu’une telle sélection sera présentée à Paris.”
Mobilier, objets d’art, tableaux, dessins et sculptures : autres moments forts
La section “Arts primitifs, archéologie” est sans doute la moins pourvue avec seulement six exposants. Malgré l’arrêt du salon consacré aux arts premiers qui se tenait jusqu’en 2002 à l’hôtel Dassault, les marchands d’art tribal ont préféré s’illustrer pour Kaos-Parcours des mondes (lire page 20). L’illustre galerie Alain de Monbrison (Paris) est néanmoins présente aux côtés de la galerie Valluet-Ferrandin (Paris), qui a préparé une sélection de masques d’Afrique et d’Océanie, et de la galerie Afrique (Saint-Maur/Ramatuelle), autre spécialiste du continent du même nom. Ils sont rejoints par Santo Micali (galerie Mermoz, Paris), le grand représentant des arts précolombiens, ainsi que par la galerie Samarcande (Paris), pour l’archéologie et les arts primitifs, et la galerie L’Étoile d’Ishtar (Paris) pour les antiquités classiques. Une vingtaine d’exposants viennent alimenter la section des “Tableaux, dessins, sculptures”. Olivier Delvaille (Paris) a pris soin, pour une plus grande clarté, de varier les couleurs de son stand divisé en deux : un fond marron distingue les œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles de la peinture du XIXe et du début du XXe siècle, sur fond vert. La présentation de Thierry Normand (galerie Normand, Paris) est centrée autour de quelques chefs-d’œuvre de la peinture du XIXe siècle, tel un grand tableau provenant de Théophile Thoré, La Mare aux fées de Théodore Rousseau, affiché à 300 000 euros. Deux stands raviront les amateurs de dessins. Celui d’Alexis Bordes, jeune antiquaire de la rue Drouot, qui fête son premier grand salon avec une académie d’homme assis à la sanguine par Carle van Loo et un pastel orientaliste d’Alexandre Gabriel Decamps. Le second est celui de Jean-Marie Le Fell (Paris), qui expose une sélection de feuilles du XVIe au XXe siècle, ainsi qu’un ensemble rarissime d’anamorphoses des XVIe et XVIIe siècles, à l’exemple de l’anamorphose du portrait présumé de François Ier, une huile sur bois vers 1540 proposée au prix de 130 000 euros, et enfin quelques tableaux de curiosité dans le genre “arcimboldesque”. Le stand de la galerie Claude Bernard (Paris), entièrement consacré à l’artiste orfèvre géorgien Goudji, est tout aussi étonnant avec sa cinquantaine de pièces récentes en argent ou en or incrustées de pierres semi-précieuses, brillant de mille feux, dans une fourchette de prix allant de 10 000 à 100 000 euros.
La section “Mobilier, objets d’art” retient également l’attention. Y figurent quelques grosses pointures tels la galerie Gismondi (Paris) et l’antiquaire Steinitz (Paris). Ce dernier a monté comme à son habitude un décor féerique de style oriental peuplé d’objets somptueux. “Ce salon est une bonne idée pour Paris. C’est l’actualité de la rentrée face à l’activité des maisons de ventes”, milite Benjamin Steinitz, qui trouve “le président du SNA efficace et sérieux dans son action”. Ariane Dandois (Paris), exposant à la Biennale qui “a toujours regretté de ne pas exposer tous les ans dans un salon à Paris”, représente l’esprit du néoclassicisme à travers un mélange de mobilier européen, dont une commode napolitaine en noyer avec un décor de drapé en bois doré “à mecca”, vers 1820, autour de 150 000 euros, et une série de huit fauteuils romains, vers 1830, en bois doré, dont les accotoirs reposent sur des supports monopodes à têtes d’aigles et griffes de lion, à 135 000 euros la paire. Elle exprime également sa sensibilité à l’art oriental, avec entre autres un paravent à décor de fleurs et à fond argent du milieu du XVIIe siècle signé par Kitagawa Sosetsu et proposé à 500 000 euros. Dans un registre proche, la galerie Tobogan Antiques, installée au Louvre des Antiquaires, entend bien “rencontrer [ses] clients dans une autre atmosphère, mais également entrer en contact avec une nouvelle clientèle qui ne se déplace pas forcément dans les galeries”. L’antiquaire a apporté quelques pièces significatives de styles antiques alors très en vogue sous le Second Empire, à l’instar d’une paire de lampes en bronze exécutées par Ferdinand Barbedienne et présentées à l’Exposition universelle de Paris en 1855 – et dont un modèle appartient au Victoria & Albert Museum de Londres–, ainsi qu’une paire de vases en marbre et bronze, réalisés par Houdebine pour l’Exposition universelle de Paris en 1867. Il offre également quelques pièces japonisantes comme un grand bureau plat en ébène dessiné par Édouard Lièvre vers 1875, orné de bambous et autres motifs orientaux. Du haut de ses 31 ans, le Lyonnais Sébastien Duc, qui a ouvert la galerie Lantriac à Lyon il y a dix-huit mois, est sans doute l’un des plus jeunes admis. Pour son premier salon parisien, il propose un choix très éclectique d’objets d’art et de curiosité de toutes époques, tels des sujets napolitains en papier mâché ou un tellurium pragois de la première moitié du XIXe siècle, et quelques morceaux de mobilier comme un bureau Mazarin attribué à Hache pour environ 50 000 euros ou une chaise d’aisance Louis XVI en acajou pour 4 500 euros. Michel Giraud (Paris) est bien le seul au salon à illustrer les arts décoratifs du XXe siècle. Il ne s’en plaint pas et prend cela comme “un honneur” tout en souhaitant que la prochaine édition fasse venir quelques confrères. Le marchand a recréé pour l’occasion l’intérieur d’un amateur des années 1930 “où les artistes se côtoient sans s’insulter” : un lit de repos par Arbus, un fauteuil signé Ruhlmann, une table et une petite bibliothèque de Printz, un guéridon en marqueterie de paille par Groult, une table basse inédite de Sornay et, en exergue, un bar gainé de cuir, une pièce unique également de Sornay.
Du 12 au 18 septembre, Carrousel du Louvre, 75001 Paris, tél. 01 44 51 74 74, vernissage le 11 septembre de 18 à 23 heures, tlj 11h-20h, www.salonducollectionneur.com. Catalogue, 20 euros. Cycle de conférences gratuites pendant la durée du salon.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le premier Salon du collectionneur donne le coup d’envoi de la rentrée
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°175 du 29 août 2003, avec le titre suivant : Le premier Salon du collectionneur donne le coup d’envoi de la rentrée